Au rythme de l'Amérique latine

ChiliLa grève des 28000 travailleurs contractuels de la CODELCO, l'entreprise nationale du cuivre, a dévoilé toutes les faiblesses du Régime de la démocratie bourgeoise chilienne, héritière en droite ligne de la dictature militaire de feu le sinistre Général Pinochet, auteur de la Constitution en vigueur. Au feu des manifestations et des grèves, les travailleurs font l'expérience, de manière accélérée, du gouvernement de la Concertation et cherchent une nouvelle voie politique en dehors des partis du système.Après trente jours de grève les travailleurs des entreprises sous-traitantes ont arraché la satisfaction de l'une des revendications les plus importantes du mouvement ouvrier chilien dans les dernières décennies. Ils ont obligé le gouvernement à négocier, avec tous les travailleurs de toutes les entreprises sous-traitantes de CODELCO, un cahier unique de revendications mettant à l'ordre du jour la discussion sur la négociation par branche de production, une conquête détruite par le feu et le sang, par la dictature militaire dans les années 70, et que les différents gouvernements de la Con­cer­ta­tion ont maintenu comme l'un des pi­liers du Code du tra­vail anti-ouvrier.

Cette victoire des travailleurs a réveillé toutes les craintes de la bourgeoisie chilienne, qui a vu dans cette négociation ses pires cauchemars : la classe ouvrière mobilisée et la fin de la maudite loi du travail. La clameur des grands groupes économiques chiliens, qui rendent le ministre du travail responsable d'avoir mis en avant la négociation par branche de production, cherche à passer sous silence que la victoire des travailleurs a été obtenue dans la rue, par l'affrontement avec la police, les barrages routiers, la défaite de la politique du gouvernement mise en oeuvre pour diviser les travailleurs en plein milieu du conflit. Pour les chefs d'entreprise " il n'y avait jamais eu dans l'histoire des mines de cuivre un conflit aussi dur que celui-là, un conflit sans foi ni loi. Pas même dans les pires moments du gouvernement militaire ".

Le réveil de la classe ouvrière

Au Chili, depuis de 2000, la mobilisation des travailleurs a été permanente. Cette mobilisation a connu un saut qualitatif avec la grève générale qui a fait reculer le gouvernement de Ricardo Lagos dans sa tentative de réforme du travail qu'il voulait imposer en 2003.

Les années 2006 et 2007 n'ont fait que confirmer cette tendance. Les mobilisations croissantes des locataires surendettés, regroupés dans l'association ANDHA, la grève des étudiants avec l'occupation des lycées, les mobilisations populaires contre le " Transantiago ",Transantiago : système de transport de l'agglomération de Santiago du Chili. les grèves des fonctionnaires, les grèves ouvrières, etc. démontrent que le Chili s'est intégré à la vague révolutionnaire qui secoue l'Amérique Latine.

À la différence des années 90, mobilisations et grèves se terminent par des victoires, ce qui a pour conséquences de stimuler le mouvement ouvrier populaire chilien dans son processus de réorganisation. Les habitants des banlieues pauvres du Chili sont parvenus, avec leurs manifestations, à interdire l'expulsion des locataires et la condamnation de 262 000 familles par le SERVIEU (organisation chargée du recouvrement de la dette par l'État). Les étudiants ont bloqué le budget d'austérité du gouvernement actuel et ont remis en question la Loi d'Éducation. Les fonctionnaires ont mis en échec la loi visant à remettre en cause la sécurité de l'emploi et la classe ouvrière chilienne a gagné d'importantes augmentations de salaire. C'est cette situation qui a permis aux travailleurs des entreprises sous traitantes de CODELCO d'aboutir à cette grande victoire.

Le coup d'État de 1973 était dirigé principalement contre la classe ouvrière et les masses populaires. Pendant plus de dix ans, le gouvernement Pinochet a liquidé, une à une, toutes les conquêtes de la classe ouvrière, imposant par le fer et le feu le modèle économique américain. La négociation par branche de production a été interdite, les retraites privatisées, les économies des travailleurs données aux grands groupes économiques, l'Éducation privatisée, le Code du travail a légalisé les licenciements pour raison économique, dans les faits le droit de grève a été remis en question en autorisant les chefs d'entreprise à embaucher des " jaunes " pour cause de grève, la santé a été privatisée et les ressources naturelles - bois, pêche, cuivre - bradées au profit des rapaces impérialistes. Pendant les quatre gouvernements de la Concertation, cette situation a empiré, muant le Chili en un des pires pays dans le monde pour ce qui est de la distribution du revenu national : en 2006, les 10 % les plus riches ont un revenu 148 fois supérieur à celui des plus pauvres.

La crise du gouvernement

Michelle Bachelet est un cadre moyen du Parti socialiste. Son ascension au gouvernement est le fruit d'un mauvais calcul du Parti socialiste, qui l'a proposée comme pré-candidate de la Concertation quand tous les sondages donnaient gagnant aux élections présidentielles le candidat de droite Joaquín Lavín avec plus de 50 % des intentions de votes au premier tour. l'objectif était de ne pas " griller " un cadre de la direction de ce parti dans des élections qu'il pensait perdre.

Cette manoeuvre du Parti socialiste ne prenait pas en considération deux faits : la publication des comptes secrets de Pinochet démontrant qu'il était non seulement un dictateur mais également un voleur, ce qui a amené une partie de la population à rompre avec La­vín, continuateur de " l'oeuvre de Pinochet " et abouti ensuite au tournant à gauche qu'avait entamé la population chilienne sans rompre pour autant avec la Concertation.

Ces deux faits ont fait s'envoler la pré-candidate du PS dans les sondages jusqu'à 65 % des intentions de vote, tandis que le candidat de droite s'effondrait à 25 %, et c'est ainsi que Bachelet a été élue à la tête du pays en 2006.

l'arrivée au gouvernement d'un cadre moyen sans poids politique n'est pas un problème mineur dans un Régime présidentialiste qui doit, de manière permanente, imposer un plan de rigueur aux travailleurs et qui trouve face à lui un mouvement ouvrier et populaire qui n'est pas disposé à accepter la diminution de son niveau de vie et le démontre en descendant dans la rue pour mettre en échec la politique du pouvoir. Le gouvernement est incapable de riposter dans l'unité à ces mobilisations, il se divise devant chaque conflit qu'il doit affronter. " Les deux crises qui ont accaparé l'attention du pays ces jours derniers - la grève de CODELCO et le plan du Transantiago - ont une même base : une lutte pour le pouvoir à l'intérieur d'un gouvernement où coexistent au moins deux visions difficilement conciliables. " Tel est le diagnostic d'une revue patronale.

Le virage à gauche

Une enquête réalisée au mois de juillet démontre que plus de 50 % de la population n'a pas confiance dans les deux coalitions sur lesquelles repose le Régime, la même enquête montre que le gouvernement a le soutien de 41 % de la population et plus de 40 % le rejettent. Cette situation est la conséquence de ce que les deux coa­li­tions, aussi bien la Con­cer­tation (Démocratie chrétienne, Parti socialiste, et Parti pour la démocratie) que l'Alliance pour le Chili (Union démocratique indépendante et Rénovation nationale) sont les responsables de la liquidation des grands richesses du pays au profit des multinationales et de l'impérialisme, de l'impunité dont bénéficient les responsables du génocide et des violations des Droits de l'homme sous le gouvernement Pinochet, des scandales de corruption, du vol que représentent les fonds privés des pensions, de la crise du système de santé, de la privatisation de l'Éducation nationale, de l'actuelle Loi du travail, de l'expulsion des locataires des quartiers pauvres, de la répression contre les Indiens Mapuches, les étudiants et les travailleurs qui combattent pour leurs droits.

Les accords permanents au Parlement entre les deux coalitions pour rédiger et voter les lois anti-ouvrières qui augmentent la surexploitation des travailleurs ont conduit les salariés à conclure que la Concertation que l'Alliance pour le Chili sont, au fond, les mêmes.

Vers un nouveau Parti

Ce processus de rupture avec les partis du Régime s'accompagne d'une recherche permanente d'une nouvelle direction politique du mouvement des masses.

Un secteur important de la population a rompu avec la Démocratie chrétienne et s'est tourné vers le Parti socialiste, amenant au gouvernement d'abord Ricardo Lagos et maintenant Michelle Bachelet. Ce tournant à gauche, commencé en 2000 à l'intérieur de la Concertation, avance aujourd'hui en dehors d'elle.
Aux dernières élections municipales s'est formé un front de gauche (" Podemos "" Podemos " : " nous pouvons ".) dirigé par le Parti communiste qui était devenu une référence pour d'importants secteurs, obtenant jusqu'à 15 % des voix dans certains districts. Cependant cette importante avancée de la gauche n'a pas signifié un renforcement de Podemos, mais bien au contraire sa liquidation de la part du PC qui cherche à s'intégrer au Régime démocratique bourgeois, par le moyen d'une réforme de la loi électorale qui lui permettrait d'avoir un ou deux députés. La politique criminelle du PC de destruction de l'unique possibilité électorale de rejet des deux coalitions a abouti à ce que des secteurs de l'avant-garde constituent une nouvelle voie politique.

ANDHA Chile (association des locataires surendettés), dans une assemblée générale, a décidé de s'atteler à la construction d'un nouveau parti politique avec différents partis et groupes de gauche parmi lesquels " Izquierda Socialista ". Ce nouveau parti politique vient de déposer les signatures pour sa légalisation.

Francisco Ortiz,

zquierda Socialista.
Modifié le dimanche 16 septembre 2007
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