Une rentrée explosive

Education nationaleLe budget 2007 est clair sur les intentions du gouvernement : un fonctionnaire sur deux ne sera pas remplacé. Dans l'Éducation nationale, sur la période 2003-2007, plus de 26 700 emplois d'enseignants, CPE (Conseillers principaux d'éducation), CO-Psy (Conseillers d'orientation-psychologues) auront été supprimés dans les collèges et les lycées. Or, toujours pour cette période, la baisse des effectifs a été de 177 000 élèves, ce qui correspond à 14 000 postes environ. Le ministère a donc supprimé le double de ce qui était justifié par la démographie ! Et ce n'est pas fini ...En effet, pour 2007, le nombre de postes aux concours serait de 10 000, alors qu'il en faudrait au moins 18 000.

Des conditions de travail en nette dégradation

Partout, le constat est le même : des effectifs de classe très lourds, parfois difficiles à gérer, alors qu'il peut exister d'énormes différences de niveau parmi les élèves, ainsi que de graves problèmes de comportement. Des dédoublements sont parfois impossibles faute d'heures disponibles. Concernant les emplois du temps, les " anomalies " se multiplient, tant pour les enseignants que pour les élèves. Dans de nombreux établissements, les réunions se multiplient, ainsi que les tâches en dehors des heures d'enseignement (par exemple, heures de vie de classe, concertations entre professeurs, réunions supplémentaires avec les parents, etc.). Les TZR (titulaires sur zone de remplacement) sont de plus en plus nombreux, avec des conditions d'affectation dégradées (exemple : service réparti sur deux ou trois établissements, voire, même si ce n'est statutairement pas régulier, sur plusieurs communes !). Ajoutons également qu'en 1981, le salaire brut d'un certifié débutant représentait un peu plus de deux fois le salaire minimum, alors qu'en 2006 il ne représente plus que 1,25 le SMIC ! Enfin, au nom de la rentabilité, des classes entières disparaissent, des options sont supprimées, etc.

De plus en plus d'atteintes au statut

Progressivement, le ministère tente de mettre en place les dispositifs prévus par la loi Fillon adoptée en 2003, et visant tout simplement à démanteler l'Éducation nationale.

Prenons quelques exemples significatifs. Les TZR sont en première ligne pour expérimenter la flexibilité : l'académie de Versailles dispose de 3 640 TZR, mais plus des trois quarts d'entre eux n'assument pas au sens propre des missions de remplacement ; ils sont utilisés comme des moyens d'enseignement en étant nommés à l'année sur des " blocs de moyens provisoires " (BMP), correspondant en réalité à des postes non pourvus. En effet, la notion de " maximum de service ", par exemple 18 heures hebdomadaires pour un certifié, a sournoisement disparu des textes ministériels et rectoraux, ouvrant la voie à la très contestable notion de " sous-service ". En clair, lorsque le nombre d'heures d'enseignement d'une discipline nécessaire dans un établissement (en fonction du nombre de classes) ne correspond pas à un nombre entier de postes, plutôt que de créer (ou de maintenir) un poste, avec un professeur titulaire qui assurerait un nombre d'heures inférieur à son maximum de service, on instaure un " BMP ". Les cours sont donc assurés à l'année par un TZR à qui l'on peut imposer un " complément de service " ailleurs. On évite ainsi de payer des heures supplémentaires aux enseignants affectés sur poste fixe et de risquer de payer " à ne rien faire " des TZR dont les collègues ne seraient pas malades ... Du coup, pour les " vrais " remplacements, quand ils ont lieu - les professeurs ne sont souvent plus remplacés pour des absences inférieures à trois semaines, et de nombreux enseignants hésitent à participer à des stages de formation continue car ils savent qu'ils ne seront pas remplacés -, on fait désormais de plus en plus appel à des contractuels et vacataires recrutés sur dossier par le rectorat, et facilement licenciables (cette rentrée-ci, il semble que l'on atteigne le chiffre de 8 000 nouveaux chômeurs parmi les non-titulaires). Et les chefs d'établissement sont toujours censés inciter les enseignants à effectuer des remplacements de courte durée, en plus de leur service ...

La nouveauté de la rentrée : la mise en place d'un conseil pédagogique dans chaque établissement. D'après les textes officiels, " le conseil pédagogique réunit au moins un professeur principal de chaque niveau d'enseignement, au moins un professeur par champ disciplinaire, un conseiller principal d'éducation et, le cas échéant, le chef de travaux. Le conseil pédagogique est présidé par le chef d'établissement. Un tel conseil a pour mission de favoriser la concertation entre les professeurs, en particulier pour coordonner les enseignements, la notation et l'évaluation des activités scolaires ; il prépare aussi la partie pédagogique du projet d'établissement ". De telles dispositions entrent de toute évidence en contradiction avec la liberté pédagogique de chaque enseignant, donnent à certains enseignants plus de pouvoir, ce qui les mettraient en position de " petits chefs ", bien vus par le chef d'établissement, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer dans les relations de travail !

Vers la fin des normes nationales ?

Déjà, le recrutement de personnels précaires, et donc de CDD, est un premier aspect du démantèlement de l'Éducation nationale. La refonte des ZEP (Zones d'Éducation Prioritaire) est un moyen de faire des économies et d'entamer une déréglementation dans les établissements les plus " difficiles " répartis dans des réseaux " ambition réussite ". Il est prévu pour ces derniers la fin des classes, désormais regroupées par niveaux avec des groupes de compétences, qui fluctuent donc selon les cours, la mise en place de l'école ouverte, beaucoup de flexibilité dans les emplois du temps, beaucoup d'autonomie avec la recherche de partenariats avec des entreprises locales, etc. Le décret sur le socle commun de connaissances, qui avait été rejeté au conseil supérieur de l'Éducation, est paru le 11 juillet dernier. Les disciplines disparaissent en tant que telles : par exemple l'histoire devient la " culture humaniste ", les maths deviennent la " culture scientifique et technologique " - cette disparition ouvre la porte à la bi- (ou poly-) valence des enseignants, à qui le ministère voudrait depuis longtemps faire enseigner plusieurs matières : des profs plus " généralistes ", donc moins compétents dans chaque domaine, mais des ressources humaines plus malléables ... Des disciplines sont carrément exclues de ce socle (physique, sciences de la vie et de la terre, EPS, musique, arts plastiques). On parle également d'" individualisation des parcours ", d'" adaptation des programmes ", etc. Bref, un arsenal de mesures qui va encore renforcer les écarts entre les " bons " et les " mauvais " établissements, dans le cadre d'une autonomie grandissante.

Pour clore le tout, citons un responsable à la direction de la culture du Conseil de l'Europe : " la création du Conseil de l'Europe répond à un objectif très précis : la stabilité politique et pacifique du continent européen. [...] Dans ce cadre, la culture n'est pas considérée comme une fin en soi, mais comme un moyen de " faire tenir " des enfants de différents milieux culturels et de différentes nationalités ensemble ".

Le message est on ne peut plus clair : les " connaissances " importent peu !

En faisant grève et en manifestant, les enseignants doivent clamer haut et fort leur attachement à un enseignement de qualité, encadré par des personnels qualifiés statutaires, à des programmes et diplômes nationaux, leur farouche opposition à toute force de déréglementation dans l'Éducation nationale.
Modifié le mardi 10 octobre 2006
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