Mort d'un combattant

Pays Basque : Jokin GorostidiJokin Gorostidi s'est éteint le 25 avril dernier. Son nom ne dira rien à la plupart de nos lecteurs. Et, pourtant : il est l'un des trente-quatre militants qui, en décembre 1970, étaient sur le banc des accusés du retentissant procès de Burgos, au cours duquel Franco exigea sa tête et celle de ses compagnons d'ETA, accusés de " banditisme ". l'ampleur de la mobilisation internationale obligera finalement le bourreau Franco à gracier les condamnés à mort. Jokin était de ceux-là. Hommage au militant.Ainsi, en décembre1970, le Tribunal militaire de l'État espagnol jugeait trente-quatre hommes et femmes, accusés d'appartenance à " bande terroriste " (ETA), dont dix-huit par contumace. Seize d'entre eux étaient poursuivis pour " dépôt et transports d'armes et d'explosifs " et pour " meurtre ", en particulier celui du policier tortionnaire Meliton Manazas, de sinistre mémoire.

Outre Jokin Gorostidi, qui était mécanicien de profession, il y avait aussi Xavier Izko de la Iglesia, typographe, Xavier Larena et Eladio Uriarte, étudiants, Joxe Luis Dorronsoro, Mario Onaindia, employés. La moyenne d'âge : 25 ans. Tous ceux-là furent condamnés, deux fois chacun, à la peine de mort.

Sept siècles de prison

La totalité des peines requises, et obtenues, dépassait les sept siècles de prison !

Ainsi en fut-il pour les dix autres " accusés ", qui furent condamnés lourdement : les deux prêtres Jon Etxabe et Julen Kalzada, Enrike Gezalaga, Jesus Abrisketa, Victor Arana, Jone Dorronsoro, l'épouse de Izko, Gregorio López Irasuegi, Anton Karrera et la compagne de Jokin Gorostidi, Itziar Aizpurua (quinze ans de prison pour rébellion). Il y avait une absente au procès : Arantxa Arruti, morte en prison.

Aux cris de " Sauvons Izko et ses camarades ", l'opinion ouvrière et démocratique se souleva dans le monde entier : de puissantes manifestations eurent lieu dans la plupart des villes et capitales. Sous la pression mondiale, Franco dut reculer et les condamnés furent graciés. l'année 70 aura également été marquée par l'immolation par le feu, devant Franco, de Joseba Elosegi, en forme de protestation contre l'oppression du peuple basque. Les militants qui, comme nous, se mobilisèrent, pour sauver la vie de ces militants, se souviennent des procès de Burgos, de Izko, de Jokin et de leurs compagnons.

Fondateur de Herri Batasuna

Après la mort de Franco, en 1975, une amnistie générale est prononcée en 1977. C'est l'exil en Belgique puis le retour triomphal de la " Marche de la liberté " conduite au travers les sept provinces basques par le vieux dirigeant Telesforo de Monzon. Jokin est alors l'un des co-fondateurs de la coalition Herri Batasuna (HB, Pays Basque et Liberté). Il est désigné, fin 1979, comme l'un des candidats de HB aux élections autonomiques de Gipuzkoa.

Élu député, Jokin sera de ceux qui, en février 1981, reçoivent le roi Juan Carlos à la Casa de Juntas de Gernika en chantant " Eusko Gudariak ", le chant du combattant basque. Lui et ses camarades députés furent, cela va de soi si l'on peut dire, poursuivis pour outrage à sa majesté et condamnés.

Au début de l'an 2000, le juge Garzon l'inculpe pour son travail au sein de l'association Xaki.Association de soutien aux militants basques réfugiés hors de l'État espagnol. Il risque 15 ans de prison. En 2003, accusé de médiation dans le recouvrement de l'impôt révolutionnaire, il est arrêté puis relâché contre paiement d'une caution de 18 000 euros. Alors qu'il devait reparaître de nouveau devant un tribunal, Jokin a été victime d'un infarctus. Quarante années de lutte incessante pour le droit du peuple basque à décider de son sort, une fidélité sans faille à son engagement de jeunesse expliquent pourquoi, par delà nos différends politiques, nous saluons le militant, le combattant.


[Sources : Enbata n° 1927 du 4 mai 2006]
Modifié le mercredi 13 septembre 2006
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