Une révolution commence

GéorgieLe samedi 22 novembre 2003 restera en Géorgie une date historique : 85 ans après la première proclamation d'indépendance, le monde entier a vu s'effondrer en direct le régime de Chevardnadze. Ce vieil autocrate stalinien recyclé est l'un des rares membres du Politburo des années Brejnev à se trouver encore à la tête d'un Etat. C'est désormais fini pour lui et c'est le résultat direct de la poussée irrésistible de tout un peuple. Analysel'implosion de l'URSS en 1991 a vu la Géorgie devenir un Etat indépendant pour la 2e fois de son histoire. Les premières élections mirent à la tête du pays Zviad Gamsakhourdia, dictateur malchanceux abattu fin 1993 alors que son régime n'atteignait pas 2 ans et qu'une guerre civile en avait constitué la phase essentielle.

l'or noir

Au cours de cette guerre, le peuple abkhaze, qui formait une des nombreuses minorités vivant en Géorgie a fait sécession, ses dirigeants étant soutenus en sous-main par Eltsine, pour qui le pouvoir politique en Géorgie devait demeurer faible et dépendant de l'aide russe. Dès cette époque, l'impérialisme US lorgnait sur une maîtrise territoriale de la Géorgie pour y implanter l'oléoduc Bakou (Azerbaïdjan)-Tbilissi-Ceyhen (Turquie), afin d'acheminer l'or noir de la mer Caspienne à l'écart du territoire russe (l'autre option étant un oléoduc empruntant le nord du Caucase, le versant tchétchène et russe). Le gouvernement Chevardnadze sortit vainqueur de la guerre civile (il est amusant de voir Chevardnadze déclarer à présent que son souci principal était d'en éviter une nouvelle) et il dut faire face à un soulèvement des Ossètes du sud, qui vivent au Nord de la Géorgie (région de Tshkinvali) et souhaitent leur fusion avec les Ossètes du nord, qui vivent en territoire russe, à l'ouest des Tchétchènes et des Ingouches, sur le flanc nord du Caucase. Là encore, le Kremlin voyait d'un bon oeil cette fusion, du moment qu'elle avait lieu sous son égide. A ce jour, il y a toujours une Ossétie "géorgienne" et une Ossétie "russe". Enfin, dernier abcès : l'Adjarie, au sud-ouest du pays, non loin de la frontière turque. Elle n'a pas revendiqué l'indépendance, mais l'autonomie vis-à-vis de Tbilissi, la capitale de l'Etat géorgien. Elle est entièrement quadrillée par les hommes de main du chef mafieux Abachidze, un allié de Chevardnadze. Depuis plusieurs années, la trésorerie de l'Etat géorgien est à sec, et la corruption plus flagrante que partout dans le voisinage. Le gouvernement américain, au temps de Bush père, avait confié au Secrétaire d'Etat James Baker le soin de s'assurer de la reconnaissance des bonnes dispositions de Chevardnadze à l'égard des "intérêts américains". Cette politique fut reconduite sous Clinton, tandis que Poutine, après Eltsine, menaçait à plusieurs reprises de réactiver les bases militaires russes en Géorgie, sous prétexte de la présence de Tchétchènes dans le Nord du pays. Par la suite, des troupes US furent autorisées à séjourner en Géorgie, ce qui veut dire qu'aujourd'hui, les "parrains" des régimes successifs sont au nombre de deux.

Les parrains

Le trucage manifeste des élections du 2 novembre dernier a poussé à bout toutes les victimes de la gabegie et du népotisme de "l'équipe Chevardnadze", abandonnée au fil des ans par des politiciens compagnons de route, aujourd'hui de retour à la tête des manifestants, avec d'autres visées que les milliers de Géorgiens venus chasser le régime. Saakachvili, le plus connu d'entre eux, et la nouvelle présidente par intérim Nina Bourdjmnadze, sont de ceux-là. Ce n'est qu'en voyant le degré de mobilisation des masses que Saakachvili a définitivement rompu avec Chevardnadze, avec qui il tenait encore des réunions dix jours avant la chute du président. Ce fut effectivement un mouvement pacifique, largement impulsé par les étudiants organisés sur le modèle serbe de l'association "Otpor" qui, en 2000, contribua à précipiter la chute de Milosevic. Certains diront que tout a été orchestré à Washington avec la complicité de Moscou, Poutine ayant envoyé son ministre des affaires étrangères Ivanov à Tbilissi négocier avec le futur ex-président.

La révolution commence

C'est faire litière de la mobilisation des masses, à la manière de ce qui fut fait à Belgrade. l'état de banqueroute du pays ne permettait plus aux masses d'attendre un quelconque raccommodage ni la perspective présidentielle prévue en 2005. Ce n'est pas pour accepter le maintien dans la misère d'un Etat où le chômage touche plus de 30% de la population active que le peuple est descendu avenue Roustavcli et s'est emparé de la Chancellerie. Aucun des politiciens portés au pouvoir ne saura se prévaloir plus de quelques mois de toute légitimité, chacun d'eux n'étant que des émules de leur ancien président. Nina Bourdjmnadze est la fille du roi géorgien de la biscuiterie, ex-témoin de Chevardnadze lors de son mariage, Mikhaïl Saakachvili est le poulain de Washington. En bons libéraux, ils auront à coeur de faire avaler au peuple géorgien la potion infecte du remède universel du FMI. Et là, il serait bien hasardeux de parier sur leur succès.
Modifié le vendredi 24 juin 2005
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