La Charte d'Amiens

La Charte d'Amiens | Histoire : 1906-2006, il y a cent ans ...Du 8 au 24 octobre 1906 se tenait à Amiens, dans la Somme, le 9e Congrès de la jeune CGT. Ce congrès adopta à une écrasante majorité de 834 mandats contre 8 une motion qui restera dans l'histoire comme la " Charte d'Amiens ". Les sociaux-démocrates et les staliniens n'ont eu de cesse, depuis, de tenter de dénaturer ce texte, de le déclarer obsolète. Il demeure pourtant encore à ce jour le texte de référence affirmant l'indépendance du syndicat face aux partis politiques, quels qu'ils soient.La " Charte d'Amiens " fut adoptée sur proposition du syndicaliste révolutionnaire Victor Griffuelhes. Le débat avait fait rage dès le début du Congrès entre, d'une part, les partisans du rapprochement de la CGT avec la SFIO (Section française de l'Internationale ouvrière, le parti socialiste de l'époque), incarnés en la personne de Renard, de la mouvance socialiste guesdiste et, d'autre part, les militants opposés à l'inféodation du syndicat à un quelconque parti politique, fût-il ouvrier. D'ailleurs, un des principaux alliés de Griffuelhes, Niel, était lui-même membre de la SFIO. Écoutons-le expliquer l'enjeu de la bataille :

" On peut dire que le syndicalisme est une forme d'action employée par des malades contre le mal - plus exactement par les ouvriers contre les patrons. Le mal, c'est les patrons, c'est-à-dire le patronat, le capitalisme et tout ce qui en découle. Les malades, ce sont les ouvriers. Or, comme on est ouvrier avant d'être citoyen, on trouve chez le salarié l'individu économique avant l'individu politique. Ce qui fait que si sur le terrain politique tous les citoyens politiques ne se ressemblent pas encore, sur le terrain économique tous les ouvriers se ressemblent déjà. Et cela explique que si l'union de tous les citoyens est encore très difficile, l'association de tous les ouvriers est très possible. [...]

" Le mal dont souffrent tous ces malades, c'est l'injustice sociale qui découle de l'exploitation de l'homme par l'homme, base du Régime capitaliste. Ce mal frappe tous les ouvriers d'une façon égale.

" Quand un patron veut diminuer les salaires à ses ouvriers, il ne les diminue pas d'un sou à ses ouvriers réactionnaires, de deux sous aux républicains, de trois sous aux socialistes, de quatre sous aux anarchistes, de cinq sous aux croyants, de six sous aux athées, etc. Il les diminue d'une façon égale à tous ses ouvriers, quelles que soient leurs opinions politiques ou religieuses, et c'est cette égalité dans le mal qui les atteint, qui leur fait un devoir de se solidariser sur un terrain où les différences politiques ou religieuses ne les empêcheront pas de se rencontrer.

Idépendance réciproque

" Ce terrain, c'est tout simplement le syndicalisme, puisque aussi bien le syndicalisme a pour objet de s'occuper de la question des salaires. Une fois réunis sur ce terrain de neutralité absolue, les ouvriers lutteront ensemble pour résister à une baisse des salaires ou pour en obtenir une hausse ; pour résister à toute augmentation de la journée de travail ou pour en obtenir une diminution [...] ".

En ce sens, la Charte d'Amiens est bel et bien le socle fondateur de la nécessaire indépendance du syndicat vis-à-vis de tout État, tout gouvernement, tout parti afin de sauvegarder l'unité du prolétariat dans la lutte de classes qu'il s'agit plus que jamais de défendre.
Modifié le mercredi 13 septembre 2006
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