Bush en état de grâce

Etats-Unis : élections présidentiellesAinsi, Bush a été réélu à la présidence des USA, le 2 novembre dernier. Avec 51 % des suffrages, soit 59 millions d'électeurs, contre 48 % à Kerry, avec 56 millions de voix, il devance de 3 millions de voix son adversaire du Parti démocrate. Près de 120 millions d'électeurs se sont déplacés, soit la participation la plus élevée depuis 1968. Et le jour même, Wall Street a fêté la victoire de Bush en clôturant en hausse.

56 % des votants, c'est effectivement un pourcentage élevé. Il n'est pas pour autant époustouflant, comme on pourrait le croire à entendre certains commentateurs : en 1992, pour l'élection de Clinton, il fut de 55 %.

Aucun raz-de-marée

Il n'y a donc pas eu de raz-de-marée électoral, le pourcentage d'abstentionnistes étant de 44 %. Bush a été réélu par à peine un peu plus du quart de l'électorat total. Cela n'en fait pas, et de loin, un plébiscite, et relativise fortement les commentaires des médias européens qui semblent sonnés par la victoire de Bush, leur candidat étant John Kerry. Il reste, bien entendu, que Bush a obtenu plus de 3 millions de voix de plus qu'en 2000 (où Al Gore le Démocrate avait eu 500 000 voix de plus que lui) et qu'il n'est pas question de nier ou sous-estimer le phénomène. Pourquoi donc Bush a-t-il gagné,et s'est-il même renforcé électoralement entre deux scrutins ? l'explication réside en grande partie dans l'analyse des programmes des deux candidats. Sur les questions majeures, la guerre en Irak, la " lutte contre le terrorisme ", l'emploi, l'économie, la protection sociale, y a-t-il eu des différences et divergences majeures ?

Quelles divergences ?

Sur la guerre en Irak, Kerry a approuvé la guerre et préconise même un accroissement temporaire de 40 000 soldats. Sur la fiscalité, Bush a demandé au Congrès de pérenniser les baisses d'impôts adoptées en 2001 et 2003 (en faveur surtout des riches) estimant qu'elles créeront des emplois. Kerry a proclamé qu'il reviendrait sur les baisses d'impôts pour les américains gagnant plus de 200 000 dollars par mois mais compte maintenir les baisses pour les classes moyennes. (" Oui, les yeux face à la caméra, oui, je ne vais pas augmenter les impôts. J'ai un plan de réduction d'impôts. "( John Kerry, 2ème débat, 8 octobre 2004.) Sur la santé, malgré quelques nuances sur l'application des systèmes Medicard et Medicare, aides médicales minimum d'état pour les plus pauvres, rien de fondamental ne sépare Bush et Kerry, quand 46 millions d'américains sont sans aucune couverture sociale. l'avortement, Bush y est opposé. Kerry déclare qu'il est pour mais envoie son épouse inciter publiquement à l'abstinence comme meilleur moyen de contraception (deuxième débat Bush-Kerry du 8 octobre). Et les mariages homosexuels, l'un et l'autre sont contre au nom de la morale chrétienne.

Accord sur l'essentiel

Sur l'environnement, Bush et Kerry rejettent le protocole de Kyoto, indiquant tous deux que nul pays ne leur dictera leur conduite en matière de rejet de gaz à effet de serre (par ailleurs, l'hypocrisie du protocole de Kyoto n'est pas à démontrer ici, cela va de soi). On le voit, la différence des programmes équivaut à l'épaisseur d'un papier à cigarette. Les contradictions existent, certes, mais ils sont d'accord sur l'essentiel : les intérêts impérialistes. De fait, le Parti démocrate, qui, en l'absence d'un parti ouvrier digne de ce nom, a tendance et tradition à recueillir une partie des voix de l'électorat ouvrier, ne l'a pas retrouvé en grande partie cette fois-ci. Est-ce à dire que ces voix ouvrières se sont reportées sur Bush ? Certainement pas. La carte des votes du 2 novembre le prouve. En revanche, les conservateurs et l'électorat des " petits blancs " déclassés des villes et surtout des campagnes se sont cette fois-ci déplacés en masse pour Bush : quitte à voter, ils ont voté pour l'original plutôt que la copie. Comme le résume la journaliste américaine Esther Kaplan : " à la différence de la révolution conservatrice de Reagan, cette révolution fondamentaliste divise clairement le pays. Reagan, lui, avait su rassembler, s'imposant par deux vrais raz-de-marée. En 1984, il avait notamment gagné dans 49 des 50 états. Bush, lui, n'a pas pris de voix chez les Démocrates, ou chez les indépendants. Il a radicalisé sa base et polarisé le pays comme jamais. ".

Ben Laden le bienvenu

De même, Sylvie Kauffmann, dans Le Monde du 3 novembre, analyse la situation ainsi : " Le vainqueur hérite pourtant d'une société terriblement polarisée : depuis 2000, cela ressemble à un lieu commun mais cela n'a jamais été aussi vrai. l'Irak constitue le clivage le plus spectaculaire, mais, partout ailleurs, la fracture est béante. M. Bush l'emporte chez les hommes blancs, les évangélistes et les revenus supérieurs. M. Ker­ry arrive largement en tête chez les Noirs, les Hispaniques, les jeunes et les femmes. Bonne chance, Monsieur le Président. "

Ajoutons, en guise de conclusion provisoire, que l'intervention publique de Ben Laden à deux jours du scrutin a été fort opportune pour Bush, l'aidant à " resserrer les rangs " derrièrel'initiateur de la guerre en Irak. Sacré Ben Laden. S'il n'existait pas, il aurait fallu l'inventer - ou le fabriquer, allez savoir.
Modifié le jeudi 23 juin 2005
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