A qui la faute ?

A qui la faute ? | Sarkozy, élu Président de la RépubliqueAinsi, le 6 mai dernier, Nicolas Sarkozy a été élu président de la République avec 53,2% des voix contre 46,8 à Ségolène Royal. Quel bilan faut-il en tirer ? Qui porte la responsabilité de cette défaite électorale cinglante ? Que faire désormais ? Marie-George Buffet, candidate du PCF dont on connaît le score que lui ont infligé les travailleurs de ce pays (1,9% au premier tour) a déclaré, à la veille des résultats : " Si par malheur M. Sarkozy était élu, il faudrait se rassembler dès dimanche, prendre des décisions d'action dans les jours à venir et se préparer à mener de grands combats pour que ce pouvoir soit mis en échec ". Retenez-nous ou on va faire un malheur...On sait ce qu'il en est aujourd'hui, quatre jours après l'élection.

Et, aux quelques centaines de jeunes manifestants en colère dans les rues de Paris, Lyon, Lille, Nantes, F. Hollande leur intime l'ordre d'arrêter, au nom du verdict républicain et légitime des urnes.
La faute à qui, donc ? Nous ne sommes ni ne voulons être des donneurs de leçons. Mais il n'est pas besoin d'être grand spécialiste de la politique pour comprendre que le résultat du 6 mai était prévisible. Chronique d'une défaite annoncée, disons-nous dans notre éditorial.

Comment en effet pouvait-on prétendre battre Sarkozy, l'homme du Medef, en singeant son programme ?

Nous l'avons dit, répété et écrit : " un candidat de gauche peut-il battre la droite en appliquant la même politique qu'elle ? Certainement pas " (Déclaration de La Commune, 29 avril 2007).

Comment peut-on en effet prétendre mobiliser " le peuple de gauche " en le renvoyant par le programme et les propositions politiques et sociales dans les bras de la droite et ses partis ? Absurde et pour tout dire suicidaire. A ce titre, le débat Sarkozy-Royal du mercredi 2 mai est révélateur de cette attitude où la pâle copie veut ressembler à l'original. Démonstration.

La dette et la fonction publique

N. Sarkozy : " on remplacera un départ à la retraite sur deux. La moitié des gains de productivité permettront d'augmenter les salaires des fonctionnaires parce qu'ils sont très bas. Et l'autre moitié permettra de réduire la dette de la France (...) "

S. Royal : " Non, Monsieur Sarkozy, je ne diminuerai pas le nombre de fonctionnaires. En revanche, je réformerai la décentralisation (...) Je veux faire une nouvelle étape, une vraie, cette fois, de régionalisation, au lieu d'avoir des doublons, des chevauchements (...) "

Et, plus loin : " D'abord, je n'ai pas dit que j'augmenterai le nombre de fonctionnaires. J'ai dit que je maintenais leur nombre, mais que je redéployais le nombre de fonctionnaires en les retirant là où ils n'étaient plus nécessaires "

Bref, l'un et l'autre sont d'accord pour s'attaquer à la Fonction publique. Outre que Ségolène Royal s'est bien gardée de dire là où les fonctionnaires " n'étaient plus nécessaires ", celle-ci, dans l'objectif du redéploiement, est bien décidée à prendre, par exemple, des salariés de la Fonction publique d'Etat pour les transférer à la Fonction publique territoriale, où chacun sait que le statut (inventé et voté par la gauche PS-PCF en 1982-1983) territorial est bien plus faible et vulnérable ( cadres d'emploi, droit de licenciement...)que celui de l'Etat. Les trois millions de fonctionnaires d'Etat auront apprécié !

En outre, par quel miracle un fonctionnaire d'Etat ou territorial pourrait boucher les trous de la Fonction publique hospitalière pour laquelle il n'a aucune formation ? Voudrait-elle transformer un agent ou adjoint technique de ministère ou de municipalité en aide-soignant ? Brancardier ? Pourquoi pas infirmier ?

Les six millions de fonctionnaires, toutes fonctions publiques confondues, ont dû halluciner en entendant cela !

La délinquance

Nicolas Sarkozy : " je ne veux pas polémiquer avec Madame Royal. Juste un mot : elle trouve qu'il n'y a pas assez de policiers (...) "

Ségolène Royal : " J'ai parlé de l'encadrement militaire pour les mineurs et je le mettrai en place. Les centres éducatifs renforcés seront effectivement créés (...) "

Policiers à chaque coin de rue et l'armée pour les jeunes délinquants ? Où est la différence ?

Précarité

S. Royal : " je propose de créer sur mes cinq années les 500 000 emplois-tremplins pour les jeunes(...) "

Une nouvelle formule du CPE de Chirac-Villepin-Sarkozy, rejeté massivement par les jeunes.

Chômage

N. Sarkozy : " Je souhaite créer un service public de l'emploi en fusionnant l'UNEDIC et l'ANPE (...) qu'on ne puisse pas, quand on est chômeur, refuser plus de deux offres d'emploi successives qui correspondent, bien sûr, à vos qualifications et à la région où vous habitez "

Et de prendre exemple sur... le Royaume uni et le dispositif mis en place par Tony Blair, pourtant une référence pour Ségolène Royal...

Sécurité sociale professionnelle

Nicolas Sarkozy : " (...) Ce système-là, avec le contrat de sécurisation professionnelle, fait qu'il n'y aura plus aucun licenciement économique (...) sans que la personne licenciée, pour délocalisation, par exemple, n'ait immédiatement un contrat avec le service public de l'emploi, 90% du dernier salaire, qui lui permettra de retrouver immédiatement un emploi ou une formation (...) "

Silence sur cette question de S. Royal. Et, pour cause, la " sécurité sociale professionnelle ", sur le même modèle que celui décrit par Sarkozy était une des " 100 propositions " de S. Royal pour son pacte présidentiel.

Pour mémoire, la sécurité sociale professionnelle, concept inventé il y a douze ans par les têtes pensantes du PCF, est un dispositif destiné à transformer les salariés actuellement en CDI en intermittents à vie, reconvertibles et mobiles à merci. C'est un " plan social " généralisé (voir à ce sujet notre dossier du mois dans La Commune n° 64 ; disponible sur notre site)

S. Royal et les patrons

" Je veux réconcilier la France avec les entreprises, et je dis que la compétitivité économique n'est pas incompatible avec le progrès social, bien au contraire "

Et aussi

" Je crois beaucoup dans la dynamique des territoires et dans la capacité des français à créer des entreprises. Je veux que le peuple français devienne un peuple d'entrepreneurs. "

Des déclarations qui ne sauraient être contredites par N. Sarkozy, dont un des frères est un des piliers du Medef.

Pas plus de divergences sur les pôles de compétitivité dont les deux partenaires se disputent la paternité et qui octroient aux patrons des exonérations de charges fiscales et sociales par millions

Régimes spéciaux et retraites

N. Sarkozy : " il y a un ensemble de régimes de retraite qui n'ont pas été réformés (...). J'augmenterai de 25% les petites retraites et je les ferai financer par ce qu'on aura récupéré sur la réforme des régimes spéciaux (...)"

S.Royal : " Si, nous réformerons les régimes spéciaux, y compris le vôtre " et aussi : " Mais bien sûr, les régimes spéciaux seront mis dans la discussion sur les retraites. Evidemment ! Mais je n'oppose pas les uns aux autres, mais tout sera mis à plat, y compris les régimes spéciaux " Les salariés de la RATP, de la SNCF etc. ont dû apprécier...

Loi Fillon sur les retraites

N. Sarkozy : " Les lois Fillon ont permis de rééquilibrer l'égalité entre les salariés du public et ceux du privé, lesquels cotisaient quarante ans (...) Je garantirai l'application des lois Fillon (...) "

S. Royal : " Oui, je remets à plat les lois Fillon, ça ne veut pas dire que nous détruisons tout. Nous remettons à plat et nous discutons avec les partenaires sociaux "

Bref, pas question de revenir à 37,5 annuités pour tous, public-privé.
Et pour que cela soit bien clair, pressée de préciser sur le dispositif de la loi Fillon par Sarkozy : elle ajoute : " Pas le démolir ! Mais remettre à plat ce n'est pas démolir, vous êtes très brutal "

Au cas où cela n'aurait pas été bien compris, elle insiste plus loin : " Je ne peux pas vous laisser dire des choses inexactes. Je ne démantèle pas les lois Fillon, je les remets à plat(...) "

Ecole

N Sarkozy : " Je souhaite également que l'on puisse avoir le choix de l'école de son enfant (...) "

S. Royal ne peut le contredire : la réforme de la carte scolaire fait également partie de ses 100 propositions.

Pour le reste, l'un et l'autre proposent, sous des appellations différentes, des emplois-jeunes (S Royal) pour renforcer le système scolaire. l'un et l'autre veulent plus d'autonomie des établissements scolaires et universitaires, consacrant la balkanisation du système éducatif français, écoles pour riches, écoles pour pauvres, écoles pour élites et ghettos scolaires...

Ainsi, S Royal : " Enfin je veux renforcer l'autonomie des établissements (...) C'est pourquoi je ne veux pas diminuer le nombre d'enseignants mais au contraire créer un métier nouveau, un métier d'accompagnant nouveau qui fera à la fois du soutien scolaire, qui épaulera les enseignants qui le souhaitent et qui réglera le problème de la violence dans l'école et aux abords de l'école "

Pas question donc de rétablir les postes de surveillants : des emplois-jeunes qui serviront à la fois de tuteur, d'auxiliaire des profs et de garde du corps !

Quant à la " suppression des allocations familiales " pour les " familles défaillantes " (N. Sarkozy), l'un et l'autre sont d'accord : " C'est déjà prévu " (S. Royal)

Handicapés

Il y a ce moment de " saine colère " de Ségolène Royal qui accuse Nicolas Sarkozy d'avoir démantelé son dispositif Handiscol permettant d'intégrer les jeunes handicapés dans une classe " normale "

Sarkozy s'en défend. On sait aujourd'hui qu'en effet, le nombre d'enfants handicapés scolarisés par l'Education nationale est passé de 87 500 en 1999 lorsque Mme Royal était ministre, à 160 000 la rentrée dernière. Mme Royal a accusé à cette occasion Sarkozy d' " immoralité"

Ce qui est immoral, c'est la politique de l'un et de l'autre à l'égard des jeunes handicapés et leurs familles. " l'intégration des handicapés " dans une école " normale " est une ignominie car elle s'est traduite par la fermeture de dizaine de centres spécialisés pour aveugles, sourds-muets et par l'intégration de centaines d'enfants handicapés mentaux dans des classes où ils ne peuvent pas suivre et où ils sont cruellement éloignés du personnel soignant (infirmières, médecins, psychologues etc.) dont ils ont tant besoin.

l'Europe

Nouveau référendum voulu par Ségolène Royal, voulant passer outre le non massif des Français contre la Constitution européenne en 2005, passage en force via le Parlement pour Nicolas Sarkozy, l'un et l'autre se déclarent ainsi prêts à violer la volonté clairement affirmée dans les urnes par le peuple français en 2005.

l'un et l'autre, qui ont appelé, unis, au vote oui, entendent bien appliquer avec zèle les directives de Maastricht-Amsterdam.

Les sans-papiers

Beaucoup de ceux, à gauche, PS, PCF, certaine extrême-gauche, ont prétendu que S. Royal, c'était au moins mieux que Sarkozy dans le domaine de l'immigration. Ils ont prétendu, la main sur le coeur, qu'elle s'était engagée à régulariser les sans-papiers. Nous étions bien peu à vouloir rétablir la vérité.

Le fait est que 20 millions de spectateurs ont distinctement entendu S. Royal répondre à Sarkozy qui n'entend régulariser qu' " au cas par cas " : " Je n'ai jamais demandé la régularisation globale et générale de générations " a-t-elle rappelé.

Sarkozy " Comme je l'ai fait, on est d'accord "

S. Royal : " Oui, sur le cas par cas, on est d'accord ". C'est clair.
Enfin, rappelons que, dans sa conclusion, S. Royal, dans un élan fort chrétien a appelé à la réconciliation, entre par exemple : " ceux qui ont des parachutes dorés et ceux qui sont licenciés " Ca ne s'invente pas. Amen.Voilà pour le débat.

Législatives : mêmes causes, mêmes effets

Dans ces conditions, comment était-il possible de battre l'homme de droite, pour dangereux qu'il soit, et il l'est, en épousant, bien souvent au mot près, son programme ? Impossible. Si on ajoute à cela les appels au " centre " et à François Bayrou : " Ma décision est prise. Si je suis élue, je travaillerai avec le centre en général et avec François Bayrou en particulier " " Travailler avec Bayrou, ça veut dire quoi ? " lui demande-t-on. " Ca veut dire tout. " répond Mme Royal (Le Monde du 4 mai 2007)

Oui, Ségolène Royal, le Parti Socialiste et tous ceux qui ont, à gauche comme à l'extrême gauche, Besancenot en tête, cherché à bercer les travailleurs de ce pays d'illusions, tous ceux là ont consciemment appelé à voter pour la peste contre le choléra.

Comme si on ne mourait pas de l'un tout autant que de l'autre. Ce sont les mêmes d'ailleurs, pour l'essentiel, qui ont cherché à mystifier la classe ouvrière en appelant à voter Chirac en 2002 sous le prétexte fallacieux de " battre Le Pen ".

Un Chirac élu et légitimé à 82% grâce à eux et qui a aussitôt appelé Sarkozy dans son gouvernement. Tous ceux-là portent l'entière responsabilité de la victoire de Sarkozy et de la difficile situation actuelle. Tous ceux-là lui ont même damé la voie de la victoire...depuis 2002.

Ces mêmes forces politiques, qui ne semblent pas vouloir tirer honnêtement le bilan de leurs erreurs, s'apprêtent à nouveau à appeler à voter " pour une majorité PS- PCF- Verts etc. " sans doute sans virage à droite si l'on en juge par la poursuite de la politique d'ouverture en direction du " centre " ou de ce qu'il en reste. (pauvre Bayrou qui s'est pris un peu vite pour Henri IV, un autre béarnais qui, lui, a conquis le pouvoir par l'épée, méthode plus efficace qu'internet ou le tracteur...)

Et Maintenant ?

Mêmes causes, mêmes effets. Si le PS et ses acolytes persistent dans leur respect de la propriété privée des moyens de production, du MEDEF et de Maastricht-Amsterdam, et, disons-le franchement, c'est ce qu'ils vont faire, les législatives seront à l'image de la Présidentielle. La Berezina. Sans nous.

Nous choisissons l' abstention ou le vote blanc, c'est selon.

Non, nous n'assistons pas à une " défaite de la classe ouvrière " comme le croient certains, naïvement ou comme veulent le faire croire d'autres, moins naïfs et plus intéressés à démoraliser et à culpabiliser la classe ouvrière et la population opprimée de ce pays.

Il y a défaite, sans nul doute. Mais c'est celle du " socialisme bourgeois ", pour reprendre la formule d'un certain Marx, un " socialisme bourgeois " flanqué de quelques alchimistes qui voudraient bien nous faire croire qu'avec du plomb on fait de l'or. La classe ouvrière est loin d'avoir dit son dernier mot, bien à l'inverse. Tout commence. Et, gare à la revanche, quand tous les pauvres s'y mettront...


Modifié le jeudi 10 mai 2007
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