Burn-out au sommet

Longtemps comprimée par la force contraignante des directions syndicales confédérées et du Front de gauche, la lutte de classes surgit soudain sur son terrain direct et prend pied sur l’arène politique. Le détonateur est le gouvernement lui-même, celui-là même qui se faisait fort de la conjurer, celui-là même qui jouait les durs. Un gouvernement au bord de la dépression nerveuse. Dans un pays où le Code du travail est la référence de tous les salariés.

Burn-out au sommet

Le Code du travail fait partie de la vie quotidienne des gens. Il touche l’ensemble des salariés et sur certains aspects, il concerne aussi « ceux du Public ». Il est la vis-mère de tous les rapports sociaux immédiats. Mais, avec l’état d’urgence, « tout devient possible », comme disait Sarkozy en 2007. Et, la protestation syndicale sera à la mesure de ce qu’elle fut ces dernières années : au mieux, un baroud d’honneur et quelques retouches déjà anticipées dans le corps du texte de loi. Mieux encore, au jeu des négociations dans les entreprises, les syndicalistes trouveront ce qu’ils croiront être « du grain à moudre ». Qui songerait à exiger le retrait de ce projet ? Nous connaissons la suite…Le vent se lève !

A cran et à cris

« Il est devenu dingue ! Il n'arrête pas de m'attaquer »1 s’ébroue Emmanuel Macron. L’attaquant n’est autre que Valls. Il hurle ! Un responsable PS assure « "Valls est aujourd'hui à bout de souffle. C'est comme un canard sans tête. Il est mort, mais il ne le sait pas encore. ». Un journaliste observe ses gestes et postures : « Mains qui tremblent ou se tordent, sourcil en corniche d'airain sur œil d'acier, arsenal de rictus et mâchoire blindée: depuis plusieurs semaines, le Premier ministre a les nerfs à vif, il incarne la tension plus que l'attention, il gouverne à cran et à cris. »2

Sa nervosité exprime de manière concentrée toute la crise politique, toute la tension au sein de l’exécutif, dans toutes les institutions et dans tous les pores de la société. La réforme du Code du travail ? Un passage obligé pour la restauration des taux de profits capitalistes et la préservation des fragiles positions « françaises » sur le marché mondial. Pas d’autres possibilités que de « passer en force » avec la crainte confinant à la crise de panique : « ça passe ou ça casse ». Les derniers indices de popularité tombent comme un couperet : Hollande à 17% d’opinions favorables, Valls à 29 % (en sachant que celui-ci a des « fans » dans ce qu’il est convenu d’appeler les sympathisants de droite). Et, ce mardi 1er mars, son ministre-fusible s’effondre : El Khomri chargée de porter une loi dont elle n’est qu’un prête-nom est en burn-out. Le Guen accuse alors ces socialistes qui ont taclé « sa » loi. Mais cette réforme « de trop » porte en elle la liquidation du Parti socialiste, corps et biens. Un parti que Valls ne rechigne pas à sacrifier.

Que reste-t-il du Parti socialiste ?

Comprenons bien : sous un régime parlementaire classique, un parti social-démocrate comme le PS se retirerait des affaires à l’heure de décisions aussi directement et violemment antisociales. Une coalition dite de « centre-droit » verrait le jour pour commettre ce genre de lois scélérates. Mais sous la Ve, il n’y a pas de solution de continuité : pas de changement de majorité possible en cours de route. Seule échappatoire : l’union nationale, la grande coalition. Ici intervient le rapport des forces vivant entre les classes sociales : pas d’unité nationale possible tant que la classe ouvrière n’a pas au moins un genou à terre, tant que les syndicats ne sont pas domestiqués comme l’est la confédération CFDT. A défaut, le Parti socialiste se disloque. Martine Aubry a beau dire : la réforme El Khomri n’a pas comme matrice les piaffements du CNPF (ancien nom du MEDEF) de 1996, mais ce que les lois Aubry de flexibilité et d’annualisation ont introduit dans la législation sociale de ce pays : modulation des horaires sur l’année, au nom des 35 heures – accords d’entreprise sur l’organisation du temps de travail et liquidation des décrets de 1936-1937 sur les 2 repos consécutifs incluant le dimanche, la journée de 8 heures.3

Le vent se lève

Le problème de Martine Aubry est bien plus immédiat : l’unité des travailleurs et de leurs organisations syndicales historiques est en train de se réaliser pour le retrait du projet El Khomri. Et, ce, sous la poussée des masses, relayée par des milliers de cadres organisateurs syndicalistes et répercutée au sein même des sommets de la CGT. Cette poussée des masses née dans le creuset « abstentionniste » et de la « grève du vote » tend à se réapproprier ses organisations élémentaires de solidarité et de défense. L’irruption de la jeunesse exprime également la colère des aînés, des parents, des frères et sœurs, qui vomissent de toutes leurs tripes le gouvernement capitaliste Hollande-Valls, se défient de tous les partis institutionnels et apprivoisés.

Le printemps des salariés et de la jeunesse commence.

Daniel Petri – 02-03-2016

1 Macron : « Valls est devenu dingue ! Il n'arrête pas de m'attaquer » Marianne 18-02-2016

2 http://www.lexpress.fr/actualite/politique/pourquoi-manuel-valls-s-enerve_1764094.html 16-02-2016

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Modifié le vendredi 04 mars 2016
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