Lula et les amis de Krivine - Besancenot en action

BrésilAprès sa prise de fonction, le 1° janvier 2003, Lula le nouveau Président du Brésil a formé son gouvernement. En charge de l'agriculture, il a désigné comme Ministre de l'agriculture : Roberto Rodrigues - un grand propriétaire foncier président de l'Association brésilienne d'Agribusiness qui était membre d'un comité patronal attaché à la présidence de F.-H. Cardoso - et, comme ministre du Développement agraire, Miguel Rossetto, membre du courant Démocratie Socialiste - l'organisation soeur de la LCR de Krivine/Besancenot. S'agissant de ce dernier, il est important pour les militants ouvriers de connaître son bilan de huit mois de participation gouvernementale.Les paysans sans terre, au Brésil, ont assez attendu. ils occupent des terres qu'on leur refuse depuis des années. Ainsi dans l'Etat de Sâo Paulo, de nombreuses occupations datent déjà de plusieurs années et ne sont toujours pas légalisées, alors qu'il s'agit de terres publiques, 2500 familles sont concernées. "La terre existe qui permettrait de satisfaire toutes ces familles, il suffit d'une décision politique", souligne, à juste titre, Gilmar Mauro, porte-parole du MST. Ils sont ainsi des centaines de milliers de familles de paysans pauvres, représentant trois millions de personnes, selon l'Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA), privées de terre et sous la menace permanente des tueurs à gages à la solde des grands propriétaires (deux mille assassinats en trente ans). Dans le seul état de Para, au nord du Brésil, dans l'une des régions où les conflits pour la terre sont les plus nombreux, 17 militants ont été assassinés par les hommes de main des grands propriétaires, avec la complicité de la police militaire. "Ce qui se passe ici a toutes les apparences d'une bombe à retardement prête à exploser", déclare le président de la Fédération des travailleurs agricoles de cet Etat, Antonio Carvalho. l'Etat du Mato Grosso, de Pernambouc, Espirito Santo, Piaui, Sregipe, Rondônia, mais aussi des Etats "riches", comme Sâo Paulo, Rio Grande do Sul, sont aussi touchés.

La question vitale de la terre

Face à eux, trente-cinq mille grands propriétaires - souvent des banques ou des multinationales soutenues par des caciques politiques corrompus, de droite, de "gauche" et de "centre gauche", et le haut échelon de la police militaire et d'une justice aux ordres -, pour lesquels la terre n'est rien d'autre qu'une valeur spéculative, possèdent des domaines de plusieurs milliers d'hectares chacun. 1 % des propriétaires détient 45% des terres cultivées.

C'est dans le combat pour "la terre a celui qui la travaille" qu'est né le Mouvement des travailleurs sans terre (MST) en 1984, à la même époque que le Parti des travailleurs et la CUT. Il est l'organisation de tous les sans-terre et l'un des principaux artisans de la victoire du PT et de l'élection de Lula, le 27 octobre 2002. Cette victoire de la classe ouvrière et de la paysannerie pauvre a amené le MST à formuler son positionnement vis-à-vis du gouvernement Lula, en particulier sur le choix du ministre de la réforme agraire, en précisant qu'il n'était pas dans son rôle de nommer les ministres, préservant "l'indépendance du mouvement vis-à-vis du gouvernement, qui est la meilleure façon de garantir la mise à l'ordre du jour de la réforme agraire véritable".

100 000 familles occupent

Après sa rencontre avec Miguel Rossetto, le nouveau ministre du Développement agraire, Joâo Pedro Stedile, le coordinateur national du MST, a déclaré que l'annonce par le ministère du Développement agraire, de l'attribution de 203 000 hectares de terres improductives dans 17 Etats pour installer 5 500 familles, "est seulement de la propagande (...) pour répondre aux besoins les plus urgents le gouvernement devrait présenter 14 mesures de ce type par semaine", en rappelant que 100 000 familles campent actuellement sur des terres qui peuvent leur être immédiatement concédées.

Alors que le mouvement d'occupation des terres se développe, les grands propriétaires terriens arment de véritables milices et font régner la terreur parmi les sans-terre. C'est ainsi qu' "A Palmital, ville située à 390 km de Curitiba (capitale de l'Etat de Parana), les propriétaires terriens en sont venus à former un groupe baptisé Premier commando rural (PCR), inspiré du nom du Premier commando de la capitale (PCC), la plus fameuse des factions criminelles nées dans les prisons de Sao Paulo." C'est "la seule manière d'intimider les sans-terre" déclare dans l'hebdomadaire Veja (26 mars) un grand propriétaire terrien, Renato Ubaldini, qui possède 14 000 hectares de terres près de cette localité.

Les grands propriétaires arment des assassins en toute impunité

Les sans-terre réclament des mesures d'urgence pour mettre un terme aux agissements des bandes d'assassins à la solde des grands propriétaires. Ils demandent qu'on leur garantisse tout desuite un titre de propriété officiel pour les terres qu'ils occupent. La première de ces mesures étant l'abrogation de la mesure provisoire 2.183, édictée voici trois ans par F.H. Cardoso, le prédécesseur de Lula, selon laquelle toute terre cultivée occupée par des sans-terre est immédiatement retirée, pour une période de deux ans, du programme de réforme agraire. Autrement dit : les sans-terre qui occupent une terre cultivée ne peuvent se la voir attribuée. Et c'est sur ce décret que les grands propriétaires appuient les méfaits de leurs hommes de main.
Que fait Miguel Rossetto ? On apprend par la presse qu'il a donné la garantie "aux cinquante propriétaires membres du conseil de la Société rurale brésilienne (l'organisation des grands propriétaires terriens au Brésil ) que le gouvernement ne va présenter aucune proposition abrogeant ou altérant la mesure provisoire 2.183, qui a aidé à réfréner les invasions de propriétés rurales" (0 Estado, 2 avril). 0 Estado souligne qu' "à la fin de la rencontre, les propriétaires commentaient entre eux qu'ils avaient finalement entendu ce qu'ils souhaitaient".

Les occupations de terre ne cessent pas pour autant et "Le Président Lula... fait connaître sa préoccupation face à l'augmentation des invasions de propriétés rurales dans tout le pays et il a annoncé qu'il interviendra auprès des dirigeants des sans-terre. " ( 0 Estado, 24 juin). Le ministre de la justice, Marcio Thomas Bastos, traduit : " Le gouvernement fédéral n'admettra aucune action en dehors des limites de la loi de la part de membres du mouvement des sans-terre et des propriétaires terriens. "

Les occupations de terres sont déclarées illégales, les militants pourchassés...

En clair, les occupations de terres sont toujours hors la loi, et les bandes de tueurs et ceux qui les commandites resteront toujours impunis. Que dit Miguel Rossetto ? " Le gouvernement fédéral ne devra pas accepter les pressions du Mouvement des sans-terre (MST) visant à accorder une terre à toutes les familles rassemblées par ses militants dans divers campements dans tout le pays. C'est l'opinion qui émane de divers secteurs de l'équipe du président Luiz Inacio Lula da Silva (...). Le ministre du Développement agraire, Miguel Rossetto, un des courants radicaux du PT a adopté un discours qui va dans le même sens. Après avoir affirmé en juillet, durant une visite au Pontal do Paranapanema, que toutes les familles installées dans les campements se verraient attribuer une terre, il affirme aujourd'hui que, pour beaucoup d'entre eux la solution ne se trouve pas à la campagne, mais dans le programme de création d'emplois dans les villes " (0 Estado, 18 août). Quel cynisme, quand on sait qu'au Brésil, comme partout dans le monde, c'est le chômage qui ne cesse de progresser !

Le principal responsable de l'institut national de la colonisation et de la réforme agraire (INCRA), qui dépend du ministère du Développement agraire, Marcelo Resende, est critiqué par les grands propriétaires fonciers comme étant trop proche du MST et le gouvernement demande que soit limogée l'équipe dirigeante de l'institut. C'est Miguel Rossetto qui prend la responsabilité de son renvoi.

Pour le président de la Commission pastorale de la terre, l'évêque D. Tomas Balduino, la démission de Marcelo Resende de la présidence de l'INCRA est " Un désastre pour la réforme agraire. "

...avec l'aide appuyée d'un ministre "troskyste"

Il ne s'agit pas seulement d'un changement d'homme, mais d'un changement de modèle de réforme agraire. Ce qui est en gestation au ministère du Développement agraire, c'est un modèle basé sur le marché, pire que celui adopté par le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso (... ). Rossetto est engagé en faveur d'une réforme agraire de marché qui peut nous ramener la "Banque de la terre", qui a été combattue par les mouvements sociaux. On comprend dès lors pourquoi il n'a fait aucun effort pour un plan de réforme agraire, qui, après huit mois de gouvernement, n'a même pas encore commencé." Selon le président de la CPT, le président démis de l'INCRA était en faveur d'une réforme agraire basée sur les expropriations. " Il n'acceptait pas la proposition, qui a surgi sous le gouvernement F H. Cardoso, avec l'appui de la Banque mondiale, d'une incitation à l'achat de terres par les sans-terre. (O Estado du 4 septembre 2003)
Cette politique enhardie les défenseurs des grands propriétaires fonciers qui reçoivent, mais qui peut s'en étonner le renfort de la "justice" : "Par 8 voix contre 2, le Tribunal suprême fédéral (STF) a annulé l'expropriation signée Lula le 19 mai dernier de cinq fazendas de la région de Sào Gabriel, dans le Rio Grande do Sul (...). Le résultat du Jugement du STF qui a annulé le processus d'expropriation des 13 200 hectares du fazendeiro Alfredo Southaill a été reçu avec euphorie par les grands propriétaires et révolte chez les sans-terre " (0 Estado, 15 août). Ce à quoi, toute honte bue, Miguel Rossetto déclare : "Naturellement, nous espérions une autre décision. Mais nous appliquerons la décision de justice. " Commentaire de 0 Estado du 16 août : "Rossetto à clairement dit que le gouvernement ne prétendait pas se battre contre le STF pour le maintien de l'expropriation."

Le bilan est terrible : le nombre de morts dans des conflits de la terre dépasse maintenant le total de ceux enregistrés durant toute l'année dernière, quarante-cinq militants sans terre ont été tués depuis l'arrivée au pouvoir de Lula, le 1° janvier 2003. Le MST qui organise la lutte légitime des sans-terre est menacé, l'un de ses dirigeants José Rainha, ainsi que son épouse Diolinda sont aujourd'hui en prison pour participation à une occupation de terre et un de ses locaux a été récemment encerclé par la troupe de choc de la Police militaire.
Modifié le jeudi 23 juin 2005
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