Une nouvelle étape

Venezuela : entretien avec Stalin Pérez BorgesCet entretien a été accordé au journal Alternativa Socialista , organe du Mouvement Socialiste des Travailleurs (MST) d'Argentine par Stalin Pérez Borges, coordinateur national de l'Union Nationale des Travailleurs (UNT), centrale syndicale du Venezuela, après la tenue les 13 et 14 janvier du plenum du Courant de Classe Unitaire, Révolutionnaire et Autonome (C-CURA). Stalin Pérez Borges répond aux deux questions qui sont aujourd'hui au coeur de la situation vénézuélienne : les nationalisations et la proposition faite par Chávez de création d'un nouveau parti. Au début de son nouveau manda,t Chávez a annoncé la nationalisation de la Compagnie de Téléphone (CANTV) et du secteur de l'électricité, que pensez-vous de cette proposition ?

Nous saluons l'annonce de la nationalisation comme nous l'avons déclaré dans la récente assemblée plénière nationale du C-CURA. C'est un pas très positif et c'est l'une des propositions que nous avons toujours faites. Le triomphe de Chávez aux élections a fixé l'objectif d'approfondir la révolution et ceci est l'une des mesures qui va dans ce sens. C'est pourquoi, non seulement nous la soutenons, mais nous la voyons comme un premier pas qui en nécessite d'autres pour en finir avec le pouvoir des patrons et des capitalistes qui agissent encore au Venezuela. Pour manifester notre soutien aux nationalisations, nous allons nous mobiliser le 8 février là-dessus et sur l'ensemble des propositions et de tous les problèmes que rencontrent les travailleurs, à cette occasion nous invitons toutes les organisations populaires et paysannes en lutte à nous rejoindre.

Existe-t-il d'autres secteurs qui pourraient être nationalisés ?

Bien sûr. Chávez a dit que tous les secteurs privatisés devaient retourner aux mains de l'État, il faut voir l'ensemble des entreprises qui ont été privatisées, en cadeau aux capitaux étrangers et à leurs associés vénézueliens. Il existe des entreprises importantes comme Sidor (entreprise en métallurgie) qui a été donnée à Techint, c'est-à-dire aux Rocas, l'une des familles les plus puissantes d'Argentine, et aux Machados Zuluoagas, l'une des familles typiques de l'oligarchie vénézuélienne. l'entreprise Sidor a été évaluée il y a huit ans à huit milliards de dollars et a été vendue à un milliard deux cent millions. Les actionnaires majoritaires ont profité de cela comme s'ils étaient les maîtres absolus et laissent les actionnaires minoritaires, l'État et les ouvriers, répondre des dettes qu'ils refusent d'honorer. C'est ainsi que l'entreprise sidérurgique la plus grande du continent, qui comptait alors 18 000 travailleurs en contrat à durée indéterminée et 3 000 sous contrats précaires, n'a plus aujourd'hui que 4 500 travailleurs en postes fixes et 9 000 en contrats précaires, la production a été multipliée par sept, en rapport avec les rythmes infernaux de surexploitation. Cette entreprise, qui appartient aujourd'hui à la société Sideral, occupe une place clé pour un développement industriel national dans un projet socialiste. D'autre part, la place des entreprises pétrolières nécessite un débat de fond dans toute la population et en particulier parmi leurs travailleurs. De plus, il y a de nombreuses entreprises où les patrons harcèlent les travailleurs, comme c'est le cas de l'entreprise de Sanitario, dans l'état de Maracay et de la société de transports Caroni, dans ces cas nous croyons qu'elles devraient être transférées aux mains de l'état, tout en permettant que les travailleurs les contrôlent.

Contrôle ouvrier

Le contrôle des travailleurs est un aspect que nous défendons pour toutes les nationalisations. Nous voulons que les travailleurs du téléphone (CANTV) aient un réel pouvoir dans l'entreprise nationalisée, de même que les travailleurs de l'électricité, ce sont eux qui sont à même de pouvoir garantir un bon fonctionnement des entreprises et une administration transparente, productive et efficace, qui évite les dysfonctionnements et l'accroissement du travail précaire, du bureaucratisme et de la corruption. Nous pensons également que l'on ne doit pas indemniser les entreprises, mais jusqu'à maintenant le gouvernement a dit qu'il les paierait, sur cette question il serait important que les travailleurs des entreprises qui doivent être nationalisées puissent dire ce qu'ils en pensent et aient un pouvoir de décision, ils savent mieux que n'importe qui ce qu'ont gagné ces entreprises pendant toutes ces années.

Chávez a mis en avant la lutte contre la bureaucratie et les problèmes des hauts salaires des fonctionnaires ...

C'est bien que ce thème soit abordé dans le débat. On ne peut parler de socialisme et dans le même temps avoir des salaires de fonctionnaires très élevés, du gaspillage dans les dépenses des administrations et l'utilisation de voitures luxueuses. Il nous semble que l'on devrait fixer un salaire maximum pour tout fonctionnaire, avec des mesures de suppression de leur charge à ceux qui ne font pas leur travail. Il nous semble que nous devons commencer à examiner chaque cas de corruption et à prendre des mesures concrètes pour en finir avec cette situation. Maintenant que Chávez a posé cette question, tout le monde dit être contre la corruption, y compris, évidemment, ceux qui en sont responsables.

Augmentation des salaires

Poser la question du salaire des fonctionnaires ne signifie pas que le problème salarial disparaît du débat national. Les travailleurs non seulement n'ont pas de salaires élevés, mais de plus ils ont beaucoup de problèmes que l'inflation aggrave. Depuis la fin de l'année dernière les prix des denrées alimentaires et de l'habillement n'ont cessé d'augmenter et érodent les salaires. Le maintien du panier de la ménagère ne peut se résoudre seulement en augmentant le salaire minimum. Alors pour revenir sur la proposition de baisse des hauts salaires et l'augmentation des bas salaires, il doit y avoir une baisse des hauts salaires avec un contrôle social sur les dépenses et une augmentation générale des salaires pour tous les travailleurs qui gagnent moins de deux millions de bolívars (719 euros), de façon à ce que le chemin de l'inégalité et de la différenciation salariale soit aplani. Là est la voie vers le socialisme. [...]

Par rapport au lancement du Parti Socialiste Uni du Venezuela (PSUV) quelle sera la position de C-CURA ?

Nous venons d'avoir une première discussion dans notre assemblée plénière la semaine dernière. Nous avons toujours défendu le droit et la nécessité pour les travailleurs de s'organiser politiquement. C'est pour cela que nous ne fuyons pas le débat, au contraire, nous proposons de nous joindre à la construction d'un grand parti socialiste démocratique. Dans ce débat qui devrait avoir lieu avec la création du PSUV, nous avons de nombreuses propositions et nous voyons aussi de nombreux problèmes. Il est évident qu'il y a des appareils qui se refusent à perdre le pouvoir qu'ils ont dans leur parti et qui ne désirent pas que surgisse une nouvelle organisation de poids dans les organisations ouvrières et populaires de base. Ces derniers jours, les directions du PPT et de " Podemos "PPT, " Podemos " : partis alliés au MVR (Mouvement pour la Ve République), le parti de Chávez, dans le " Bloc du changement ". ont déclaré qu'ils se retrouveraient dans le PSUV parce que Chávez leur avait lancé un ultimatum, alors qu'il est de notoriété publique que ces partis rencontrent de sérieux problèmes pour rentrer dans ce nouveau parti, non pas parce qu'ils exigent une discussion démocratique sur son programme et ses statuts, mais parce qu'ils ne veulent pas perdre le pouvoir qu'ils ont aujourd'hui. Le PCV (Parti Communiste Vénézuélien) vient d'annoncer qu'il se partagerait en deux, une partie gardera le sigle et l'autre entrera dans le PSUV.

Un Parti révolutionnaire et démocratique

Le nouveau parti devrait représenter les millions d'hommes et de femmes qui soutiennent Chávez et la révolution, ainsi que les différentes tendances et courants d'opinion qui sont pour le socialisme et qui ont participé aux processus de changement et ont combattu pour la présidence de Chávez. Nous pensons que le débat doit être ouvert à la base sur quel type de parti nous devons construire. Dans ce débat nous avancerons la proposition que ce parti soit sans patron ni latifundiaire, sans fonctionnaire compromis dans des affaires de corruption ou de bureaucratisme. Nous allons défendre le droit de présenter démocratiquement nos propositions pour qu'il y ait un fonctionnement démocratique qui permette la discussion, où puissent s'exprimer les divergences et non le directivisme ou le culte du chef, et où les dirigeants de chaque secteur soient élus par la base. Si nous allons vers le socialisme du XXIe siècle, la démocratie doit se renforcer entre tous ceux qui défendent la révolution, qui veulent son approfondissement et avancer vers un programme de rupture avec le capitalisme.

Cela veut dire que vous allez faire vos propres propositions au nouveau parti ?

De manière permanente C-CURA, qui est le courant syndical le plus important de l'UNT, fait des propositions et les avance dans un débat démocratique sans perdre pour cela notre propre identité, notre organisation de classe, nos convictions politiques, syndicales, religieuses ou non. Nous respectons la direction du Président, mais il le dit lui-même, il faut en finir avec les désignations d'autorité, avec les parasites qui ne veulent pas perdre leurs privilèges, avec le culte de la personnalité, les contraintes politiques et les autres défauts politiques issus de la IVe République. Nous entrons dans une nouvelle étape et nous allons mettre sur la table tout ce que nous pensons, tout en sachant qu'il va y avoir débat, des frictions, ce qui est normal dans les discussions politiques, nous y répondrons sans perdre notre objectif : avancer vers un Venezuela socialiste.
Modifié le mercredi 21 février 2007
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Nous reproduisons ici un article paru dans le numéro 663 de la revue Alternativa Socialista, sur les derniers développements au Venezuela.



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