Révolte à Budapest

Hongrie 2006Le 17 septembre, un micro judicieusement placé par des inconnus a saisi un aveu censé rester entre quatre murs du Premier ministre, Ferenc Gyurcsani : " Nous avons menti aux Hongrois, nous leur mentons encore, ce que nous avons fait, c'est de la merde ", etc. Dans les heures qui suivaient cette déclaration, des dizaines de milliers de manifestants se massaient devant le Parlement de Budapest et exigeaient le départ de Gyurcsani. Quelle est la situation de la Hongrie, si près du cinquantenaire de la Révolution ouvrière écrasée par les staliniens en novembre1956 ? Et d'abord, qui est Gyurcsani ?Un de ces nombreux staliniens, apparatchik recyclé en " social- démocrate " après avoir, dans l'intervalle, fait fortune comme homme d'affaires et être revenu à la politique comme d'autres pratiquent le tennis. Depuis 1989 et la chute du PC stalinien dirigé par Kádár, la Hongrie a connu, comme tous les pays de l'Est, une privatisation galopante, a fait l'objet de nombreux investissements du patronat occidental par les bas salaires alléché, a vu plus du quart des terres racheté par des Autrichiens et a intégré l'UE comme bon élève des maîtres de Maastricht. Ces jours-ci, les instances de l'UE ont approuvé le plan d'austérité gouvernemental dans la perspective du passage du pays à l'euro après l'abandon programmé du forint. Mais tout ceci a un coût : il s'agit de faire payer aux masses les mesures draconiennes prévues par Bruxelles et engagées par Gyurcsani au lendemain de sa courte victoire électorale de 2002, en totale contradiction avec le programme annoncé. Ce roi du double langage, si emblématique de la nouvelle génération de politiciens d'Europe centrale et orientale, n'a pas hésité à bloquer les salaires et les retraites et à augmenter les prix de nombreux produits. Mais ce qu'il a déjà fait passer n'est rien en regard de ce qu'il présentait confidentiellement à ses affidés. Précisons que son parti social-démocrate ne gouverne pas seul, mais avec les libéraux du SZDS, qui ne représentent qu'une aile, ou plutôt un aileron, des partis politiques de la bourgeoisie. En effet, le principal parti de droite, la FIDESZ (" Union civique hongroise "), a été chassé du pouvoir à la suite d'élections qui, prétendait-on, lui étaient promises.
Aujourd'hui, la FIDESZ tient d'une main molle qui se veut ferme des petits partis de la droite extrême : le MIEP (" Parti de la vérité et de la justice ") d'Istvan Csurka, nationaliste anti-tsigane xénophobe et doublé sur sa droite (il y a toujours de la place) par le parti des 64 comtés de la " Hongrie historique ". Celui-ci a 2 500 membres et veut rétablir la " Grande Hongrie ", incluant la Slovaquie (jadis appelée Haute Hongrie), la Transylvanie (Ouest de la Roumanie), la Voïvodina (Nord de la Serbie) et même un bout d'Ukraine, cette grande Hongrie détruite en 1920 par le traité de Trianon pour punir les vaincus de 1918. En fait, la Hongrie a perdu 60 % de son territoire, ce qui en faisait le plus gros perdant. Aujourd'hui, les Hongrois forment 11 % de la population de Slovaquie, 8 % de la Roumanie, 4 % de la Serbie, et sont 150 000 en Ukraine. Ajoutons que ces formations d'extrême droite, qui comprennent aussi le Jobbik (littéralement " le plus à droite " ou " le meilleur "), n'hésitent pas à ressortir les emblèmes fascistes des Croix Fléchées de l'amiral Horthy, allié d'Hitler et dictateur de 1920 à 1945.

Un " 6 février 1934 "

Tout ce ramassis réactionnaire a voulu faire un nouveau 6 février 1934 réunissant les mécontents (jusqu'à 70 000 personnes le 22 septembre) et créer un vide en cas de départ précipité de Gyurcsani. La FIDESZ, qui se veut " droite honorable et parlementaire ", craint trop les répercussions sur les élections municipales du 1er octobre de l'effervescence, des manifestations et des sit-in dont elle aurait pu fournir les " gros bataillons ". Elle n'a pas osé maintenir le rassemblement sur la Place des Héros, dans un quartier excentré de Budapest mais se prêtant à merveille aux les démonstrations de masse. C'est donc coincés entre le Danube et le Parlement que les réactionnaires hors gouvernement invectivent ceux qui y sont. Et les masses là-dedans ? Il n'existe pas, à notre connaissance, d'organisation ouvrière avec un programme de classe, indépendant des pressions de la bourgeoisie. Les anciens staliniens se sont recyclés, dans l'ensemble, à la manière de Gyurcsani. Les syndicats ne montrent guère d'autonomie. Les organisations agrariennes défendent la petite propriété, qui n'a jamais disparu en Hongrie. Le chômage frappe 10 % de la population active et les bastions ouvriers de Csepel et Tiszavaros ont été largement démantelés, au nom du caractère " obsolète " de la sidérurgie de l'Est. Tout reste à faire, mais il y a loin de la coupe aux lèvres pour les néofascistes. l'absence de forces organisées sur un terrain de classe indépendant se retrouve en creux dans ces journées tumultueuses de l'été indien hongrois.
Modifié le mardi 10 octobre 2006
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