Elections municipales à Buenos Aires

ArgentineLe 24 août dernier ont eu lieu les élections municipales dans la capitale argentine. Crise des candidats de droite, abstention élevée et réélection de notre camarade du MST-Izquierda Unida, Vilma Ripoll. Analyse d'un premier tour .A Buenos Aires, on a voté sans enthousiasme, en se bouchant le nez et avec une abstention supérieure à 30%. Ni Macri, ni Ibarra n'ont pu s'imposer au premier tour. Macri s'est retrouvé en tête avec 4% de plus que l'ex-allianciste Ibarra qui n'est pas passé , malgré le soutien du président Kirchner, devant l'ex-supporter de Menen. Les radicaux, quant à eux, sont passés de 13 conseillers municipaux à un et n'ont pas obtenu un seul député national. Tandis que le Parti Justicialiste ne présentait aucune liste. Le vote à gauche est resté très élevé avec la troisième position de la liste de Luis Zamora et la réélection de Vilma Ripoll d'Izquierda Unida. La tentative de droite de Lopez Murphy et de Patricia Bullrich, qui au mois d'avril, avaient gagné les élections présidentielles dans la capitale, a été balayée. En tant que reflet des processus politiques en cours en Argentine, il est très important de tirer les conclusions de ces élections.

Avec un investissement de plus de 50 millions de pesos (17 millions d'euros) et le soutien de l'ensemble des médias, Ibarra et Macri ont parié sur une polarisation qui au final fut moindre que celle qu'ils espéraient. Bien qu'ils aient atteint ensemble 70% des voix , ils n'ont pu empêcher les bons résultats d'autres listes, ce qui ajouté à la forte abstention a fait avorter leur tentative de se présenter comme les seules alternatives dans la capitale.

La crise des candidats et partis du FMI continue

Buenos Aires a été l'épicentre de "l'Argentinazo" des 19 et 20 décembre 2001, le berceau du mot d'ordre "Qu'ils s'en aillent tous". Jusqu'à cette date, sous différentes formes, se succédaient des gouvernements radicaux, péronistes ou de coalition des radicaux avec le Frepaso (centre-gauche) au service des banquiers et des patrons, appliquant les décisions du FMI. La révolte qui a provoqué la chute de De la Rua a blessé à mort le vieux système politique du bipartisme et d'alternance UCR (radicaux) - Parti Justicialiste (péroniste) dans tout le pays. Les tentatives de recomposer ce système de domination ont commencé avec l'élection présidentielle du 27 avril, mais elles n'ont pu empêcher que se présentent trois candidats péronistes et trois candidats radicaux. C'est pour ces raisons que le président Kirchner n'a été élu qu'avec 22 % des voix.

A Buenos Aires, la crise des vieux partis est encore plus profonde. Le candidat de l'UCR au poste de gouverneur, Caram, qui s'est présenté avec l'appui d'un acteur comique, Nito Artaza, n'a obtenu que 1,9% des voix et se retrouve sans conseiller municipal et sans député national. Tandis que le Parti Justicialiste ne présentait pas sa propre liste.

Ecrivant sur les hésitations de l'ancien président Duhalde à soutenir Ibarra ou Macri, Joaquin Morales Sola du journal "La Nacion" affirme : " Les oscillations des dirigeants de Buenos Aires ne font qu'exprimer, dans toute sa dimension, l'effondrement des partis historiques de la capitale. Les accusations sur l'appartenance au passé que se lancent Ibarra et Macri sont dépourvues de sens : leurs listes contiennent autant de vieux que de nouveaux. Et même ainsi, il faut reconnaître que le radicalisme, le Frepaso et le péronisme (les partis qui gagnaient toutes les élections de ces vingt dernières années...) ont fini d'exister ici". Et c'est la même chose pour la droite traditionnelle, Lopez Murphy, un émule de Cavallo (ancien ministre des finances de De la Rua) n'a grappillé que 9% des voix, alors qu'en 2000 cette droite combattait pour le poste de gouverneur et qu'en avril dernier elle était en tête à l'élection présidentielle.

Le parti et le total des listes qui ont permis à Macri d'être présent au second tour ne remplit pas cet espace. Il est évident qu'il a obtenu un bon résultat en particulier parmi un secteur populaire, électorat traditionnel du péronisme, mais ce n'est pas un phénomène nouveau et qui va durer. C'est beaucoup plus un mélange de radicaux de De la Rua, de dirigeants menemistes et duhaldistes du Parti Justicialiste officiel et de vieux amis conservateurs, dirigeants des entreprises de son père. Ibarra, quant à lui, s'est trouvé à la tête d'une boutique d'articles d'occasion : alliés de Kirchner, radicaux partisans de l'ex-président Alfonsin, ex du Frepaso, ARI, dirigeants de la CTA (Centrale des Travailleurs Argentins), socialistes comme La Porta ou d'autres comme, le partisan de Kirchner, Bonasso, ou encore un Giorno, totalement inconnu.

Cette multitude de listes, a abouti à ce qu'il n'y ait ni une majorité ni une minorité forte au conseil municipal. Il suffit de savoir que la première liste, celle d'Ibarra, n'a obtenu que 14 % des voix.

Les limites de l'effet Kirchner

Pour conserver son poste de gouverneur, Ibarra commença par signer un accord avec l'ARI d'Elisa Carrio et les restes du radicalisme, mais rapidement, après les présidentielles d'avril, il s'aligna sur Kirchner et ceci de plus en plus dans la mesure où l'expectative grandissait parmi la population de la capitale vis à vis du nouveau Président. Le nombre de voix obtenues par Ibarra, le 24 août, bien que meilleur que celui qu'il espérait deux mois auparavant, a démontré que cette expectative qui existe dans la société représente une difficulté réelle pour l'affirmation d'une réelle alternative et ne bénéficie pas automatiquement aux candidats soutenus par le Président. Voilà pourquoi Ibarra n'a pu tromper une majorité en se présentant comme un homme "nouveau", lui qui a gouverné la capitale à coup d'austérité et en concentrant tous les pouvoirs, abandonnant la population la plus fragilisée en s'appuyant sur les grands groupes économiques. Aujourd'hui, face au second tour des élections, il parle de faire son autocritique pour ne pas s'être occupé des plus pauvres. l'autre raison pour laquelle il se retrouve en difficulté réside dans la propre politique de Kirchner, qui accumule des contradictions. Les mesures partielles prises par le gouvernement de Kirchner ne résolvent pas les problèmes les plus urgents pour les travailleurs et les secteurs populaires : la faim, le chômage et la misère, tandis que les négociations avec le FMI continuent ainsi que les accords sur les entreprises privatisées. C'est pour cela que bien que le soutien du Président à Ibarra fut fondamental pour diminuer la différence de 15 à 20 points qui le séparait de Macri il y a deux mois, cela fut insuffisant pour qu'il gagne au premier tour ou pour avoir une différence si faible avec Macri qui l'assurerait du triomphe au deuxième.

Un espace énorme pour la gauche

Bien qu'avec des résultats inégaux, sans dépasser les formations historiques et de manière un peu plus confuse que lors des précédentes élections, la gauche a obtenu un bon score, fondamentalement avec la troisième place de Zamora et dans une moindre mesure avec la réélection de notre camarade Vilma Ripoll au conseil municipal. La gauche sectaire et anti-unitaire s'est trouvée balayée.

Les particularités de ces élections portent la marque de la situation politique que vit le pays.
l'expectative devant le gouvernement Kirchner qui n'a pas permis à Ibarra de gagner contre Macri, a créé une situation qui a bénéficié à la gauche modérée représentée par Zamora. A joué pour Zamora le vote utile pour le poste de gouverneur, objectif tout à fait réaliste si Zamora n'avait pas refusé l'unité. Un autre obstacle a été constitué par le gouvernement avec la candidature du journaliste Miguel Bonasso qui a soutenu la liste d'Ibarra tout en présentant sa propre liste de députés nationaux et pour le conseil municipal de la capitale.

La réélection de Vilma Ripoll

Mais peut-être que le plus important est que la gauche révolutionnaire a pu résister avec beaucoup de ténacité et a permis la réélection de Vilma Ripoll. Cette réussite est fondamentale parce qu'une fois passées les promesses électorales et quand se mettra en place le prochain gouvernement, les travailleurs, les chômeurs, les couches populaires marginalisées continueront à avoir dans la conseillère municipale du MST et de Izquierda Unida un point d'appui pour combattre pour les besoins les plus urgents et quand se dissiperont les illusions dans le gouvernement de Kirchner, nous serons plus forts pour construire une alternative politique de la gauche qui lutte pour rompre avec le FMI et ouvrir une issue aux travailleurs et au peuple.
Modifié le mercredi 22 juin 2005
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