La Troïka toujours aux commandes de la Grèce

Sans rupture avec l’Union européenne  est ses institutions, sans l’exigence de l’annulation de la dette, il est impossible de mettre un terme à l’austérité, impossible de lutter contre le chômage de masse, de rétablir les services publics et la protection sociale. La politique d’Alexis Tsipras en est la preuve irréfutable. Elu depuis 3 mois à la faveur de la victoire de Syriza, Tsipras n’a pas cessé de donner aux capitalistes de la Troïka (UE, Banque Centrale Européenne,  FMI) toutes les garanties de son « sérieux ». Etat des lieux.

Ainsi, Tsipras ne fait rien d’autre que de prolonger la politique d’austérité de ses prédécesseurs du PASOK et de Nouvelle Démocratie…

Tsipras et Varoufakis, ministre des Finances, se présentaient pendant la campagne électorale de janvier 2015 comme les champions de la lutte contre les privatisations, qualifiées par eux de « bradages de la fortune de l’Etat ». Mais la réalité de leur politique de capitulation a vite fait de les rattraper et, de compromis en compromission, Syriza a officiellement franchi le pas en assurant à ses créanciers (Troïka BCE, FMI, UE, « marchés financiers ») qu’il comptait, en 2015, sur 1,5 milliards d’euros de revenus de privatisations, contre 2,2 milliards prévus au budget du précédent. Evidemment, les seulement 700 millions d’euros de différence entre les deux marquent la mise en œuvre de la même politique contre la classe ouvrière grecque.

Poursuite des privatisations

Mais à quels « bradages », à quelles bonnes privatisations, Tsipras et Syriza sont-ils donc prêts à consentir ? Celle de DEI, le principal opérateur public d’électricité ? Celle de la société PPC, première sur le marché du service aux collectivités ? Ou alors le port du Pirée, le premier port commercial de Grèce, déjà largement vendu aux Chinois ? Sur le port du Pirée justement, les promesses de Théodoros Dritsas, ministre adjoint de la marine marchande, qui annonçait après la victoire électorale de Syriza « l’arrêt de la privatisation du port du Pirée et de celui de Thessalonique », ont fait long feu. En effet, fin mars, le vice-premier ministre, Yannis Dragasakis, annonçait une prochaine privatisation. Ce dernier, en visite en Chine déclarait que le gouvernement entendait procéder à la vente (à des capitaux chinois) des 67 % que l’Etat détenait dans l’entreprise publique chargée de l’exploitation commerciale des ports.

L’annonce de la première opération de « dénationalisation » Syriza-Tsipras a finalement eu lieu le 24 avril 2015 et concerne les droits sur les paris hippiques (le PMU grec), pour une durée de 20 ans, et une recette de 40,5 millions d’euros.

Soumission devant les diktats de l’Union européenne

L’annonce de cette privatisation est tombée en pleines négociations entre le gouvernement grec et ses créanciers (BCE, FMI, UE). Dans une note rendue publique le même jour, Varoufakis précisait : « Les désaccords actuels avec nos partenaires ne sont pas insurmontables (sic) Notre gouvernement est prêt à rationaliser le système de retraites, en limitant par exemple les départs anticipés » et à « poursuivre la privatisation partielle d’actifs publics ». « L’accord viendra vite, parce que nous n’avons pas d’autre option ».Une nouvelle preuve, s’il en fallait, de la soumission du gouvernement Tsipras-Syriza aux diktats de l’UE et des marchés. En fait, il s’agissait pour Varoufakis de venir mendier la dernière tranche d’aide de 7,2 milliards d’euros prévue par l’actuel plan d’assistance financière (240 milliards d’euros depuis 2010) afin d’éviter à l’Etat la banqueroute.

D’ailleurs, les caisses sont tellement vides que Tsipras a décrété, le 20 avril 2015, la saisie des réserves de trésorerie dont disposent les organismes publics et autorités locales (mairies, régions, universités…) et le transfert des fonds disponibles à la Banque Centrale. Cet argent, dont le décret stipule qu’il doit être remboursé dans les 2 mois, doit servir à payer les salaires et retraites des fonctionnaires pour le mois d’avril !

Gestion de la « crise humanitaire » ?

Oui, la population grecque fait face à une « crise humanitaire » qui à juste titre mériterait la mise en œuvre d’un plan d’urgence. Rappelons que la dette publique grecque est évaluée à plus de 320 milliards d’euro, soit 177 % du PIB. Le taux de chômage est de 26 %, et même de 51,2 % pour les jeunes (sources Eurostat). Près de 35 % de sa population vit sous le seuil de pauvreté, soit environ 3,8 millions de personnes. Entre 2008 et 2012, les revenus des ménages ont chuté en moyenne de 23 %, passant de 23 000 euros à 17 000 euros. Toujours d’après Eurostat, en 2015 par rapport à 2008, le salaire minimum grec a chuté de 14 % alors qu’il a augmenté dans tous les États membres ! Il se situerait pour Eurostat aux alentours de 684 euros bruts mensuels (Syriza l’évaluait pendant sa campagne à 580 euros).

Depuis janvier 2015, entre 25 et 30 milliards d’euros ont été retirés des agences bancaires par les grecs. Ce montant, entre 2010 et 2015, est évalué à 110 milliards d’euros, soit l’équivalent d’un tiers des dépôts !

C’est dans ce contexte de paupérisation et de décomposition totale que Tsipras et sa majorité ont fait adopter la loi dite sur la « crise humanitaire ».

Un « plan d’urgence » bien rabougri

Loin d’un plan d’urgence en soi absolument nécessaire à la population, cette loi est l’addition de « me surettes » qui aboutissent à : donner gratuitement de l’électricité et de la nourriture aux 300 000 foyers les plus pauvres ; lancer un programme de logements pour les 30 000 personnes qui sont actuellement sans toit ; débloquer une aide pour les personnes qui ont perdu leur emploi et qui sont privées de sécurité sociale ; relever les petites retraites. Et pour les autres, pas de relèvement des retraites ? Rien, nada ? Sur ce point, notons que le minium retraite est d’environ 480 euros et qu’il constitue le revenu mensuel de près de 40 % des 2,6 millions de retraités grecs.

Enfin, la question de l’augmentation du salaire minimum à 751 euros bruts par mois. Outre l’avantage que procure une telle politique – car pendant ce temps-là on ne parle pas d’augmenter tous les salaires qui ont pourtant été largement amputés ces dernières années – il faut noter que cette mesure n’est ni plus ni moins qu’un retour à la situation antérieure à l’application du « plan d’austérité ». Pour terminer, la loi votée ne sera pas appliquée d’un coup, mais en deux phases…Plan d’urgence, sans doute, mais chi va sano va lentano (en gros, allons-y pianissimo)

Poursuite de la casse des services publics

Depuis 2010, les différentes coupes budgétaires contre les administrations et services publics ont abouti à la liquidation de 200 000 postes de travail (soit 25 % de l’effectif total), ramenant le nombre de fonctionnaires à 600 000. Cette politique est tellement violente que la Grèce occupe la première place des pays de l’UE en matière de réduction du nombre d’agents de l’Etat. Dans ce contexte, le projet de loi sur la « démocratisation de la Fonction publique », examiné par le Parlement depuis le 10 avril, prévoit la réintégration de 4 000 fonctionnaires licenciés et l’embauche de 15 000 agents. Et rien de plus ! D’ailleurs, il faut souligner que ces prévisions sont parfaitement conformes au budget élaboré par… le gouvernement précédent.

Tsipras écarte Varoufakis des négociations avec l’Eurogroupe

Enfin, le journal patronal Les Echos du 28 avril dernier nous apprend que, pour bien donner des gages de sa bonne volonté aux banques, il a écarté du cœur des négociations actuelles à Riga avec l’Eurogroupe son ministre des finances, Yanis Varoufakis, qui a le don d’énerver ses interlocuteurs.

Du coup, écrit le journal, « ces changements ont rassuré les marchés européens » Conséquence immédiate : la Bourse d’Athènes s’est redressée et « le CAC 40 (+1,3%) a terminé au plus haut depuis janvier 2008 » A ce rythme là, Tsipras est en train de devenir le toutou sur la plage arrière de la voiture de la Troïka.

Tôt ou tard, et sans doute assez vite, les masses vont exiger le respect du mandat qu’elles ont confié à Syriza. Le peuple grec ne restera immobile face à ce qu’il considèrera et commence à considérer comme autant de renoncements, de viols de la parole donnée et pourquoi ne pas le dire, de trahisons. Et c’est bien par la lutte de classes que les travailleurs trouveront les réponses à leurs interrogations.

Wladimir Susanj, 30 avril 2015

Modifié le vendredi 01 mai 2015
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