La monarchie dans l’impasse

Le résultat des élections législatives approfondit la brèche ouverte entre les appareils politiques de la monarchie, la classe ouvrière et les peuples de l'État espagnol. La crise sociale s'est muée en crise politique, laminant les deux piliers de la monarchie, le Partido Popular (PP) et le Partido Socialista Obrero Español (PSOE). L'épicentre de la crise se situe aujourd'hui en Catalogne dont dépendent les institutions.

La monarchie dans l’impasse

Fragmentation politique

La monarchie est dans une impasse. Les deux partis qui vertèbrent l'État espagnol recueillent à peine un tiers des voix si l'on se rapporte au corps électoral. Le PP n'obtient que 7.182.003 voix, et le PSOE 5.506.860, sur 36,5 millions d'électeurs inscrits. Les voix restantes se répartissent entre une dizaine de partis, eux-mêmes issus de coalitions multiples. Podemos obtient 5.165.399 suffrages, Ciudadanos (C's) 3.485.130 et Izquierda Unida - Unidad Popular (IU-UP) 918.787. Les partis nationalistes Coalición Canaria (CC),Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), Democràcia i Llibertat (ex-CDC, Convergència Democràtica de Catalunya), Partido Nacionalista Vasco (PNV) et EH-Bildu remportent, en substance, le reste des voix. Les tractations pour la formation d'un gouvernement risquent donc d'être ardues et de produire la rupture avec les électorats respectifs des différentes formations.

Depuis les dernières élections législatives le PP a perdu 3.600.000 voix et le PSOE 1.500.000. Ils obtiennent ainsi la réponse à une politique dirigée contre la classe ouvrière et les peuples de l'État espagnol. Le parti d'Artur Mas, le Président en fonction depuis le 27 septembre de la Generalitat de Catalunya (Democràcia i Llibertat) a perdu la moitié de ses électeurs, ce qui pourrait provoquer la répétition des élections au parlement catalan, aggravant encore la crise de l'État . CDC a été, en effet, un allié privilégié, tout comme le PNV, de celui-ci, soutenant tous ses gouvernements dès 1977.

Podemos et C's nouveaux outsiders

Ils recueillent les suffrages des déçus du PSOE et de IU pour le premier, du PP pour le second. C's propose un pacte PP-PSOE pour la stabilité des institutions, Podemos une alliance avec le PSOE et IU, essayant de se distinguer en promettant la tenue d'un référendum sur l'autodétermination de la Catalogne. Cela lui a permis d'obtenir le plus grand nombre de voix en Catalogne et un résultat substantiel au Pays Basque. Pour son dirigeant, Pablo Iglesias, la priorité c'est« que le parlement fonctionne, la constitution se réforme »; Iñigo Errejón, son coéquipier proclame « qu'ils sont pour une nation souveraine et pour l'unité de l'Espagne », tout comme le PP, le PSOE et C's. C'est bien le rejet par les travailleurs et les peuples, de l'austérité et de la corruption qui a provoqué la défaite des partis issus du franquisme, comme lePP et le PSOE, artisans majeurs avec les staliniens du Partido Comunista de España (PCE), aujourd'hui intégrants la coalition Izquierda Unida - Unidad Popular (IU-UP), de l'implantation, avec les Pactes de la Moncloa en 1978, de la monarchie instaurée par la dictature franquiste en 1969. Comme l'explique le porte-parole de EH-Bildu, Hasier Arraiz, en se référant à Podemos: « Ils disaient processus constituant et maintenant réforme de la constitution. Ils disent droit de décider et affirment d'emblée qu'ils sont les garants de l'unité de l'Espagne... » [Gara du 17.12.2015].

L'État espagnol en miettes

Gabriel Rufián, porte-parole d'ERC a critiqué le discours du 24 décembre du Roi le qualifiant de « indécent, rance et pompeux, donnant des leçons de démocratie depuis un salon de son palais ». Le Roi a appelé à la concorde et au consensus pour empêcher le démembrement de l'État mis en péril par la sécession en Catalogne. Tous volent, en effet, au secours de la monarchie dans l'impasse. Elle n'a jamais été aussi faible et vulnérable, depuis les Pactes de la Moncloa (que Pedro Sánchez, le secrétaire général du PSOE, veut renouveler). Ils proclament tous vouloir régénérer, réformer, restaurer un état prison de peuples, rongé par la corruption qui croît sans limites, sécrété par la monarchie héritière du franquisme. Ce fléau a infesté tous les partis qui ont gouverné à tous les échelons. Des municipalités aux régions autonomes et leurs parlements croupions - à l'image des Cortés de Madrid -, tous en sont atteints.

La corruption lamine tous les partis politiques qui essayent de gouverner dans le cadre putréfié de ces institutions. Elle empêche la classe ouvrière de prendre en main son destin, de se débarrasser enfin de la surexploitation, de construire ou reconstruire ses organisations politiques et syndicales indispensables. Les organisations actuelles sont inféodées à l' État, par l'intermédiaire de leur bureaucratie dirigeante, toute occupée à la collaboration de classe et au « dialogue social » avec les représentants du capital, laissant passer toutes les agressions contre les droits des travailleurs, contre la liberté syndicale, qui accepte le chômage, la précarité, les bas salaires et les retraites de misère. Tout ce qui fait que les peuples opprimés réclament maintenant leur indépendance.

La question qui se pose aujourd'hui, au lendemain de la victoire à la Pyrrhus du PP c'est : qui le monarque pourra-t-il bien désigner pour gouverner dans cette cour des miracles surgie du capitalisme pourrissant ?

Domingo Blaya,
31 décembre 2015

Modifié le lundi 04 janvier 2016
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