Le peuple chilien face à Bush

ChiliAu Chili, nous le savons : ce n'est pas parce que quelqu'un se fait appeler Jésus qu'il est le fils de Dieu. C'est ce qu'on peut dire de l'actuel Président, Ricardo Lagos, militant du vieux parti socialiste d'Allende, qui gouverne en servile valet des multinationales. Du Parti Socialiste, haï par la CIA, Nixon et l'ITT ITT : International Telegraph and Telephone, multinationale américaine qui a financé la contre-révolution dans les années de la présidence d'Allende. , il ne reste aujourd'hui plus que le nom et un monument au Président renversé en 1973, sur un côté du palais du gouvernement. La venue de Bush au Chili à l'occasion de l'APEC APEC : regroupe 21 pays situés de part et d'autre de l'océan Pacifique., le 19 novem­bre dernier, était une fête que le gouvernement voulait célébrer avec la crème de la bourgeoisie nationale ...Et il en fut ainsi jusqu'à ce que le peuple y mette son grain de sel. Le sommet annuel du Forum de coopération économique Asie-Pacifique - APEC - s'est réuni entre les 19 et 21 novembre à Santiago du Chili. Impulsé par les États-Unis depuis 1989, c'est le territoire de chasse exclusif de la première puissance mondiale, seulement partagé avec son associé de moindre envergure le Japon. Ses résolutions ne diffèrent en rien des directives de l'OMC : libéralisation des marchés, meilleures conditions pour le rapatriement des profits, plus de libertés pour les capitaux spéculatifs, de meilleures conditions pour le pillage de nos matières premières. Cependant, il n'a pas le poids de cet organisme mondial.

Un jour de canicule

À onze heures trente du matin le 19 novembre, une gigantesque manifestation s'ébranla à partir de la place Almagro, juste à côté du monument à Luis Emilio Recabarren, le père du mouvement ouvrier chilien. Au croisement des avenues de San Diego et Santa Isabel, à cinq pâtés de maisons du Palais du gouvernement, la manifestation vit des milliers de jeunes, de femmes, d'ouvriers et d'étudiants la rejoindre. La canicule ne fut pas un obstacle pour les milliers de banderoles exigeant l'expulsion de Bush du pays. Cette immense manifestation (la presse bourgeoise, y compris CNN, après avoir donné des chiffres ridicules, finit par reconnaître une participation de 70 000 personnes) reçut le soutien enthousiaste de milliers de Chiliens massés sur les trottoirs et aux balcons. À la fin du défilé, au moment où commençait le meeting central, des milliers de gens étaient encore en train de quitter la place Almagro. C'est la mobilisation anti-impérialiste la plus importante qui ait eu lieu dans notre pays depuis le retour de la démocratie. Ensuite vint la répression contre la foule des manifestants sans défense, comme une vaine tentative pour cacher son importance. Le siège du PC fut violemment attaqué par les forces de police. La presse, comme cela se passait du temps de la dictature, fut victime, elle aussi, de la répression. Bush, qui pensait rester un jour de plus, choisit de partir tellement rapidement pour la Colombie qu'il ne put même pas fournir la moindre explication aux journalistes de ce pays qui lui demandaient la raison de tant de précipitation.

Colère populaire

Pourquoi la colère populaire grandit-elle contre Bush, le gouvernement de Lagos et de sa politique ? À cause des milliers d'enfants qui se couchent chaque jour sans manger, des centaines de milliers de chômeurs qui cherchent en vain un emploi, des centaines de milliers de travailleurs qui, en plus d'être sauvagement exploités, ne gagnent pas de quoi manger, des peuples indigènes qui n'ont ni terre ni vie digne. Tels sont les causes et le sens de cette manifestation. C'est ce qui s'est également exprimé, lors des dernières élections municipales, dans le résultat obtenu par le pacte " Ensemble nous pouvons ", qui a obtenu presque 10 % des voix et l'élection de quatre maires et de 90 conseillers municipaux. Tout cela nous autorise, nous tous qui voulons un Chili socialiste, à être chaque jour plus optimistes face à l'énergie d'un peuple qui peu à peu reprend le combat en défense de sa dignité.

Carmen Moncada,

en exclusivité pour La Commune,
propos recueillis par élie Cofinhal,
Santiago, le 26 novembre 2004.
Modifié le jeudi 23 juin 2005
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