Qui s'alignera sur le cours réel de la grève ?

5ème jour de grève à la SNCFl'intervention de Lepaon n'y fait rien, la grève bat son plein à la SNCF. Et, les manoeuvres continuent pour tenter de couvrir l'exigence du retrait. Tout devient clair :

C'est la complicité des directions syndicales avec le gouvernement qui, jusqu'à présent, lui a permis de faire passer ses réformes

Mais, il faut toute suite ajouter que cette complicité des directions syndicales peut se donner libre cours dans la mesure où elle est largement couverte par les appareillons.

Sous ce rapport, la grève des cheminots est aussi une leçon de choses. Ainsi, à l'AG du 13 juin, au dépôt de Villeneuve, un militant de LO intervient pour le retrait pur et simple de la réforme et ajoute aussitôt : " il faut une bonne convention collective ". Le lendemain, il dit encore : " retrait de la réforme " et ajoute " pour une autre réforme ".

Nous avons vu hier comment le chef du NPA-Cheminots a " recadré " les choses sur la question du retrait de façon à la mettre sous l'éteignoir, après l'intervention de Lepaon (" ni report, ni retrait ") à quelques encablures de la présentation du projet à l'assemblée nationale (demain !). La fraction l'Etincelle du NPA y ajoute sa petite musique, sur un ton plus gauche, mais non moins désarmant [ texte : Quelques remarques sur la grève, à partir de ce qu'on peut percevoir (Maurice, Gare d'Austerlitz - Fraction l'Etincelle), 15 juin 2014.]

En voici quelques extraits :

" Nous militons pour que les grévistes s'expriment, pour qu'émergent ces revendications de la base. Ces revendications, les directions syndicales évitent soigneusement de les poser en se retranchant derrière la réforme, " retrait " ou révision, y compris Sud qui se veut plus radical dans le ton. Mais à noter que des bureaucrates de la CGT détournent allégrement la difficulté en disant OK, retrait de cette réforme... pour une meilleure ! Or la réforme est la sanction légale et l'approfondissement d'attaques des conditions de travail, d'emploi et de salaires qui ne l'ont pas attendue pour pourrir les conditions de travail des cheminots et la situation des usagers. Il faut donc ajouter immédiatement à la revendication de " retrait de la réforme " des revendications concrètes, voire les chiffrer avec les collègues. Elles sont défendues ici ou là dans les assemblées générales par des militants syndicaux combatifs et des militants politiques d'extrême gauche, ou par des grévistes du rang qui évoquent précisément ces salaires minables ou effectifs insuffisants qui sont leur lot et comme celui de leurs conjoints ou conjointes dans les hôpitaux, à La Poste ou à l'Education nationale. Mettre en avant de telles revendications, c'est une façon de s'adresser aux autres travailleurs, de se faire comprendre d'eux, et pourquoi pas d'aller vers une convergence d'intérêts généraux et donc de lutte. "

Joli tour de passe-passe : à la veille du vote de la réforme, le " retrait " ne serait qu'une revendication parmi d'autres et non celle qui concentre toutes les autres, à ce moment précis de la lutte des classes. Dans la réalité, des revendications ; il y en a des centaines et il n'y en a qu'une : le retrait, maintenant !



Mais " l'Etincelle " (et ce n'est certes pas celle-là qui mettra le feu à la plaine) persiste :

" Ces revendications précisément, qu'il faudrait affiner et discuter :

- retrait de la réforme,

- arrêt des suppressions de postes dans tous les services,

- intégration au statut des CDD, CDI, des travailleurs du privé de la branche et sous-traitants (Accueil, Sécurité dans les gares voyageurs, etc.),

- augmentation générale des salaires (300 euros pour tous, salaire d'embauche 1500 euros net minimum)

- amélioration des conditions de travail : effectifs, respect des repos et des congés
"

Aucune de ces revendications n'est fausse, mais, on notera que dans ce catalogue de la Redoute " revendicatif ", on esquive des questions comme le retour au Monopole public de la SNCF, la réintégration de RFF dans la SNCF par l'abrogation de la loi de 1997. Mais, encore une fois, insistons légèrement et lourdement : la question brûlante, urgente, immédiate, c'est le Retrait de la Réforme.



Citons encore ce morceau d'anthologie :

" De la part des Fédérations, et des appareils syndicaux locaux, sauf exceptions peut-être, c'est le silence total sur les revendications des cheminots concernant les effectifs, les conditions de travail, les salaires.

A part peut-être le maintien du RH007, qui réglemente le travail, mais est déjà une catastrophe pour beaucoup de cheminots (périodes de travail de 6 jours, etc.) et n'est déjà pas appliqué systématiquement, de l'aveu de certains chefs, faute d'effectifs suffisants ; et le statut (=Rh001) qu'ils veulent maintenir mais qui n'est pas une telle protection non plus, et de toute façon n'est pas directement mis en cause par la réforme, car ce sont plutôt les recrutements hors statut qui deviennent légions.
".
Si le RH007 est déjà une " catastrophe pour les cheminots ", la défense de cette réglementation, pourtant devenue insupportable pour le gouvernement et le MEDEF, mérite guère qu'on s'y arrête, si on suit le fil de l'Etincelle. l'Etincelle qui nous apprend que le Statut au sens strict (RH0001) n'est pas " une telle protection " (Il contient pourtant, par exemple, entre autres garanties collectives, la garantie de l'emploi, rien que ça !) et surtout qu'il n'est pas " directement mis en cause par la Réforme ". Ah bon ? On nous met sous convention collective et cela, ce n'est pas une remise en cause " directe " du statut. On fait une réforme qui permettra aux SNCF d'embaucher sous le régime de la convention collective, mais ce n'est pas, là non plus, une remise en cause " directe " du statut. Un tel discours, radical dans le ton, fait les choux gras des appareils qui ont déjà, SUD en tête, commencé, avant même le vote de la réforme, à négocier une convention collective qui, tant que la réforme n'est pas votée, est illégale.



Revenons donc sur cette réforme, en rappelant simplement ce que nous en disions dans notre Chronique hebdo, en décembre dernier :

" Démantèlement et privatisation à la découpe



La réforme en cours vient donc de loin.



Sa " consistance " peut être résumée en quelques mots : Les " réformateurs " entendent créer une Holding (ce que proposait déjà Gayssot en 1997, lors des débats parlementaires sur la loi créant RFF) qui chapeautera SNCF (transporteur) et RFF (qui deviendra GIU : gestionnaire de l'infrastructure unifié), avec à la clé l'intégration des cheminots de l'infrastructure au sein de RFF (50 000 cheminots). Ce serait un pas de géant vers l'éclatement total de la SNCF.



Le PDG de la SNCF, Guillaume Pepy, ne cache pas les véritables mobiles de cette réforme : " Cette réforme est urgente, ne serait-ce que compte-tenu de la situation financière du secteur ferroviaire et pour préparer nos entreprises à l'arrivée de la concurrence". http://www.lemoniteur.fr/147-transport-et-infrastructures/article/actualite/20756587-le-giu-solution-de-tous-les-maux-du-ferroviaire



Ce qui en découle, c'est la mise en place d'un " cadre social harmonisé ", c'est-à-dire d'une convention collective commune des cheminots SNCF et des cheminots des entreprises ferroviaires privées. Cette Convention collective annulera et remplacera le Statut, pour que la concurrence soit " libre et non faussée " conformément aux dites " règles européennes ". Sur cette question décisive à plus d'un titre, il se trouve que SUD-Rail est favorable à la mise sur pied de cette convention collective mortifère, en escomptant qu'elle alignera le " privé " vers " le haut ". En admettant un court instant que cette Convention collective puisse être la photocopie du statut, cela resterait un leurre car, de nos jours, il est possible de déroger aux Conventions collectives à tout moment (d'autant plus, avec la loi transposant l'Accord National Interprofessionnel, ANI, " emploi-compétitivité ") et de les dénoncer " à toute occasion favorable "





Pas touche au Statut !






Sous tous ses aspects, la réforme, si elle est votée, serait un tremplin vers le démantèlement de la SNCF et la privatisation à la découpe de la SNCF. D'ores et déjà, existe la filiale (Masteris) qui a vocation d'intégrer les cheminots du matériel (chargés de la maintenance technique des trains) dans les années à venir. C'est un exemple parmi d'autres de ce qui se trame. "



Les choses sont simples : il faut porter un coup d'arrêt au processus d'éclatement-privatisation-ouverture à la concurrence engagé en 1997. Comment ? Par le retrait du projet de réforme.

Du côté de Lutte ouvrière ça ne s'arrange pas non plus. Rendons grâce toutefois à l'article de LO de cette semaine sur un point d'explication :

" .. l'objectif de la réforme est double : aboutir à des milliards d'économies sur le dos des cheminots et, en diminuant les coûts, attirer des investisseurs privés.

Les cheminots savent bien que le décret ferroviaire privé applicable depuis 2006 a nettement dégradé les conditions de travail. Quand les agents de conduite soumis à la réglementation SNCF ont un temps de travail annuel de 1 568 heures, ceux qui dépendent du privé doivent travailler 1 607 heures : quand ceux de la SNCF ont 126 repos, ceux du privé n'en ont que 104 ; quand ceux de la SNCF ont 52 repos doubles, ceux du privé n'en ont que 25... et tout est à l'avenant. C'est ce type de régression que les cheminots refusent.
"

Voilà qui devrait inciter LO à braquer tous ses feux sur le retrait de la réforme. Il n'en est rien, comme en témoigne la fin de cet article :

" En se mettant en grève, les cheminots n'ont aucune raison de se placer sur le terrain des exigences de la direction et du ministre de tutelle. Ce sont les revendications des travailleurs, de tous les travailleurs qui doivent être mises en avant. Il faut bien sûr dire non à la réforme ferroviaire, refuser toute aggravation dans la réglementation du travail, dire non aux suppressions d'emplois et exiger des embauches dans tous les secteurs, sous un même statut et aux conditions les plus avantageuses, dire non à la flexibilité des horaires, et oui aux augmentations des salaires. "


Du côté des appareils comme du côté des appareillons tout est fait pour étouffer, noyer l'exigence du RETRAIT dans une foultitude de revendications justes et fausses.

Mais, l'orientation des grévistes, chaque jour le confirme, c'est celle du RETRAIT pur et simple, total et définitif. Qui s'alignera sur le mouvement réel des masses ?
--
Daniel cheminot, technicentre Villeneuve
Modifié le lundi 21 juillet 2014
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