Le logement selon les candidats à la présidentielle (1e partie) : Droit au logement « opposable »

Qui défendra le droit au logement pour tous ? Qui défendra un plan d'urgence en faveur des salariés, des chômeurs, des mal-logés et de leurs familles ? Voici la première partie d'un dossier consacré aux propositions des divers candidats, prétendants candidats et ex-candidats à la candidature aux élections présidentielles de mai prochain. Dans ce premier volet, nous revenons sur les propositions émises par les trois candidats à l'investiture du PS et sur les projets de Nicolas Sarkozy concernant le domaine du logement.Bien entendu, sur cette question du logement comme sur toutes les autres, il n'y a rien à attendre de la droite, de Sarkozy, si ce n'est, on va le voir, de nouvelles attaques contre les conditions de logement de la population. Mais la gauche en général et le PS en particulier proposent-ils, dans ce domaine au moins, une autre politique correspondant aux besoins de la population laborieuse et pauvre ? Voyons de plus près.



Le logement selon Nicolas Sarkozy



Le 14 septembre dernier, encore aux prises avec l'affaire de Cachan, Sarkozy réunissait une convention de l'UMP pour " la France d'après " et s'emparait à cette occasion de la question du logement. Le candidat présumé de l'UMP déclarait alors " le logement est absolument au coeur des préoccupations de nos concitoyens " et promettait de " permettre à chacun de devenir propriétaire ".

Mais, sous les promesses électorales, il y a les mesures précises annoncées par Sarkozy à cette occasion, en particulier sur le logement social.



Les fonds du 1 % patronal au service des spéculateurs immobiliers



Comment devenir propriétaire lorsque le prix d'un studio à Paris dépasse les 250 000 euros et que le prix du m2 frôle les 4000 euros en banlieue ? Sarkozy s'en explique : " les prix ont explosé du fait de l'augmentation massive du foncier ", c'est-à-dire des terrains. Entend-t-il mettre fin à cette explosion des prix ? Eh bien non. Il " imagine " un prêt foncier à taux zéro, soutenu par l'État, qui " permettrait " à l'acheteur " modeste "de rembourser d'abord le bâti avant de rembourser plus tard le terrain. Mais que le propriétaire du terrain se rassure : entretemps, la caisse des dépôts et consignations et les organismes de 1 % patronal l'auront payé.

Ainsi, sous couvert de favoriser l'accès des familles " populaires " à la propriété, les fonds sociaux des organismes de 1 % patronal auront été détournés légalement pour soutenir les spéculateurs immobiliers, ce qui donnera un nouveau coup de fouet à l'explosion des prix d'achat des logements.



40 000 HLM à vendre par an



Du même coup, Sarkozy entend imposer la vente de 40 000 logements sociaux par an. Ces ventes massives de logements sociaux seraient compensées par la construction d'un nombre équivalent de logements neufs, mais l'UMP se garde bien de nous dire si ce sera ou non au même endroit et si les logements seront ou non des HLM.



Des logements sociaux à " basculer " dans le privé



S'agissant de la construction de nouvelles HLM, Sarkozy, rarement à court d'idées derrière la tête, explique : " un immeuble serait construit par un opérateur privé au titre du logement social, puis basculerait au bout d'une période [...] de 9 à 15 ans, dans le parc privé ". En clair, cela signifie la privatisation du logement social et, à terme, sa disparition pure et simple. Mais, loin de rompre avec la politique du logement des gouvernements successifs et, tout dernièrement, le plan Borloo de démolition de cités HLM entières, avec l'aval de municipalités PCF comme Vitry ou PS comme Alfortville, Sarkozy entend poursuivre dans la même voie.



Expulsions, démolitions et spéculation



Nous connaissons déjà le résultat de cette politique qui se solde par l'augmentation du nombre de familles ouvrières jetées à la rue parce qu'elles ont des dettes de loyers ou parce que leur bailleur veut vendre ses logements pour tirer parti de l'explosion du prix d'achat des appartements. Dans cette spirale de la crise du logement, le " droit au logement opposable " que l'UMP et le PS promettent est un miroir aux alouettes. Le PS promet de construire 120 000 logements sociaux par an, l'UMP 100 000. On est loin du compte puisque 1,3 millions de familles demandent un logement HLM, dont 330 000 en région parisienne. Sans oublier les 85 000 sans-abri, dont un tiers travaillent, ou encore les 50 000 personnes qui vivent dans des chambres d'hôtel, les 40 000 qui vivent dans des cabanes ou autres constructions provisoires. En tout, près d'un million de personnes dépourvues d'un domicile personnel et auxquels on fait miroiter un " droit à l'hébergement opposable ".



Et le logement selon le PS ?



Le 17 octobre dernier, les trois prétendants du PS à l'élection présidentielle se sont mesurés devant les chaînes LCI et LCP. S'agissant du logement, ils sont tous trois d'accord pour convenir que la question du logement est la " préoccupation primordiale des français ", (Strauss-Kahn) et que le droit au logement est " un droit fondamental à la dignité et à l'indépendance " (Royal). Et après ? Quelles mesures concrètes préconisent-ils pour mettre fin à la plus grave crise du logement de ce pays depuis l'hiver 1954 ?



S'agit-il d'interdire enfin les expulsions locatives des familles frappées par le chômage, la maladie ou la pauvreté ?



Non. Ni Fabius, Ni Royal, ni Strauss-Kahn n'ont seulement évoqué l'augmentation du nombre de familles expulsées chaque année, parce qu'elles ne peuvent plus payer normalement les loyers ou parce que les propriétaires veulent récupérer leur logement pour le vendre. Pourtant, en mars 2005, les députés PS avaient voté une proposition de loi d'interdiction des expulsions pour " raisons économiques " que la majorité UMP a rejetée.



S'agit-il de réquisitionner d'urgence tous les logements vides, à commencer par les 400 000 logements vacants en région parisienne ?



Non. Aucun des trois prétendants à la candidature n'a songé une seconde à une telle mesure, pourtant prévue par la loi : ordonnance de 1945, article L-641 du code de la construction et de l'habitation. Nos trois compères préfèrent parler, comme Sarkozy, de " droit au logement opposable ", c'est-à-dire du droit à attaquer devant les tribunaux l'État ou les communes pour obtenir le bénéfice du droit au logement. N'est-ce pas une façon de rendre le droit au logement hypothétique ? Le droit au logement, si ce mot a un sens, c'est le droit au bail pour tous, c'est un bail, un toit en HLM pour tous les mal-logés.



S'agit-il d'en finir avec la spéculation immobilière ?



Non. Pourtant, la spéculation immobilière est l'une des causes de la crise du logement, identifiée comme telle dans le " projet socialiste " dont se réclament de conserve Fabius, Royal et Strauss-Kahn. Mais aucun des trois ne propose de mesures pour stopper cette spéculation qui fait exploser les loyers et le prix du m2. Strauss-Kahn qui, sur ce point comme tant d'autres, ne sera pas contredit par Fabius et Royal, a même trouvé une idée géniale pour " contourner le coût du foncier ".

Pour contourner (au lieu de la combattre) la spéculation immobilière, Strauss-Kahn propose ni plus ni moins de " créer des villes nouvelles à l'écart de celles qui existent ". Sans blague ? La ville à la campagne, c'était ce que proposait autrefois l'humoriste Alphonse Allais ! Plus sérieusement, n'est-ce pas là une façon d'encourager l'éloignement de la population laborieuse et pauvre des grandes villes (à commencer par Paris et sa proche banlieue) ?



S'agit-il de construire le nombre de logements HLM nécessaires ?



Non. Fabius parle de construire 120 000 logements sociaux par an. Il est clair que le compte n'y est pas, puisque, pour le seul département du Val-de-Marne, 60 000 familles sont sur les listes d'attente HLM.

Pour mémoire, et à titre indicatif, en 1956, pour endiguer la crise du logement, les pouvoirs publics avaient programmé la construction, en une année, de 300 000 HLM.

Outre les familles mal-logées, de nombreuses familles ouvrières paient des loyers trop chers pour elles dans le privé et risquent d'être expulsées pour " impayés de loyers ", s'ajoutant ainsi aux 5 670 000 personnes mal logées et sans logement qu'a recensées en 2005 la Fondation Abbé Pierre.

À suivre dans notre prochain numéro.
Modifié le jeudi 25 janvier 2007
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