Le PT au gouvernement

Brésil : interview du député BabaPour en savoir plus sur la situation politique brésilienne, nous avons rencontré Baba, député fédéral du PT, membre du Courant Socialiste des Travailleurs, un des courants interne du PT. Connu comme une des figures de la gauche du PT, Baba se remarque, avec d'autres parlementaires, par sa position critique face au gouvernement du PT. La Commune : Comment sont vécus ces premiers mois après la victoire électorale ?

Baba : Ce triomphe, nous a permis de toucher du doigt l'héritage maudit qui nous a été légué , le résultat d'années de plans économiques néolibéraux au service des intérêts du FMI et des grands capitalistes. Le nouveau gouvernement se trouve avec un pays asphyxié par une dette qui compromet sa souveraineté, un patrimoine public dilapidé par la politique de privatisation, de graves problèmes sociaux, une dégradation des salaires et un niveau de chômage impressionnant avec les conséquences que l'on peut imaginer.

LC : Quelles mesures prend le gouvernement pour régler ces problèmes ?

Baba : Contrairement à ce que tous espéraient, après avoir gagné avec plus de 50 millions de voix contre cette politique avec nos espoirs dans les changements promis, la direction du PT, son ministre des finances Antonio Palocci, continue d'appliquer les mêmes recettes économiques avec lesquelles FHC et son équipe ont conduit le pays au naufrage. Pour faire plaisir au marché, il poursuit une politique d'intérêts financiers très élevés, qui aggrave le problème de la récession, il se sert des fonds destinés aux dépenses sociales pour payer les intérêts de la dette extérieure. Il essaie de rendre autonome la Banque Centrale. Il veut réformer le système des retraites et en privatiser une partie mettant à bas des vieilles conquêtes de la classe ouvrière.

LC : Cette politique rencontre-t-elle une résistance ?

Baba : Bien que le gouvernement Lula se trouve aujourd'hui dans une période de "lune de miel" avec les masses, il est évident qu'est entrain de surgir un mécontentement populaire sous une forme larvée qui a commencé à s'exprimer y compris par des chansons dans le carnaval de rue à Rio de Janeiro. Ce mécontentement est entrain de se développer de manière plus accélérée chez les travailleurs des services publics, qui sont le plus menacés par les nouvelles mesures gouvernementales. Au niveau plus institutionnel, il existe un groupe de parlementaires du PT qui commencent à discuter de la manière de résister à ce cours, non seulement en critiquant les mesures erronées, mais également en avançant des propositions alternatives. Un des cas les plus fameux est celui du sénateur Heloisa Helena, qui a refusé de voter en faveur de la proposition du gouvernement de nommer Henrique Meireles, ancien président de la Banque de Boston (le plus grand créancier pour la dette extérieure) président de la Banque Centrale, ainsi que de désigner comme président du Sénat l'ancien président Sarney, un vieux politicien lié à l'oligarchie corrompue du Nordeste avec lequel la direction du PT avait scellé un accord. Heloisa et moi, avons critiqué la politique défendue par le ministre Palocci, et j'ai demandé la démission immédiate du président de la Banque Centrale car il s'agit d'un banquier au service de la finance internationale, pour ces raisons nous avons été menacés publiquement d'exclusion. Heureusement il y a eu une réaction extrêmement positive, nous avons reçu d'importantes manifestations de solidarité à nos positions, qui se sont exprimées à travers les motions votées dans de nombreuses assemblées ouvrières, dans des lettres de soutien et dans l'accueil chaleureux qui nous a été manifesté par la population dans les rues.

LC : Quelle est la logique qui a amené la direction majoritaire du PT à approfondir ce tournant à droite ?

Baba : Ce tournant a été pris il y a déjà quelque temps, la différence réside en ce qu'il s'est accentué au fur et à mesure que le PT se rapprochait du pouvoir. Un des axes principaux de ce changement repose sur la politique d'alliance. Avec cette politique, la direction majoritaire a disloqué la base ouvrière du parti, ses méthodes de débats et de luttes, en échange de l'unité et du consensus avec des secteurs de la bourgeoisie, pour obtenir un triomphe électoral. Mais comme rien n'est gratuit, cette politique va avoir un coût chaque fois plus important pour le nouveau gouvernement et malheureusement surtout pour la population travailleuse.

LC : Que faire face à cette situation ?

Baba : Nous sommes conscients que dans les rangs du PT se retrouve la majorité de l'avant-garde de la classe ouvrière, des mouvement populaires et de la jeunesse. Notre tâche est de combattre pour gagner ces secteurs à la mobilisation en défense des positions politiques capables d'aboutir aux changements pour lesquels ont voté plus de cinquante millions de Brésiliens. Ceci passe, entre autres, par la rupture des accords signés avec le FMI, la suspension du paiement de la frauduleuse dette extérieure, le contrôle des changes, le rejet de l'ALCA et la mise en place immédiate d'une véritable réforme agraire. C'est seulement de cette façon que nous aurons de l'argent de manière suffisante pour réactiver la production, créer des emplois, réduire la misère, ce qui était au centre de la campagne électorale du PT.
Modifié le jeudi 23 juin 2005
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