Troisième mandat pour Evo Morales

Le dimanche 12 octobre la Bolivie votait pour désigner son nouveau président. Les derniers sondages donnaient Evo Morales vainqueur avec 56% de voix dès le premier tour. Les Boliviens viennent de le porter au pouvoir pour un troisième mandat avec 61% des voix contre 24% à son adversaire de centre droit, Samuel Doria Médina.

Troisième mandat pour Evo Morales

Cette victoire est avant tout un refus de la majorité des Boliviens de voir les forces réactionnaires revenir au pouvoir : l'ex-président conservateur ne recueille que 9% des suffrages.
Le bilan des deux mandats de Morales reste toutefois très contrasté. Le taux de chômage qui était de 11% est tombé à 3% (selon le gouvernement) et 5% pour les experts indépendants. Une série d'avancées dans le domaine de la santé, de l'éducation, lui ont acquis une certaine sympathie dans la population la plus pauvre .

Morales a légalisé le travail des enfants !

Malgré une balance commerciale excédentaire (15 milliards de dollars de réserve de change) 40% de la population vit toujours avec moins de deux dollars par jour. Tout dernièrement a été légalisé le travail des enfants de plus de dix ans,  ce qui selon Morales «les aide à acquérir une conscience sociale» (sic), mais la raison cachée reste que leur exploitation (eux qui représentent le cinquième de la population active) aide à maintenir des salaires de misère. La volonté du gouvernement de mettre en place  un capitalisme extractiviste, basé sur le développement des exportations de matières premières, a permis une augmentation de l'exploitation des hydrocarbures et des mines et le choix de la culture industrielle du quinoa et du soja. Ces choix font que les conditions de travail se détériorent, que le salaire minimum est le plus bas d'Amérique latine (200 dollars), que les agriculteurs s'expatrient vers les grandes villes ou vers les exploitations latifundiaires (immenses propriétés agricoles appartenant à de riches propriétaires) et que  les importations alimentaires ont augmenté  de 28%.

Parole non tenue

Qui aurait voulu écouter de près le discours de Morales lors de sa première élection  aurait compris que la situation actuelle du peuple bolivien n'a rien de surprenant. Morales annonçait au lendemain de sa victoire : «une transformation radicale de la société et de l’État, mais pas dans une perspective socialiste… il y a un prolétariat minoritaire démographiquement et inexistant politiquement, et l'on ne construit pas le socialisme sans prolétariat». Affirmation singulière dans le pays  qui, en 1953 a connu la seule révolution ouvrière et socialiste de toute l'Amérique latine.
Les contradictions entre les aspirations du peuple bolivien et la politique menée par Morales  n'ont pas tardé à mettre en place un cadre de revendications s'opposant à la parole non tenue.
L'abandon de la législation sur les territoires indigènes a  provoqué la rupture de la CIDOB (organisation des communautés guarani, partie prenante de la coalition qui a amené Morales au pouvoir),  de la CONAMAQ (communauté quechua).

Pour un Parti des travailleurs

La volonté de maintenir à tout prix les comptes publics en excédent  a provoqué des conflits importants avec la COB (centrale ouvrière bolivienne, également membre de la coalition électorale de 2002). Le premier conflit en 2010 autour du projet de suppression des subventions sur l'essence, en 2011  sur les revendications salariales, en mai 2013 quand le gouvernement a voulu réformer le système de retraite... La COB et les mineurs de Huanuni appelèrent à une grève générale qui dura deux semaines. Ils furent rejoints par les syndicats enseignants et par celui des policiers, ainsi que par la CIDOB et la CONAMAQ. Les heurts furent très violents, opposant grévistes et forces pro-gouvernementales. Finalement les grévistes durent accepter une partie du plan gouvernemental : départ en retraite avec 70% du salaire au lieu de 100%, et pour les mineurs cotiser 35 ans au lieu de 30.
Ces tensions sociales ont amené la COB, en 2013,  à mettre en place le processus de formation d'un Parti des Travailleurs, en vue de ces dernières élections. Toutefois, Morales conscient du danger ordonna de doubler la prime de fin d'année, ce qui poussa la bureaucratie syndicale de la COB à revenir sur la construction du parti .

Morales au bout du chemin

Morales, pour son troisième mandat, va se trouver dans cette contradiction entre les exigences populaires et son modèle économique, sacrifiant aux intérêts capitalistes. Les derniers affrontements, les capacités d'auto-organisation et d'armement populaire laissent penser que le peuple bolivien ne se résoudra pas à de nouvelles attaques gouvernementales. Nombre de boliviens savent que seule la construction d'un parti de classe, indépendant du pouvoir, leur permettra d'accéder à leurs justes revendications.


Francis Charpentier, 18 octobre 2014

Modifié le mardi 21 octobre 2014
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