l'Eglise défend ses privilèges

Etat espagnoll'actualité espagnole a été défrayée en ce début d'année électorale - rappelons que les élections générales doivent se tenir le 9 mars prochain - par deux événements d'importance, la manifestation " pour la famille "convoquée par les évêques à Madrid le 30 décembre 2007 et la déclaration de la conférence épiscopale, toutes deux insistant sur les périls que la politique du gouvernement Zapatero ferait courir à l'État espagnol et à ses deux institutions fondamentales : l'Église et la monarchie, héritière du franquisme.Ces dangers proviendraient donc de la loi réglementant l'avortement, extrêmement contraignante, par ailleurs, celle sur l'égalité des droits qui n'engage à rien de concret le gouvernement ou celle de l'enseignement de la citoyenneté à l'école que l'Église estime entrer en concurrence avec l'enseignement religieux, réintroduit par le gouvernement du parti populaire d'Aznar en 2003 comme matière obligatoire. Un autre grief de l'Église contre le gouvernement portait sur les négociations, rompues depuis plusieurs mois, avec l'ETA et auquel le gouvernement a très vite répondu en incarcérant ce qui restait de dirigeants nationalistes basques radicaux encore en liberté et en faisant interdire la participation de leurs organisations aux échéances électorales. Pour sa part, le gouvernement qui avait déjà envoyé une délégation présidée par Moratinos, le ministre des affaires étrangères, à Rome pour la béatification des religieux franquistes tombés pendant la guerre civile, quelques semaines auparavant, a fait quelques déclarations tonitruantes se défendant pusillanimement de toute atteinte à la sacro-sainte liberté religieuse.

Plus de 5 milliards d'euros

Mais à quoi est due toute cette agitation dans les sacristies et autres catacombes, alors que le gouvernement Zapatero a renouvelé en 2006 les accords concordataires, accords très avantageux pour l'Église et qui avaient pourtant été rejetés par les gouvernement antérieurs, Suárez et Aznar y compris, comme le souligne le journal El País. Ces accords prévoient entre autre une progression de 34 % dans le montant perçu par l'Église sur les déclarations d'impôts. Bien que camouflée, en Espagne, la dîme existe toujours, comme au Moyen âge. Mais même cette somme qui s'élève quand même à 153 millions d'euros n'est qu'une larme dans l'océan des plus de 5 milliards que les administrations publiques remettent à l'Église en application des conventions sur l'enseignement, les centres hospitaliers et de charité, les aumôneries militaires et le patrimoine immobilier - plus de 60 % des écoles et collèges appartiennent à l'Église ainsi qu'un grand nombre d'universités - et l'enseignement de la religion est dispensé dans des établissements publics aux frais de l'État selon la Constitution que défendent aussi bien le PSOE que IU.

La place historique de l'Église

Mais rien ne contente l'Église qui craint de perdre sa place privilégiée au sein de l'État monarchique qu'elle soutient depuis des siècles. Pour cela un bref rappel historique suffit. La Cie de Jésus a été, à la fois, depuis le XVIe siècle, un grand latifundiaire et le plus riche entrepreneur capitaliste. À la veille de la République, l'Église détenait toujours, à travers ses congrégations ou des tierces personnes, le capital des principales compagnies de navigation, les huileries Ybarra, les Chemins de fer du Nord et des industries textiles en Catalogne. C'est pour ne pas perdre cet énorme patrimoine qu'elle soutenait la monarchie et la " croisade " des généraux franquistes contre la classe ouvrière et le socialisme, par ses prêches enflammés auprès de leurs mercenaires et des phalangistes assassins. Le pape, lui-même, bénit les canons qui contribuèrent à l'écrasement de la classe ouvrière et des paysans pauvres. Son rôle est inséparable de celui de la monarchie : le cardinal Segura, primat d'Espagne, quelques jours après la proclamation de la Répu­blique en avril 1931, rappelait dans sa pastorale que " la coordination de l'Église avec la monarchie avait apporté à celle-ci des bénéfices énormes et que les chrétiens ne devaient pas rester oisifs devant la nouvelle situation ". En clair, sus aux rouges !
Aujourd'hui, sa démonstration de force a pour but de montrer qu'elle entend conserver les privilèges qui sont les siens depuis l'écrasement de la révolution espagnole et même avant. Un avertissement aux dirigeants du PSOE.
Modifié le dimanche 24 février 2008
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