Une victoire démocratique et ouvrière

Ce 4 décembre, les Italiens ont répondu non à 59 % (65 % de votants) à la question qui leur était posée par référendum par le gouvernement de Matteo Renzi 1  : « Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle relative aux dispositions pour la fin du bicamérisme paritaire, la réduction du nombre des parlementaires, la maîtrise du coût de fonctionnement des institutions, la suppression du Conseil National de l'Économie et du Travail (CNEL) et la révision du titre V de la partie de la Constitution, comme approuvé par le Parlement et publié au Journal officiel du 15 avril 2016 ? ».

Une victoire démocratique et ouvrière

L’Italie est une République démocratique parlementaire décentralisée qui se caractérise par un bicaméralisme parfait, c’est-à-dire que les deux chambres (« camera ») du parlement disposent exactement des mêmes pouvoirs. Le parlement détient le pouvoir législatif, il élit le président de la République, qui lui-même nomme président du Conseil des ministres après consultation du Parlement. Le président du conseil des ministres (1er ministre) exerce le pouvoir exécutif alors que le Président de la République n’a qu’un pouvoir honorifique. Cette situation résulte de l’adoption de la Constitution (entrée en vigueur le 1er janvier 1948) par la Constituante au sortir de la guerre, elle est le fruit d’un compromis entre la gauche (PSI-PCI) et les catholiques (DC) qui cherchent alors à limiter le pouvoir de l’exécutif afin de contenir la résurgence du fascisme.

Les attaques contre la République démocratique

C’est ce système taxé d’instabilité - car il permet aux petites formations politiques, grâce à un système d’alliance, de faire et défaire les majorités - qui était dans la ligne de mire de Matteo Renzi, le Valls transalpin. Il a d’abord modifié le mode de scrutin, c’est la loi électorale appelé l’Italicum, qu’il a fait adopter par le parlement en mai 2015. Cette loi remplace le système proportionnel par un scrutin majoritaire à deux tours avec prime de majorité et listes bloquées : si un parti dépasse 40 % des suffrages, il détient la majorité absolue (340 des 630 sièges de la Chambre). Si aucun parti n’obtient 40 % des voix, c’est celui qui arrive en tête au 2eme tours qui rafle la prime majoritaire. Dans un second temps, la réforme constitutionnelle avait pour objectif de mettre fin au bicamérisme en transformant le sénat en « sénat des régions », composé de 100 élus (contre 315 aujourd’hui) parmi des conseillers régionaux et des maires.

Les attaques contre la démocratie représentative

Ces deux réformes vont dans le sens d’un renforcement du pouvoir de l’exécutif : la nouvelle loi électorale censée entrer en vigueur après la suppression du sénat (donc après la réforme constitutionnelle et qui est désormais remise en cause) devait permettre de dégager des majorités « claires », basées sur la bipolarité politique, en portant au passage un coup fatal à la démocratie représentative, et la suppression du bicamérisme paritaire, transformer le parlement en une assemblée à la botte du président du Conseil, en réduisant le rôle du sénat et par là même, celui du parlement.

Pour empêcher tout retour à la dictature

Une large majorité de la classe politique avait appelé à voter non (notamment Forza Italia, la Ligue du Nord, Lemouvement 5 étoiles, mais également une partie de la gauche : PCI, Refondation Communistes (PRC), Sinistra Italiana (SI), les Verts, etc.). Sur le même logiciel analytique que pour le non français au traité européen, le non grec aux diktats de la Troïka ou le Brexit anglais, les médias ont interprété ce non comme un populisme des masses, anti-européen.

D’abord, ce non montre un fort attachement des italiens à leur Constitution, comme l’analyse Marie-Anne Matard-Bonucci, professeur d’histoire à l’Université de Paris VIII 2 : « Ce qui explique qu’une partie de la gauche ait voté non : par peur de déconstruire un système pas merveilleux, mais empêchant le retour de la dictature. »

Pour en finir avec la loi El Khomri italienne

Mais les italiens ont surtout voté contre Matteo Renzi, sa politique économique inféodée à l’Union européenne et ses réformes anti-ouvrières, notamment « le Job act » qui libéralise encore d’avantage le marché du travail (le pendant de notre loi El Khomri), dans un pays où la précarité salariale était déjà la règle et où le taux de chômage des jeunes (15-24 ans) atteint 36,4% et 60 % dans le sud. La carte des résultats le traduit clairement : le non l’a emporté très majoritairement dans le sud, où le taux de chômage et le taux de pauvreté sont les plus élevés 3 .

Le triomphe du NON s’inscrit dans la trame du Brexit, du Printemps 2016 en France et de la crise de la domination impérialiste qui frappe les États-Unis, l’Espagne, la France et, toujours plus directement, l’Union européenne. N’en déplaise aux commentateurs patentés, les peuples ne sont pas populistes, ils veulent en finir avec les « réformes », traités, institutions et directives qui les vouent à une misère toujours plus grande.

Julie Charmoillaux,
08-12-2016

1. Coalition entre le Parti démocrate (PD) de Matteo Renzi et des partis de droite (le Nouveau Centre-droit, le Choix civique pour l'Italie et l'Union de Centre.
2. http://www.20minutes.fr/monde/1974579-20161205-italie-comment-interpreter-non-referendum-voulu-renzi
3. https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9f%C3%A9rendum_constitutionnel_italien_de_2016#/media/File:Risultati_del_referendum_costituzionale_italiano_del_2016_per_regione.svg

Modifié le samedi 10 décembre 2016
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