Crises et dépression

Chronique d'une fin de RégimeEn cette rentrée, les faits divers sont d'un type bien particulier, expression tragique de la misère sociale qui s'étend. Au pied d'un immeuble HLM, gît Morgane S., 33 ans, mère de famille. Rien n'y fait : du balcon du 3è étage, l'huissier lance encore aux déménageurs " " Allez, on continue, on commence par la cuisine ! ". Peu après, Morgane s'éteint, des suites de sa chute. Dès qu'elle a entendu l'huissier et un policier derrière la porte, elle s'est levée et s'est défenestrée, sans dire un mot. l'heure de son expulsion avait sonné, un jour de rentrée scolaire...Qu'à cela ne tienne. Bernard Escalle, directeur général de l'OPAC Sud, affiche sa " conscience tranquille ". Il assure avoir fait " tout ce qu'il fallait faire " pour éviter cette expulsion. C'est pourtant bien cet organisme HLM départemental (Bouches du Rhône) qui a traîné Morgane S. devant les tribunaux et demandé son expulsion, pour impayés de loyers. Même bonne conscience, du côté du sous-préfet qui a donné le feu vert aux forces de l'ordre pour procéder à cette expulsion de logement " manu militari ", moins d'un an après le jugement. "Tous les dispositifs d'aide qui peuvent aller jusqu'à l'effacement de la dette par le Fonds de solidarité logement deviennent inopérants lorsque les gens n'adhèrent pas ". Voilà ce que prétend ce commis de l'Etat, toute honte bue. Or, bien souvent, lorsqu'un locataire endetté en HLM demande à bénéficier du Fonds de solidarité logement, c'est l'organisme HLM qui oppose son veto. Le Maire d'Istres (divers-gauche), la commune où s'est déroulé ce drame, s'interroge après coup : " Pour 11 600 euros de loyers impayés, doit-on expulser une famille avec des enfants ? (Source : le Monde, 5 septembre 2008)

Seuil de pauvreté = 817 euros

Le même jour, une femme handicapée, atteinte de sclérose en plaque, a été expulsée brutalement du logement qu'elle occupait dans le Vè arrondissement de Paris. Elle demandait un logement HLM depuis 14 ans. Que faisait donc le Maire de Paris à ce moment-là ? Se curait-il le nez où songeait-il à la posture à prendre pour devenir Premier secrétaire du PS ?

Le Préfet de police lui avait demandé d'" accepter toute proposition que les services sociaux pourront (lui) faire. La prise en considération de l'évolution de votre maladie pourra intervenir dans une prochaine recherche ". Elle, elle voulait un vrai logement, un vrai bail, en HLM. (Sources : l'Humanité,6 septembre 2008)

Que les gens soient dans l'impossibilité croissante de payer les loyers et charges ne pose pas de problème à ces " institutionnels ", qu'ils soient de droite ou... qu'ils se disent de gauche. Que faire, par exemple, quand on gagne moins de 800 euros par mois et que les charges locatives en HLM, en F4, s'élèvent à 240 euros par mois, comme c'est le cas à Alfortville, par exemple ?

Pourtant, les observations les plus officielles donnent un aperçu de l'appauvrissement continu de la population :

" Le seuil de pauvreté est calculé en prenant 60 % du revenu médian de la population française, c'est-à-dire actuellement 817 euros par personne et par mois. On peut d'ailleurs être pauvre en travaillant. C'est le cas d'une personne seule qui travaille à mi-temps, payée au SMIC, ou d'une mère isolée de deux enfants qui travaille à plein-temps, toujours au SMIC.

Les travailleurs pauvres sont les personnes qui, bien que travaillant, ont des revenus totaux

(C'est-à-dire le salaire et les prestations sociales) inférieurs au seuil de pauvreté.

On estime qu'elles sont 1,5 million. Depuis plusieurs années, la proportion de la population française qui vit sous le seuil de pauvreté ne diminue plus, et 7,1 millions de personnes sont aujourd'hui dans cette situation. Le nombre de personnes vivant du RMI a augmenté très sensiblement, de même que la part des travailleurs pauvres. De plus en plus souvent, il s'avère que la reprise du travail non seulement ne fait pas sortir de la pauvreté, mais ne permet pas d'augmenter ses revenus. Il est des cas où la reprise du travail se traduit par une stagnation des ressources. Les gains du travail sont annulés par la diminution des prestations sociales versées en l'absence d'emploi. Parfois, et même très souvent, la reprise du travail conduit à un appauvrissement : dépenses supplémentaires (transports, garde d'enfants) sans augmentation des revenus. ". Voilà le tableau que dresse le Haut commissariat aux solidarités actives contre la pauvreté. (Livre vert vers un revenu de solidarité active)

La moitié des salariés gagne moins de 1.528 € par mois

Selon la CGT : La moitié des salariés gagne moins de 1.528 € par mois. En 2007, environ 8,5 millions de foyers fiscaux ont perçu la PPE, ce qui signifie qu'ils gagnaient entre 0,3 et 1,4 SMIC. Les écarts de salaires s'expliquent notamment par la part élevée du temps partiel chez les salarié-e-s les plus faiblement rémunéré-e-s. Dans son rapport de 2005, le Centre d'études et de revenus des coûts (CERC) estimait que les 10% de salariés les plus mal rémunérés travaillaient en moyenne 13 semaines par an

Selon l'IFOP : 42% des Français ne sont pas partis pas en vacances cet été (+ 10% depuis 2005). Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées : les ouvriers : 41% en 2008 contre 21% en 2005 ; les employés : 47 % en 2008 (+ 13% depuis 2005) et aussi les cadres : 20%, soit une hausse de 8% en 4 ans.

Appauvrissement des " couches moyennes "

Selon l'INSEE : " Le taux de chômage a stagné à 7,2 % de la population active en France métropolitaine, en moyenne, au 2e trimestre 2008, et à 7,6 % si l'on inclut les départements d'outre-mer, selon des chiffres publiés jeudi par l'Insee. Ce taux, qui a baissé de 0,8 point comparé au 2e trimestre 2007, correspond à 2 027 000 chômeurs en France métropolitaine. La décrue du chômage, engagée en 2006, semble marquer le pas avec un taux identique aux 1er et 2e trimestres, sur fond de dégradation de la conjoncture économique. Pour les moins de 25 ans, le taux de chômage a recommencé à augmenter au 2e trimestre, pour la première fois depuis un an, restant plus de deux fois supérieur à celui des 25-49 ans. A 18,3% en métropole, il touche 483 000 personnes. Pour les 50 ans ou plus, le taux de chômage est aussi reparti à la hausse, à 5,1 % en métropole, correspondant à 353 000 personnes. Le taux de chômage des hommes a stagné à 6,8 % comparé au 1er trimestre en France métropolitaine, celui des femmes recommençant à progresser, à 7,7 %. " (Le Monde, 4 septembre 2008)

Rappelons que la fameuse décrue du chômage était la combinaison de trois facteurs : radiations massives de chômeurs indemnisés, croissance du travail partiel subi et vague conjoncturelle de départs en retraite. Ce n'était donc en rien une baisse réelle du chômage réelle, mais au mieux une " stabilisation ". C'est dire que le chômage augmente.

Dans le même temps, la crise de l'immobilier vient se greffer sur la crise du Logement : l'annonce en plein mois d'août de la forte chute des ventes de logements neufs au deuxième trimestre a fait l'effet d'un coup de tonnerre. Le recul atteint 34 % par rapport à la même période de l'an dernier. Les stocks d'invendus affichent un nouveau record à 110 500, et le délai d'écoulement des biens a pratiquement doublé pour atteindre 14 à 15 mois (le Figaro 5 septembre 2008). Cette forte baisse des ventes se produit alors même que la demande reste forte. Autre signe de l'appauvrissement, cette fois, des couches dites " moyennes ".

Autre aspect de la crise sociale, la durée du travail : " Les résultats de l'enquête Emploi 2007 publiés par l'INSEE révèlent que la durée moyenne hebdomadaire du travail est, en France, de 41 heures : 38h pour les ouvriers et employés, 39h pour les techniciens, 44h pour les cadres. " (Sources : la CGT). Ci-gît la loi Aubry sur l'aménagement et la réduction du temps de travail, flexible et annualisable à volonté, que l'on avait voulu nous faire passer pour une loi sur les 35 heures. Il y a longtemps que les salariés ont compris la supercherie...

Augmenter les salaires mensuels de 300 euros pour tous

Dans ces conditions, les sondages indiquent que près de 2 Français sur 3 sont mécontents de " l'action du chef de l'Etat ". Cela finit même par se ressentir sur les effectifs de l'UMP qui sont aujourd'hui de 210.000 militants contre 370.000 fin 2007.

Tout le monde s'accorde à dire que la question du pouvoir d'achat, c'est-à-dire, des salaires est devenue la préoccupation n°1 des habitants de ce pays. Aussi, dans un communiqué de la CGT publié le 21 août intitulé " augmenter les salaires ", nous lisons : la Cgt propose la revalorisation du Smic à 1.500 euros brut tout de suite et la répercussion de cette augmentation sur l'ensemble des salaires pour qu'ils soient tous tirés vers le haut. Rappelons que pour notre part, nous revendiquons 1500 euros nets (comme beaucoup de syndicats de la CGT au demeurant)

Cette répercussion sur tous les salaires, cela signifie en clair : augmenter les salaires mensuels de 300 euros (nets) pour tous et tout de suite et cela implique le retour à l'échelle mobile des salaires (c'est-à-dire : l'indexation des salaires sur les prix qui existait -imparfaitement, certes- avant 1982, avant que le gouvernement Mitterrand-Mauroy, flanqué de ministres PCF, décide d'y mettre fin).

Mais si la direction de la CGT veut vraiment que cette revendication aboutisse, pourquoi la noyer dans une rituelle journée d'action sans action et sans lendemain, le 7 octobre, autour de la vague formule fourre-tout du " travail décent " ? Le travail décent, c'est pourtant facile à formuler : respect des statuts, un vrai salaire qui permette de se loger, de se nourrir et se soigner, non au retour aux contrats individuels du 19e siècle...C'est pourquoi les salariés aspirent à tout autre chose qu'à la répétition de ces mêmes " temps faibles " : grèves de 24 heures sans lendemain, actions " multiformes ", morcellement des grèves,. Ces " formes d'action ", on l'a vu, font rire et sourire Sarkozy. Ce qu'ils veulent, c'est chasser Sarkozy, au plus vite. Pour imposer les solutions ouvrières à la crise.
Modifié le lundi 15 septembre 2008
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