Mains tendues et pactes pour sauver le régime en perdition

Selon tous les sondages, les élections du 26 juin risquent de reproduire la  fragmentation politique enregistrée lors du premier tour du 20 décembre. Les six mois écoulés depuis lors n'auraient alors servi à rien. Tous les partis proclament leur intention d'améliorer leurs résultats afin de conclure les alliances à même de sortir le régime de l'impasse dans laquelle il s'est enlisé.

Le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de Pedro Sánchez assure qu'il n'y aura pas de troisième tour ; il proclame sa confiance dans une victoire électorale et mise également sur le soutien de Podemos. Devant un parterre de patrons, il a déclaré: « je peux vous assurer qu'il y aura un gouvernement après le 26 juin. Je vais tendre la main à tout le monde et ne vais mettre un veto à aucune force politique » . D'aucuns y ont vu légitimement une invitation à la grande coalition avec le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, le président par intérim, défendue dès le premier tour par l'ex président Felipe González (PSOE), mais, face au tollé que cette « main tendue » a provoqué il a démenti cette interprétation de ses paroles. Était-ce vraiment un malencontreux dérapage ?

Assurances adressées au capital

Devant ce même auditoire du cercle des économistes de Sitges (province de Barcelone) Pablo Iglesias, le dirigeant de Podemos, tient un discours lénifiant, déclarant notamment: « nous sommes des gens pragmatiques et les mesures de notre programme sont réalisables dans le cadre de l'euro zone. Nous avons appris que gouverner c'est choisir des options différentes et cela même pour faire des coupes dans les budgets publics »; et de donner comme gage de ce pragmatisme la façon de gouverner des villes comme Madrid et Barcelone, régies par des coalitions menées par Podemos avec l'aide du PSOE. Il avait auparavant déclaré dans un meeting à Saragosse: « Podemos défend la loi et l'ordre et quand on nous interroge sur notre idéologie je dis, bien sûr, que nous en avons une, mais une chose est importante, le respect des institutions, le respect de la loi et de l'ordre... » . C'est la profession de foi de Podemos, il défend bien les institutions monarchiques héritées du franquisme et propose des « solutions de sens commun », affirme-t-il, comme la fiscalisation des pensions. Tout comme M. Sánchez qui vient de proposer un impôt spécial pour garantir le paiement des pensions. Tout, plutôt que d'exiger la dérogation des décrets successifs contre les retraites et les acquis des travailleurs promulgués par les gouvernements du PSOE et du PP depuis les années 80.

De même, sur le respect du déficit exigé par l'Union européenne -la règle d'or- PSOE et Podemos n'y sont pas opposés et veulent juste négocier un moratoire avec Bruxelles. Le consensus avec le capital est d'ailleurs bien ancré dans leurs programmes respectifs.

Pacte avec la bourgeoisie en Catalogne

La main est tendue aussi aux nationalistes catalans. Carlos Puigdemont, le président de la Généralitat (gouvernement autonome), s’est déclaré ouvert à « la permanence de la Catalogne dans l'État espagnol à travers un projet d'état fédéral », dans le droit fil de ce que proposent le PSOE et Podemos dans le cadre d'un pacte politique avec la Catalogne pour une réforme constitutionnelle qui reconnaisse sa singularité et améliore son statut d'autonomie. Les velléités indépendantistes de la bourgeoisie catalane n'ont donc pas fait long feu comme on s'y attendait.

L'alliance Izquierda Unida avec Podemos

Les militants d’Izquierda Unida (IU) viennent de voter dans des primaires, avec une abstention de 59,8%. Le nouveau dirigeant, Alberto Garzón (PCE), a été désigné pour former une coalition électorale sous les sigles Unidos-Podemos (Unis-Nous Pouvons). Comme le remarque le journal El País, cette alliance est un pacte de survie. Il répond au besoin de pallier les manques au niveau des intentions de vote et de la crédibilité de son leader M. Iglesias. Un pacte qui nourrit des tensions. Ainsi, la fédération de IU d'Almería a qualifié la désignation du général Julio Rodriguez, ex- chef de l'état major, en tête de la liste électorale de cette province, comme une provocation : « cela nuit à IU que l'on place un homme de guerre et de l'OTAN, choisir un militaire est une provocation pour l'image de IU » signale sa secrétaire. Voilà qui n'augure rien de bon pour cette coalition

La classe ouvrière n'est pas dupe et l'abstention annoncée par les sondages en sera à coup sûr un reflet. La couronne aura bien du mal à former un gouvernement stable et durable comme le souhaitent ses valets.

Dans ces conditions, la classe ouvrière n’a d'autre option que de faire la grève des urnes ce 26 juin pour manifester le rejet des politiques qui ne mènent qu'à la misère et à la déchéance.

Domingo Blaya,
04-06-2016

Modifié le lundi 06 juin 2016
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