BREXIT : le vote de classe contre l'UE et ses suites

Les 51, 9 % de Britanniques, qui ont voté pour sortir de l'Union européenne le 23 juin dernier, révèlent sans conteste un vote de classe contre l'Europe libérale. La cartographie des résultats de l'élection montre clairement que Londres, l’Écosse et l’Irlande du Nord ont voté pour « le remain » tandis que le Nord et le Sud-Est de l’Angleterre ainsi que le Pays de Galles (52,5 % pro-Brexit) ont voté pour « le leave ». La population travailleuse britannique a affirmé nettement sa volonté de rupture avec l’UE.

BREXIT : le vote de classe contre l'UE et ses suites

« Le remain » est le fait des territoires « riches » qui bénéficient des aides économiques de l'Europe comme l’Écosse (qui a voté pour rester dans l’UE à 62 %), l'Irlande et la City de Londres. À l'inverse « l es grandes villes travaillistes ont voté pour sortir de l’Europe, car la classe ouvrière très touchée par le chômage a voulu exprimer son refus de la politique d’austérité de Cameron » explique Sarah Pickard, maître de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’université Sorbonne Nouvelle-Paris, (elle y voit aussi, pour sa part, un rejet de « l’immigration économique »- ndlr). Selon l’enseignante-chercheuse, « les grandes villes étudiantes comme Newcastle, Liverpool et Manchester ont quant à elles voté pour le "remain" » 1 .

Chantage, pressions…

Pourtant la pression institutionnelle sur les électeurs était forte, utilisant, comme toujours, le spectre de l’extrême droite et l’arme du chantage économique ( « l’UE ou le chaos »), pour étouffer toute tentative de résistance à leur politique anti-ouvrière.

La campagne de l' UKIP (parti raciste et nationaliste dirigé par Nigel Farage) pour le Brexit basé sur des arguments anti-immigrés a d'ailleurs largement pesé sur le vote, en rebutant une large frange de l'électorat populaire et jeune.

Le grand réalisateur Ken Loach s'est d'ailleurs pris les pieds dans ce piège : « Le cœur du problème est de lutter contre le projet néolibéral, or l'Union européenne est le néolibéralisme incarné. (…) Cependant, la situation deviendrait encore pire si nous quittions l'Union ! » 2 .

Ne doutons pas que le non à l'UE aurait pris d'avantage d'ampleur si l'extrême-droite (aujourd'hui prise à son propre piège, en plein rétropédalage) avait joué une autre partie. Le prolétariat britannique paupérisé depuis des années a bien compris à qui profite l'Europe et ce qu'elle leur rapporte : salaires de misère, flexibilité et pauvreté.

… Et diversion

Les média bourgeois européens ont bien une nouvelle fois tenté de nous refaire le coup du populisme et du vote raciste, des jeunes contre les vieux. Mais même, Natacha Polony, la très réactionnaire journaliste du Figaro, ne se voile pas la face : « Voilà déjà longtemps que les tenants de la « seule politique possible » usent de ces notions de racisme et de xénophobie - user étant bien le terme - pour éviter de débattre de la nature et des motivations de leurs choix économiques et politiques ».

La réélection de Corbyn : une victoire des masses

La réélection de Jeremy Corbyn à la tête du Labour Party le 24 septembre avec 61,8% des voix contre Owen Smith se situe dans le prolongement du Brexit, même si Corbyn, du bout des lèvres, avait appelé au « leave » : cet important virage à gauche pour le parti, est soutenu et voulu par la base mais rejeté par l'appareil, phagocyté par des années de Blairisme avec le « New Labour ». Il s'agit belle et bien d'une victoire de la base, tout comme la victoire du non à l'UE est une expression du prolétariat contre la politique d'austérité et anti-immigrés de l'Europe.

La lutte des classes s'est engouffrée dans le système électoral. La classe ouvrière a une nouvelle fois rejeté leur Europe capitaliste : après le rejet du traité constitutionnel européen en France en 2005, le non massif au référendum sur les politiques d'austérité en Grèce en 2015, les bourgeoisies européennes veulent faire payer les peuples et, aujourd'hui, les dirigeants européens pris de panique le disent très ouvertement : « Il faut qu'il y ait une menace, il faut qu'il y ait un risque, il faut qu'il y ait un prix » a lancé Hollande (discours à l'Institut Delors le 6/10/2016) .

France-Angleterre : un même mouvement

La mobilisation des travailleurs français pour le retrait de la loi El Khomri en France (loi dictée par l’UE), le Brexit en Angleterre font partie d’un même processus. Le combat pour la rupture avec l’Union européenne, ses institutions, ses directives, ses traités et le combat contre les « réformes » anti-ouvrières sont un seul et même mouvement. Ce développement est le même que celui qui a conduit au déferlement des femmes travailleuses en Pologne pour le droit à l’avortement et à la naissance du KOD (comité de défense de la démocratie) renouant avec la tradition du KOR (comité de défense des ouvriers) anti-stalinien dans les années 70. Le même qui a provoqué un raz de marée abstentionniste (55%) en Hongrie.

L’Union européenne et ses gouvernements craquent de toutes parts, de Londres à Paris, Budapest et Varsovie.

Julie Charmoillaux,
12-10-2016

1. http://www.20minutes.fr/monde/1872415-20160624-brexit-scrutin-revele-fractures-societe-britannique

2. http://www.marianne.net/brexit-migrants-liberalisme-ken-loach-se-lache-100243799.html

Modifié le lundi 17 octobre 2016
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