Dehors les corrompus !

GuinéeCes trois derniers mois, l'ancienne colonie française de Guinée dite " de Conakry " a connu un véritable séisme social qui a ébranlé au plus profond les bases de la Seconde République. Cet État d'Afrique de l'Ouest, indépendant depuis bientôt soixante ans, dispose de ressources économiques absolument considérables qui, dictature et corruption aidant, ne bénéficient, c'est bien le moins que l'on puisse dire, guère au peuple. Résumé des événements et point sur la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui.La Guinée est géologiquement le plus riche État d'Afrique de l'Ouest. Les ressources agricoles sont considérables et le pays est le plus copieusement arrosé de la région. Les gisements de bauxite sont les plus importants de la planète. l'or et différents minerais sont abondants.

Pays riche, peuple pauvre

Le peuple guinéen paie très cher son " oui à l'indépendance " en septembre 1958, lorsque De Gaulle le sanctionne en asphyxiant son économie. Après vingt-six années de dictature pseudo-socialiste de Sékou Touré avec des conseillers aussi variés que le pabliste Ernest Mandel ou le Kremlin, la situation bascule à la mort du dictateur en 1984. Le général Lansana Konté, toujours présent, est porté au pouvoir. Après ces deux Régimes, le peuple guinéen est celui qui a le plus faible PIB par habitant et la plus faible espérance de vie après la Sierra Leone et le Libéria, ravagés par deux guerres civiles récentes. La gabegie est totale. Une couche de parasites gravite autour de la présidence d'un autocrate septuagénaire diminué par une leucémie et un diabète, mais qui se cramponne mordicus au pouvoir. l'opposition officielle passe le plus clair de son temps en prison (Alpha Condé notamment). Depuis deux ans, les masses avaient amorcé une offensive concrétisée surtout par des grèves de plusieurs jours en février et juin 2006 avant que la situation n'atteigne un point de rupture avec la nomination comme Premier ministre de l'affairiste le plus corrompu de toute la Guinée (et le plus honni par le peuple), Mahamadou Sylla.

Grève et répression

Le 10 janvier dernier, les deux centrales syndicales, la CNTG et l'USTG, lancent un appel à la grève dans tous les services publics. Le mouvement est très suivi et se généralise d'autant plus que les Bérets rouges de la garde présidentielle abattent les premiers manifestants. Le 11, le mouvement fait tache d'huile en province : les mineurs de bauxite de Fria, les petits transporteurs, les services sanitaires grossissent le mouvement. Le 12, la jeunesse de Conakry tient la ville, cette jeunesse qui aspire à l'émigration, lycéens, étudiants, jeunes chômeurs font face aux soudards de Konté. La ré­pres­sion s'intensifie. Entre le 12 et le 17, le pays est au bord de l'explosion. Les victimes se comptent par dizaines, en province, à Kindia, Kankan, Labé etc. Le président passe ses journées à l'abri, sait-on jamais, dans son village du pays Soussou, avant de recevoir les syndicats au palais. Les Bérets rouges molestent la délégation à l'entrée comme à la sortie de l'entrevue. Lorsque Ibrahima Fofana annonce que le président l'a chargé de déclarer en tant que leader syndical que les citoyens peuvent se prononcer en faveur d'un des trois noms d'une liste dressée par ses soins, la colère se mêle à la satisfaction d'avoir obtenu le retrait de Sylla. Les cris " Dehors les corrompus " fusent. Le pays est coupé du monde extérieur car le seul aéroport en état de fonctionner est paralysé. Les dirigeants syndicaux essaient de canaliser un mouvement qui ne faiblit pas.

Première victoire

Le gouvernement éphémère parvient à obtenir un reflux de la grève en annonçant l'annulation de toutes les hausses de l'eau, de l'électricité et des denrées de première nécessité qui avaient été décidées les mois précédents. Mais, après quelques jours d'accalmie, tout repart lorsque Konté annonce la présence d'Eugène Camara au gouvernement. La mobilisation est encore plus forte qu'en janvier. l'état d'urgence est proclamé le 9 février. On dénombre 120 victimes de la répression, l'armée prétextant la chasse aux pillards et aux bandes de jeunes délinquants. Mais la grève continue et pour sauver sa présidence et son État, Konté demande aux syndicats de constituer eux-mêmes une liste pour le choix d'un Premier ministre assorti d'une promesse de convoquer (sans échéance bien sûr) des élections. Les noms choisis ont bonne presse chez les grévistes. Le 25, la " sortie de crise " est en vue. Les masses ont remporté une victoire certes partielle mais revigorante. Elles sont debout et s'engagent dans la même voie qui a permis au peuple malien voisin de jeter à bas la dictature en mars 1991.
Modifié le lundi 02 avril 2007
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