Origines et fondements de la Sécurité sociale – 2ème partie : L’empreinte de la Commune de Paris

De la révolte des canuts à la création de caisses de secours mutuels, les ouvriers cherchent le moyen de s’organiser comme classe sociale, en créant des organisations indépendantes des patrons. Dans des conditions de guerre, la création d’un Etat - Commune en 1871 à Paris marque un tournant majeur dans le combat des ouvriers pour obtenir des droits par l’organisation de structures - de classe - indépendantes. Une histoire qui en dit long.

Origines et fondements de la Sécurité sociale – 2ème partie : L’empreinte de la Commune de Paris

La Commune de Paris vient couronner des années de combat pour la protection ouvrière. 1870, Paris compte 2 millions d’habitants dont 40 000 patrons et 460 000 ouvriers qualifiés qui savent lire et écrire pour 95%.

C’est la guerre entre la Prusse et l’Autriche. Napoléon III soutient Bismarck. La puissance acquise par la Prusse après sa victoire sur l'Autriche-Hongrie et la volonté de Bismarck d'unifier l'Allemagne vont déclencher les hostilités. Le 19 juillet 1870, l’Empire entre en guerre. Après une succession de défaites militaires, Napoléon III, encerclé à Sedan, tente de négocier une capitulation avec Bismarck. L’armée prussienne se dirige alors vers la capitale.

Peuple en armes

À Paris, le 3 septembre, les républicains demandent la déchéance de l'Empire. Le 4, le peuple parisien envahit le palais Bourbon, siège du corps législatif, et proclame la chute du régime impérial. Gambetta proclame la République. Le gouvernement de défense nationale, créé, ordonne la résistance. Le peuple de Paris est aux abois, encerclé par l’armée de Bismarck. Mais, tous les Parisiens, en état de porter les armes et entrés dans la Garde nationale, sont armés, les ouvriers en constituent la grande majorité. Le 28 janvier 1871, Paris affamé capitule. Le 18 mars, sur ordre du gouvernement, des détachements de l'armée régulière se lancent dans l'enlèvement des canons de la Garde nationale. Le 88e régiment d'infanterie refuse d'ouvrir le feu et met crosse en l'air. Les quartiers Est et Centre se soulèvent. Thiers et les ministres doivent quitter Paris pour Versailles. Le comité central de la Garde nationale prend alors une série de mesures d’urgence et transmet le 28 mars tous ses pouvoirs à l’Assemblée de la Commune qui vient d’être élue et proclamée.

Sur le travail

• Le décret du 5 avril supprime le livret que les ouvriers devaient présenter à chaque nouvelle embauche, livret notamment contrôlé par la police dans les offices de placement. La Commune crée des bureaux municipaux de placement où étaient affichées les offres et les demandes.

• Le décret du 20 avril interdit le travail de nuit dans les boulangeries.

• Le décret du 27 avril interdit les amendes et les retenues opérées par prélèvement sur les salaires. Ces prélèvements, principales armes dans les mains des patrons pour affaiblir la résistance ouvrière, constituaient une atteinte permanente à la dignité ouvrière.

Logement

Décret du 29 mars : prorogation des échéances et interdiction d’expulser les locataires

Décret du 25 avril sur la réquisition des logements vacants.

Pensions

Décret du 9 avril : « tout citoyen blessé à l’ennemi pour la défense des droits de Paris recevra, si sa blessure entraîne une incapacité de travail partielle ou absolue, une pension annuelle et viagère… ».

Décret du 10 avril : attribution d’une pension à la femme du garde national tué pour la défense du droit du peuple, à ses enfants reconnus ou non, à ses ascendants.

Arrêté publié le 16 mai : produit de la vente du mobilier saisi dans la maison de Thiers affecté aux pensions des veuves et orphelins.

Décret du 13 mai : possibilité pour le président du tribunal civil d’allouer une pension alimentaire à la femme demandant la séparation de corps.

Crédit du peuple

Décret sur la suspension de la vente des objets mis en gage au Mont-de-Piété et organisation du dégagement gratuit des objets d’une valeur inférieure à 20 francs. Résultat : dégagement d’1,8 million d’objets gagés.

Assistance solidaire

Distribution par l’intermédiaire des bureaux de bienfaisance, des secours aux indigents (environ 500.000) et organisation des « cantines », « fourneaux économiques », « boucheries municipales ».

« Nous sommes ici pour l'Humanité ! »

Laissons la conclusion au communard Prosper-Olivier Lissagaray :

« Voilà ce que signifiait le 18 Mars. Voilà pourquoi ce mouvement est une révolution ; voilà pourquoi tous les travailleurs du monde le reconnaissent et l’acclament ; voilà pourquoi toutes les aristocraties n'y pensent qu'avec fureur. Ce ne fût sans doute qu'un combat d'avant-garde (…) ; mais quelle puissante avant-garde qui, pendant plus de deux mois, tint en suspens toutes les forces coalisées des classes gouvernantes, quels Immortels soldats que ceux qui, aux avant-postes mortels, répondaient à un Versaillais : « Nous sommes ici pour l'Humanité ! » 1 .

Rémi Duteil,
28-04-2016

1. Histoire de la Commune de 1871 – Prosper-Olivier Lissagaray – Editions La Découverte.

Modifié le dimanche 08 mai 2016
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