1957-2007 : l'Europe capitaliste a 50 ans. abrogation du traité de Maastricht-Amsterdam!

50 ° anniversaire du traité de Rome



Samedi 24 mars 2007, les 27 chefs d'Etat et de gouvernements composant l'Union européenne ont célébré à Berlin le 50° anniversaire du traité de Rome instituant la Communauté Economique Européenne (CEE), entre la République Fédérale Allemande, la Belgique, la France, l'Italie, les Pays-Bas et le Luxembourg, devenue en 1993 l'Union européenne (UE). En cinquante ans ont été signés les traités de Maastricht (1992), d'Amsterdam (1997), de Nice (2000) et le projet de " Constitution Européenne " rejeté par référendum en 2005 en France et aux Pays-Bas.

Quel est le contenu de l'Union européenne ? Rien de mieux pour le comprendre que d'analyser les traités de Maastricht et d'Amsterdam et le projet de Constitution européenne.


I. Le traité de Maastricht (1992)



Le respect de l'économie de marché

" l'action, des Etats membres et de la communauté comporte l'instauration d'une politique économique conduite au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, " (Titre Il, article 3 A)

Depuis 1982, c'est au nom du respect de l'économie de marché et de la concurrence que les gouvernements français successifs ont mis en place des politiques de rigueur, d'austérité et d'ajustement. Bilan : trois millions de chômeurs, autant de travailleurs précaire la baisse du pouvoir d'achat et la remise en cause de tous les droits.

Dans les pays de l'Europe centrale et de l'ex-URSS, c'est au nom de l'économie de marché que la propriété sociale est remise en cause. C'est au nom de l'économie de marché que l'Union européenne et les gouvernements liquident les paysans.

Au nom de la compétitivité ...

"l'action de la communauté comporte ( ) le renforcement de la compétitivité de l'industrie " (Titre II, art. 3.)

C'est au nom de la compétitivité de l'industrie que gouvernements et patronat ont organisé la liquidation pure et simple de secteurs industriels comme les mines, les chantiers navals et la sidérurgie. C'est au nom de la compétitivité et donc de la baisse des coûts de production que gouvernements et patronat ont organisé le blocage des salaires, les restructurations, la baisse du coût du travail. C'est au nom de la compétitivité qu'ils ont accordé des milliards de subventions aux capitalistes.

Lutte contre l'inflation ou lutte contre les salaires ?

" l'objectif principal du Système européen de banque centrale est de maintenir la stabilité des prix. " (Article 105.)

La "stabilité des prix " ou la " lutte contre l'inflation " ont été le credo des gouvernements depuis 1982. En réalité la lutte contre l'inflation n'est que l'habillage de la lutte contre les salaires, Une lutte contre les salaires qui a permis la remontée des profits. Des profits qui ont ensuite été placés dans la spéculation.

La réduction des dépenses publiques

"Les Etats membres évitent les déficits publics excessifs. La Commission surveille l'évolution de la situation et du montant de la dette publique dans les Etats membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée. " (Article 104 C.) D'après le traité de Maastricht, " on entend par public : ce qui est relatif au gouvernement général, c'est à dire les centrales, les autorités régionales ou locales et les fonds de Sécurité sociale. "

Il s'agit là du contrôle des dépenses de I'Etat, des collectivités locales et de la Sécurité sociale. La " discipline budgétaire " signifie que les déficits doivent être réduits. C'est la porte ouverte à toutes sortes de mesures ; suppression de postes de fonctionnaires, blocage de leurs traitements, diminution des dépenses sociales et augmentation des impôts pesant sur les ménages.

Pour réduire le " déficit " de la Sécurité sociale les recettes sont connues : fermeture d'hôpitaux, suppression de lits... Enfin, pour limiter les " déficits " et donc se procurer des recettes, l'Etat peut privatiser les services publics.

" Lorsque le Conseil décide qu'il y a un déficit excessif, il adresse des recommandations à I'Etat membre concerné afin que celui ci mette un terme à cette situation dans un délai donné (...) Si un Etat membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui ci peut décider de mettre l'Etat membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugé nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation. " (Article 104.)

Comme on le voit il s'agit là de transformer les instances européennes en super FMI qui " aide " les gouvernement à prendre les mesures nécessaires à la réduction des " déficits ".

Un environnement favorable aux entreprises

" La Communauté et les Etats membres veillent à ce que les conditions nécessaires à la compétitivité de l'industrie de la communauté soient assurées. A cette fin, conformément à un système de marchés ouverts et concurrentiels, leur action vise : à accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels, à encourager un environnement favorable à l'initiative et au développement des entreprises. " (Article 130.)

" Accélérer l'adaptation de l'industrie aux changements structurels " c'est accé¬lérer l'adaptation des chantiers navals, des mines, de la sidérurgie, et aujourd'hui de l'informatique aux " changements " du marché et des débouchés, C'est donc ac¬célérer leur liquidation ou leur restructuration, " Encourager un environnement favorable au développement des entreprises "

n'a rien à voir avec l'écologie. C'est assurer aux entreprises les conditions de leur rentabilité. C'est au nom de cette amélioration de l'environnement que les gouvernements ont diminué l'impôt sur les sociétés et la taxe professionnelle, qu'ils ont mis en place une législation favorable aux licenciements et qu'ils ont dénoncé les rigidités, les lois, les règlements empêchant la " libre concurrence ".

Appliquer les directives européennes

" La Conférence souligne qu'il est essentiel, pour la cohérence et l'unité du processus de construction que chaque Etat membre transpose intégralement et fidèlement dans son droit national les directives communautaires. dont il est destinataire, dans les délais impartis par celles ci, "


II. Traité d'Amsterdam (1997)



La décision majeure de ce sommet : le pacte de stabilité. En quoi consiste t il ?

C'est un pacte d'austérité à vie pour les salariés des différents pays européens. Il indique que les critères de convergence de Maastricht doivent être appliqués à la lettre. Cela concerne particulièrement les déficits publics qui ne peuvent pas dépasser les 3% fatidiques.

Il renforce les pouvoirs du Conseil des ministres de l'Union en donnant un droit de contrôle sur les décisions budgétaires de chaque pays qui doivent lui soumettre "des programmes de stabilité" avec comme objectif à moyen terme un solde budgétaire "proche de l'équilibre ou excédentaire".

Les procédures de surveillance sont renforcées: "Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur recommandation de la Commission, élabore un projet pour les grandes orientations des politiques économiques des Etats membres. "

Si un pays dépasse les 3%, il "devra prendre des mesures suivies d'effets". Et si ces mesures sont inopérantes, des sanctions sont prévues. Il s'agit d'un prélèvement de 0,2% du produit intérieur brut, (une somme considérable) avec l'ajout d'un dixième de la valeur du dépassement. Ces sommes bloquées seront converties en amende au bout de deux ans, au profit des pays respectant le pacte. A terme, une rente pour les pays les plus riches les plus à même de respecter le pacte

En ce qui concerne le pouvoir accordé au Conseil des ministres voilà le point de vue d'un grand quotidien allemand, Süddeutsche Zeitung, qui dénonce le "coup d'Etat à Amsterdam" : "Les chefs d'Etat et de gouvernement sont en train de signer un traité qui bouleverse en profondeur l'ordre constitutionnel, parce qu'il renforce massivement la position de l'exécutif au détriment du législatif dans des domaines majeurs. Ce faisant, il consacre la rupture avec un principe fondamental de la démocratie : celui de la séparation des pouvoirs. La réforme institutionnelle de l'Union européenne a en réalité pour slogan : plus d'Europe, par moins de démocratie. "


III. Le projet de Constitution européenne (2004)



" La Constitution est le deuxième grand rendez-vous de l'Europe après le traité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier ". Ainsi parlait en 2005 le Premier ministre français Raffarin lors d'un débat public sur le traité constitutionnel européen. l'adoption du Traité Constitutionnel européen, que l'on tentait de nous présenter comme une nécessité pour l'avenir de l'Europe et de ses habitants, impliquait la fin des services publics et de tous les droits conquis au fil du temps par les travailleurs : droit au logement, à l'éducation, à la santé, au travail, etc. Analyse.

l'Europe chrétienne

Préambule de la Consti¬tution : " Conscients que l'Europe est un continent porteur de civilisations, que ses habitants, venus par vagues successives depuis les premiers âges, y ont développé progressivement les valeurs qui fondent l'humanisme, que l'égalité des êtres, la liberté, le respect de la raison, s'inspirent des héritages culturels, religieux et humanistes de l'Europe, dont les valeurs, toujours présentes dans son patrimoine, ont ancré dans la vie de la société le rôle central de la personne humaine et de ses droits inviolables et inaliénables, ainsi que le respect du droit, convaincus que l'Europe désormais réunie entend avancer sur la voie de la civilisation, du progrès, de la prospérité, pour le bien de tous ses habitants, y compris les plus fragiles et les plus démunis, qu'elle veut demeurer un continent ouvert à la culture, au devoir et au progrès social [...] ".

Cela se veut plein de bons sentiments et de bonnes intentions, mais les déclarations se heurtent à la réalité quotidienne de millions d'êtres humains en Europe, frappés par la misère, le chômage, la régression sociale, les remises en cause de toute protection sociale ... Quant à " l'Europe porteuse de civilisation " qui s'inspire des " héritages culturels, religieux et humanistes ", cela fleure bon l'étendard de l'Europe chrétienne, celle sans doute de la papauté, le pape qui bénit sans vergogne les armées de Hitler et de Mussolini, ou qui aujourd'hui interdit l'avortement et continue à considérer les femmes comme de simples machines à procréer.

Voilà sans doute cet " héritage religieux " cher à Giscard d'Estaing à moins qu'il ne s'agisse, puisqu'il est question de " continent porteur de civilisation ", de ce fil conducteur qui relie la traite des noirs au colonialisme, les Croisades à la Sainte Inquisition, le Franquisme au Nazisme et à la botte de Mussolini, voire les grands défenseurs de la Raison que furent, c'est bien connu, les Tsars de Russie, les rois d'Angleterre et de France, sans oublier les deux guerres mondiales impérialistes qui cristallisent sans doute, avec leurs millions de morts, " l'héritage humaniste " de cette Europe-là ?

Lois européennes contre lois nationales

Titre I, Article I-5 : " Les états mem¬bres prennent toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant de la Constitution ou résultant des actes des institutions de l'Union ". Titre I, Article I-6 : " La Constitution et le droit adoptés par les institutions de l'Union dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées ont la primauté sur le droit des états membres ". En clair, la Constitution européenne et les lois adoptées en conséquence s'appliquent en priorité à tous les états membres et sont supérieures aux lois nationales. S'il est décidé par exemple (ce qui est le cas d'ailleurs) que la protection sociale des salariés doit être privatisée, (fonds de pension, assurances privées, etc.), cela s'applique à tous. C'est sans doute cela, " l'harmonisation européenne " ...

Intégrer les syndicats

Chapitre II, Article III-212 : " Le dialogue entre partenaires sociaux au niveau de l'Union peut conduire, si ces derniers le souhaitent, à des relations conventionnelles, y compris des accords. La mise en oeuvre des accords conclus au niveau de l'Union intervient soit selon les procédures et pratiques propres aux partenaires sociaux et aux états membres, soit, dans les matières relevant de l'article III-104, à la demande conjointe des parties signataires, par des règlements ou des décisions européens adoptés par le Conseil des ministres sur proposition de la Commission. Le Parlement européen en est informé ". Dit autrement, tout est bon pour associer les syndicats à la mise en oeuvre de cette Constitution, qui signifie, nous le voyons, la concurrence capitaliste et la fin des services publics et des acquis sociaux. Il faut dire que la Confédération européenne des Syn¬dicats a été co-rédactrice avec le patronat européen des entreprises publiques du projet de direction-cadre sur les services d'intérêt général, en juillet 2001.

Pas trace d'une obligation de salaire minimum

l'article III-206 concerne la politique de l'emploi de l'UE. On y trouve en particulier, au paragraphe 3 : " Chaque État membre transmet au conseil et à la commission un rapport annuel sur les principales mesures qu'il a prises pour mettre en oeuvre sa politique de l'emploi, à la lumière des lignes directrices pour l'emploi visées au paragraphe 2. "

D'ailleurs, les politiques de l'emploi sont conduites " dans le respect d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre " (article III-178). Et, pour que les choses soient claires, l'objectif est bien la déréglementation du travail, le démantèlement du Code du travail en France et de ce qui peut en être l'équivalence dans les autres pays, pour imposer la flexibilité de la main d'oeuvre. Pourquoi ? Pour que " les marchés du travail soient aptes à réagir rapidement à l'évolution de l'économie " (article III-203). La guerre économique Europe-USA est à ce prix.

Un marché capitaliste sans rivages

S'il ne fallait qu'un seul article pour résumer le Traité Constitutionnel, l'article I-3-2 suffirait à lui seul : l'Union offre " un espace de liberté, de sécurité et de justice sans frontières intérieures, et un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée ". En clair, il s'agit de constituer une fois pour toutes un marché européen où les règles capitalistes de la concurrence, de la rentabilité et de l'exploitation ne souffriraient plus de limites pour les appétits patronaux et financiers. Précision : pour un capitaliste, la concurrence libre et non faussée, c'est, ni plus ni moins, sa capacité à écraser par tous les moyens le coût du travail, et par conséquent les salaires. Pour qu'on ait bien compris, le projet insiste : Article I-3-3 : " l'Union oeuvre pour le développement durable de l'Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive ". La compétitivité est, pour les patrons, comme chacun sait, ennemie des hausses de salaires. D'ailleurs, dans le Préambule, il est bien annoncé : " l'Union assure la libre circulation des personnes, des services, des marchandises et des capitaux ". Ainsi, personnes, marchandises et capitaux ont pour les rédacteurs exactement la même valeur.

Pas de droit au travail

Le droit au travail est un droit, certes bien peu respecté mais cependant encore inscrit dans la Constitution française, dans le préambule de la Constitution de 1946 intégré à la Constitution de 1958, dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme votée à l'ONU en 1948, etc. Il disparaît dans le Traité Constitutionnel Européen, pour être vicieusement remplacé par le " droit de travailler ". " Toute personne a le droit de travailler et d'exercer une profession librement choisie ou acceptée " (article II-75-1). Encore heureux qu'il soit reconnu le droit de travailler ! La nuance n'en est pas une : le droit au travail, c'est un droit imprescriptible et universel, qu'on revendique s'il n'est pas respecté, et qui a permis en France et ailleurs la création par exemple des allocations chômage. La fin du " droit au travail " signifierait que les États n'auraient plus obligation d'indemniser les chômeurs. Déjà que ces indemnités fondent d'année en année !

Pas de durée de la journée de travail

" Tout travailleur a droit à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu'à une période annuelle de congés payés " (article II-91). Pas un chiffre, rien. Sur quoi vont s'aligner les États ? Niveler, par le bas donc, ou aligner par le haut ? l'UE va-t-elle prendre comme référence l'amplitude de la journée de travail de l'ouvrier français ou polonais ? On a bien une petite idée ...

La fin de la Sécurité Sociale

" l'Union reconnaît et respecte le droit d'accès aux prestations de sécurité sociale et aux services sociaux [...] selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales [...] " (article II-94). Cet article ne parle donc en aucun cas du droit à la protection sociale, mais de celui de l'accès aux prestations, ce qui n'est de toute évidence pas la même chose ! La prestation, cela peut être tout simplement celle octroyée par des organismes privés d'assurance, des fonds de pension, etc. Les juristes de l'UE ont même précisé, si cet article n'était pas suffisamment explicite, que, dans les États où ils n'existent pas, il n'y a aucune obligation de créer de telles prestations ou de tels services. Pour preuve, les explications officielles du praesidium de la Convention européenne : " [...] La référence à des services sociaux vise les cas dans lesquels de tels services ont été instaurés pour assurer certaines prestations, mais n'implique aucunement que de tels services doivent être créés quand il n'en existe pas. "

Pas de droit à la santé

Article II-95 : " Toute personne a droit d'accéder à la prévention en matière de santé et de bénéficier de soins médicaux dans les conditions établies par les législations et pratiques nationales [...] ". Nouveau tour de passe-passe : le droit à la santé, cela n'a pas grand-chose à voir avec " le droit d'accéder ... ". Là où il n'y a rien ou presque rien, les États de l'UE n'ont aucune obligation de mettre en place quoi que ce soit, et là où des dispositions existent, ils ne sont pas tenus de les maintenir ...

Pas de droit au logement

" [...] Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les règles établies par le droit de l'Union et les législations et pratiques nationales " (article II-94, paragraphe 3). Là encore, le droit au logement est remplacé par le " droit à une aide au logement ". Nuance ... On pourrait donc compter, tout au plus, et selon la générosité des États, sur une aumône, un subside pour essayer de se loger. Encore un article qui tient nettement plus d'un acte de foi de dames patronnesses que d'une Constitution démocratique !

La fin des services publics

La partie III du Traité est parfaitement explicite : " Les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire ". La notion de service public n'existe pas dans le texte de la Constitution.

Elle est remplacée par la dernière trouvaille : le " service d'intérêt économique général " (SIEG). Un SIEG n'a bien entendu aucune obligation (bien au contraire) d'être un service public sous direction de l'État membre : " Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux dispositions de la Constitution, notamment aux règles de la concurrence " (article III-166-2).

Toute aide publique est d'ailleurs interdite si elle risque de fausser cette concurrence : " Sauf dérogations prévues par la Constitution [...], sont incompatibles [...] les aides accordées par les États membres ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions " (article III-167-1). C'est sous cette bannière que les gouvernements successifs ne cessent en France de chercher à privatiser tous les services publics : transports, EDF-GDF, France Télécom, La Poste, l'eau, et petit à petit l'Éducation nationale.

Pas un centime pour les entreprises publiques

Article III-166-1 : " Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux dispositions de la Constitution, notamment celles prévues à l'article I-4, paragraphe 2, et aux articles III-161 à III-169. ". En clair, les entreprises publiques ne doivent plus recevoir un centime d'aide de l'État . Au mieux, elles sont tolérées, à condition qu'elles fonctionnent selon les règles en vigueur dans ... le privé !

Privatisations et principe du " pays d'origine "

Article III-137 : " Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre sur le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établi sur le territoire d'un État membre ".

Ajoutons : " Dans le cadre de la présente sous-section, les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites à l'égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation " (article III-144). Et enfin : " Les États membres s'efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu de la loi-cadre européenne adoptée en application de l'article III-147, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent " (article III-148).

Faire venir un plombier polonais ou un maçon portugais en France et les faire travailler aux conditions de salaire, de temps de travail, de protection sociale du pays d'origine est un objectif avoué et parfaitement énoncé dans la Constitution européenne. Ce système du " pays d'origine " existe déjà dans les transports maritimes et routiers.

Quel droit à l'éducation et pour qui ?

Article II-74 : " Toute personne a droit à l'éducation, ainsi qu'à l'accès à la formation professionnelle et continue. Ce droit comporte la faculté de suivre gratuitement l'enseignement obligatoire ". Explications officielles des juristes de l'Union Européenne : " [...] Le principe de gratuité de l'enseignement implique seulement [souligné par nous] que, pour l'enseignement obligatoire, chaque enfant ait la possibilité d'accéder à un établissement qui pratique la gratuité. Il n'impose pas que tous les établissements, notamment privés, qui dispensent cet enseignement [...] soient gratuits.

Il n'interdit pas non plus que certaines formes spécifiques d'enseignement puissent être payantes, dès lors que l'État prend des mesures destinées à octroyer une compensation financière. Dans la mesure où la charte s'applique à l'Union, cela signifie que [...] l'Union doit respecter la gratuité de l'enseignement obligatoire, mais cela ne crée bien entendu pas de nouvelles compétences ".

En clair, la gratuité de l'enseignement obligatoire ne sera pas imposée dans les pays de l'UE où elle n'existe pas. En outre, l'enseignement privé payant est protégé et trouvera même dans cet article matière à exiger plus de prérogatives et d'argent des pouvoirs publics. Un article de plus contre la laïcité.

Le droit de licenciement justifié

Article II- 90 : " Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié, conformément au droit de l'Union et aux législations et pratiques nationales ". Donc, si le licenciement est " justifié ", le travailleur n'est pas protégé ...

Une Constitution anti-laïque

l'Europe qu'ils veulent nous imposer n'est pas laïque, elle est même anti-laïque. Article I-52 : " Reconnaissant leur identité et leur contribution spécifique, l'Union maintient un dialogue ouvert, transparent et régulier avec ces églises et organisations ". Article II-70 : " Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites.
" En France, la loi de décembre 1905 consacre la séparation des Églises et de l'État. Autrement dit, la religion est et doit rester une affaire strictement privée et le droit à la croyance individuelle doit être respecté.

En revanche, les Églises n'ont pas (encore) le droit de s'imposer dans la sphère publique, comme l'école par exemple. Dans beaucoup de pays en Europe (Pologne, Portugal, etc.) les Églises se mêlent du domaine public, grâce à la complicité et à l'aide financière des États. Cette Constitution permettrait d'imposer en France la fin de la séparation des Églises et de l'État. Comment ? Grâce à l'article I-6 qui indique : " La Constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union, dans l'exercice des compétences qui sont attribuées à celle-ci, priment le droit des États membres ". En clair, la Constitution européenne serait supérieure et s'imposerait aux lois nationales. l'arsenal juridique de cette Constitution taillée sur mesure pour les différentes Églises, surtout l'Église catholique d'ailleurs, peut donc, demain, s'appliquer à la France.

Une Europe militariste

Article I-41-3 : " ... Les États s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires ". Sans commentaire.

Un Traité pour des siècles ?

Article IV-446 : " Le présent Traité est conclu pour une durée illimitée ". Une éventuelle révision est subordonnée à la règle de la double unanimité : celle des gouvernements d'abord, puis celle des peuples (par le biais des Parlements ou de référendums). Le tout dans 25 États. Cette procédure de double unanimité est une garantie de blocage pour des siècles ! On est loin de l'article 28 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1793 : " Un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ".

IV. Un non ouvrier et populaire


Contre cette Europe de la régression sociale, du nivellement par le bas, cette Europe de la tyrannie,
, en 2005, en France et aux Pays-Bas le verdict des urnes a été sans appel : la Constitution européenne a été rejetée par le NON massif de l'immense majorité de la population.

En France, le 29 mai 2005, Le NON est majoritaire chez les ouvriers (78%), les employés (67%), les agriculteurs (70%), les chômeurs (71%), les salariés du public et du privé (60%). C'est bien sûr un NON ouvrier et populaire, des exploités, des opprimés, un de ceux qui souffrent. C'est un NON contre les salaires précaires, contre le travail précaire, contre le logement précaire.

C'est le refus catégorique d'une Constitution européenne et d'un gouvernement, tout entiers au service des patrons, des banquiers. C'est un NON définitif contre la liquidation des services publics, de la protection sociale, des retraites et des derniers acquis sociaux arrachés par les luttes de générations successives d'exploités.

Ce NON ouvre la voie aux salariés et aux peuples d'Europe pour la rupture avec l'Union européenne : abrogation du traité de Maastricht-Amsterdam !
Modifié le mercredi 25 février 2009
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