mystifications, vessies et lanternes, Cantonales : le vrai bilan

vessies et lanternesLa situation française est celle d'un chaudron dans lequel un cuisinier fou prendrait un malin plaisir à mélanger des ingrédients explosifs : taux de chômage élevé, crise économique qui se poursuit, inflation, un parti gouvernemental minoritaire et isolé, fronde de la magistrature, crise de l'appareil policier, un président désavoué, conflit entre le premier ministre et le chef du parti de Sarkozy, des interventions militaires en Lybie et Côte d'ivoire, comme au bon vieux temps de la Coloniale, des directions syndicales et des partis institutionnels de gauche mouillés dans toutes les réformes de Sarkozy (retraites, sécurité sociale, privatisation de la poste, de l'énergie, attaques contre le statut des fonctionnaires avec l'aval des principales centrales syndicales, précarité galopante...) C'est dans ce cadre que se sont tenues les élections cantonales. Une discussion a eu lieu au dernier CPN d'où il ressortait, pour certains camarades, qu'une des leçons majeures était la montée fulgurante et inexorable du FN. A les en croire, tous aux abris ! Tout juste si la conclusion n'était pas : il est minuit dans le siècle. Seulement, à l'appui de leur démonstration, pas de chiffres, uniquement des sensations, des impressions et beaucoup d'influence des médias. Tout cela ne fait pas une démonstration et surtout nous entraîne vers une appréciation fausse de la situation politique française, dommageable à notre intervention. Alors, des chiffres, rien que des chiffres pour y voir clair.


Une abstention historique



N'en déplaise à certains, le résultat majeur de ces élections, celui qui détermine en réalité toutes les appréciations est celui, historique, des abstentions. Voici ce qu'en dit le journal Le Monde du 29 mars :

" Avec 55, 19% au second tour des élections cantonales, l'abstention ne marque qu'un très léger recul par rapport au premier tour (55,68%). C'est un nouveau record : l'abstention fait un bond de près de 22 points en comparaison du second tour des élections cantonales de 2004, portant sur la même série de cantons à renouveler. Si les électeurs ne se sont pas mobilisés, un nombre exceptionnellement élevé parmi ceux qui se sont déplacés ont déposé dans les urnes un bulletin blanc ou nul. Ceux-ci représentent 7,11% des électeurs, contre 1,31% au premier tour. Ce pourcentage est également en hausse par rapport à celui enregistré au second tour en 2004 (3,91%).

En additionnant abstentionnistes et bulletins blancs ou nuls, ce sont donc 62,30% des électeurs inscrits qui ont refusé de se prononcer en faveur des candidats en lice pour ce second tour. Ce constat est inquiétant "



Inquiétant pour qui en effet, sinon pour tous les partis institutionnels de gauche comme de droite qui savent bien que les abstentionnistes d'aujourd'hui sont les grévistes de demain et non pas les masses passives et inciviques qu'ils prétendent.

Dès lors, il faut analyser les résultats des uns et des autres en fonction de ces chiffres implacables de 55,19 % d'abstentions et mieux encore de 62,3% d'électeurs qui ont refusé de se prononcer pour quiconque. Les chiffres bruts sont aux antipodes de toutes les analyses des politologues éclairés.

Ainsi, le Front de gauche (PCF plus Mélenchon) prétend qu'il a progressé par rapport aux cantonales précédentes de 2004. (mêmes cantons renouvelables)

Le Front de gauche recueille en tout et pour tout 827 621 voix, contre 957 223 pour le PCF en 2004. Et, cela bien que " l'extrême-gauche " était absente dans la plupart des cantons et que certaines listes du Front de gauche avaient le soutien de comités NPA. Perte sèche : 120 000 voix. En 2004, le PCF représentait 4,7% des inscrits. En 2011, il n'en rassemble que 3,7%. La prétendue progression du PCF est une imposture.

S'agissant du PS, l'érosion est plus sévère encore :

2004 : 3 226 525

2011 : 2 284 967 soit près d'un million de voix en moins

2004 : 16,08% des inscrits

2011 : 11, 25 % des inscrits


Quant au Front National dont on nous dit en France qu'il a fait une progression fulgurante et qu'il devient un danger majeur :

2004 : 1 490 315

2011 : 1 379 249 soit 120 000 voix de moins

2004 : 7,4 % des inscrits

2011 : 6, 8 % des inscrits


Où est donc cette progression si dangereuse ?




Ce tassement à la baisse raye d'un trait de plume les sondages qui annonçaient une montée fulgurante du FN suite à l'avènement de Marine Le Pen à la tête de ce parti soi-disant " relooké " où la fille Marine a pris la place du père Jean-Marie. Soulignons que désormais, depuis de longs mois, le clan Sarkozy fait concurrence sur le terrain de l'islamophobie et du racisme au FN. La différence de programmes entre l'UMP, le parti du président et le FN est de l'épaisseur d'un papier à cigarettes si l'on en juge par les déclarations abjectes de Guéant et consorts et le prétendu débat sur la laïcité qui n'avait pour but que de stigmatiser encore un peu plus les musulmans.


Sur cette question de la nature des abstentions, nous ne pouvons qu'être d'accord, une fois n'est pas coutume, dans ses grandes lignes, avec la première analyse reproduite sur le site du courant " Faire vivre le PCF ", dont voici le principal extrait :

" C'est la France rurale, et parmi elle dans les centres villes et les quartiers bourgeois et les villes de garnison d'une armée coupée de ses racines républicaines par sa professionnalisation, qui en voix pourrait indiquer une montée du FN.

C'est l'abstention qui le fait monter en pourcentage même quand il perd des voix. Comme le remarquent plusieurs commentateurs moins médiatisés mais plus rigoureux :

La Seine-Saint-Denis enregistre le taux d'abstention le plus élevé avec 67, 30 %, un département populaire où hier, l'essentiel des voix se portait sur le vote communiste, et où le taux de chômage est important. Un département où les salariés et parmi eux les ouvriers sont encore très présents, en tout cas beaucoup plus que dans les Pyrénées orientales ou le Morbihan. Dans le 93 on voit un FN progresser en % et régresser en voix, dans les seconds et ceux de même sociologie il progresse en % et stagne, voire peut par endroit progresser en voix.

Toujours en regardant la Seine-Saint-Denis : à Aubervilliers, seuls 27,13%, des électeurs se sont exprimés, 27,90% à Saint-Denis, 31,91% à Saint-Ouen, alors que dans les Hauts de Seine ou les Yvelines, à Neuilly, Versailles ou Saint-Germain-en-Laye, là où on connait plus les chaînes de chez Cartier que celles de montage, le pourcentage avoisine ou dépasse les 40%.

D'autre part, l'écart est net entre les bureaux des " centre villes " et ceux des cités, ces derniers marquant le maximum d'abstentions.

Dans les zones urbaines des départements ruraux, là où la recomposition économique et les délocalisations des années 80 ont installé des ZI alimentées en main d'oeuvre par des ZUP, ou des zones pavillonnaires normalisées, c'est pareil : montée du FN en % et chute en voix liées à une abstention massives. Ces phénomènes sont amplifiés par la recomposition interne de la droite.

Les déçus de l'UMP n'ont pas fait la queue pour voter PS, ses gages et reniements ne sont pas encore suffisant pour y conduire mais et les résultats, bureau par bureau le montre, les enfants et petits-enfants des goûter du maréchal vont sans problème au bal de la marine même si le barnum a maintenant un calicot en lettres d'un mètre portant en fluo le nom du producteur du spectacle.

La présentation des résultats à partir des exprimés permet de masquer cette réalité à partir des chiffres données par le ministère de l'intérieur au soir du scrutin.

Le score des formations politiques ramené en pourcentage des inscrits, c'est à dire en pourcentage de la vie réelle remet sèchement sur pied les contorsionnistes. "

Sur un nombre d'inscrits 20.310.329 (sur les cantons renouvelables)



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|abstention|55,00%|
|PS|11,25%|
|UMP|7,67%|
|FN|6,80%|
|Vert Écologie|3,71%|
|PC|3,57%|
|Divers Gauche|2,43%|

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Source : http://lepcf.fr/spip.php?page=article&id_article=508


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La conséquence immédiate de ces élections est le déchaînement des contradictions au sein du gouvernement et de l'UMP au bord de la dislocation pendant qu'à gauche, au PS en particulier, les couteaux sont tirés, le projet " socialiste " qui vient d'être annoncé pour 2012 n'envisageant nullement le retrait de la loi sur les retraites pas plus que le rétablissement des postes d'enseignants et de fonctionnaires supprimés, tandis que les caciques de ce parti annoncent qu'ils vont nous refaire le coup des emplois-jeunes, précaires et discriminatoires et que les patrons seront exonérés de nouvelles charges sociales, quand ils seront gentils bien entendu.

Poursuivons sur quelques résultats significatifs des abstentions dans les départements ouvriers et populaires :


93 : record national avec 67,30% au 1er tour, 64,74% au second dont 71% à St Denis, 72% à Aubervilliers etc.

94 : 64,02% dont 74% à Arcueil-Gentilly Ouest (et 6% de bulletins blancs ou nuls !), Ivry-Est, 67,97% etc.

Rhône : 61,71%

Meurthe-et-Moselle : 60,44%

Moselle : 60,42%

Bas-Rhin : 59,18%

95 : 60,42%

Etc.


Prenons le département de l'Hérault (34), qui est à la fois rural, urbain avec des quartiers ouvriers et populaires (La Paillade à Montpellier) :

Résultats comparés des cantonales 2004-2011 dans l'Hérault :


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| |inscrits|PCF/FG|PS|UMP|FN|
|2011|414 104|17 121 + 499*|54 402|31 713|39 562|
|2004|373 287|17 321|83 662|65 357|39 045|
|Différence|+40 817|(-200 + 499*)|-29 260|-33 644|+517|
|% inscrits 2011| |4,25%|13,14%|7,66%|9,55%|
|% inscrits 2004| |4,64%|22,41%|17,51%|10,46%|
|Différence| |-0,39%|-9,27%|-9,85%|-0,91%|




*499 = Ganges (NPA +PCF)
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Le FN obtient plus 517 voix mais moins 0,91% par rapport aux inscrits : on est très loin de la vague bleue marine dont nous serinent les médias. C'est l'abstention qui est le phénomène n°1, très marquée dans les quartiers populaires (67,68% sur le canton de La Paillade - Montpellier) l'UMP s'effondre (il perd plus de la moitié de ses voix).Le PS ne se porte pas mieux (il perd plus d'un tiers de ses voix).Le PC Front de gauche stagne en dessous de 5% des inscrits (La révolution par les urnes n'est pas pour demain)


En résumé, le résultat national de ces élections est incontestable :

1-* le parti de Sarkozy est réduit à 7,67% du corps électoral ; insistons : le parti de Sarkozy qui est censé diriger la France pèse 7,67% ! C'est un effondrement, un échec cuisant, une déroute, une débandade.

2-* le PS ne progresse pas, c'est mensonge que de le dire. Il perd un million de voix et pèse 11,25 % des inscrits. Pas de quoi pavoiser.
D'ailleurs, on aura remarqué que le PS ne le fait pas.

3-* le Front de gauche, qui profite sans doute de notre insuffisante pugnacité ici ou là perd néanmoins en voix et en pourcentage des inscrits. Là aussi, les chiffres remettent tout le monde à sa place. Le PCF pèse royalement 3,57% des inscrits. C'est sans doute ce que certains appellent le renouveau du PCF dopé par Mélenchon le va-t-en guerre.

4-* il n'y a pas de poussée du Front national et de danger fasciste en France. C'est un conte pour faire peur aux enfants et nous éloigner du véritable ennemi immédiat : Sarkozy, son gouvernement et les patrons. Assurément, le FN a profité d'un report des voix de l'UMP, les électeurs de droite préférant l'original à la copie...Une partie des électeurs FN d'avant 2007, captée par Sarkozy est retournée au bercail. Et ça s'arrête là pour le moment.

Alors soyons clairs : les ouvriers, les jeunes, les quartiers populaires, les banlieues n'ont pas voté FN, Ils se sont abstenus : Ils n'ont voté pour personne, ne se considérant, à juste titre, représentés par aucun des partis en lice. Voilà une vérité bonne à dire. Et il serait donc de bonne politique de refuser de nous faire les relais de cette fable du vote populaire pour le FN.


Certes, il ne faut en rien minimiser le FN et sa politique, cela va de soi. Il faut le combattre, dans un combat de tous les instants, et par tous les moyens nécessaires. Mais c'est une erreur d'appréciation de l'ensemble de la situation que de le surestimer et que de participer au concert intéressé de tous ceux qui voient dans le FN l'ennemi principal à l'heure actuelle et qui veulent culpabiliser les jeunes et les chômeurs de résultats dont ils ne portent aucune responsabilité. Non, chiffres à l'appui : les jeunes, les chômeurs, dans leur immense majorité ne votent pas FN et ils pourraient voter pour nous si nous nous en donnions les moyens. Alors, il serait mieux que certains camarades ne prennent pas les vessies pour des lanternes, ils risqueraient de se brûler...


5-* la vague abstentionniste est porteuse de l'explosion sociale qui vient car lorsqu'on rejette ainsi tous les partis de gauche comme de droite, c'est qu'on cherche, plus ou moins consciemment sans doute, d'autres voies que celles des urnes qui sont à l'évidence une impasse pour changer la vie. Question : n'ont-ils pas raison, ces jeunes, ces chômeurs, ces précaires, ces travailleurs de se détourner des bureaux de vote ?
l'abstention n'est pas " l'un des faits marquants " des élections cantonales comme on a pu le lire dans des communiqués nationaux du NPA. C'est le fait marquant qui détermine l'ensemble des résultats et le bilan politique de ces élections pour tout le monde, nuance de taille.


A tout le moins, l'ensemble de ces données montre qu'il existe un boulevard pour le NPA, dont la base sociale, donc la base électorale, est précisément constituée, par nature, des jeunes, des chômeurs, des précaires, des travailleuses, travailleurs et des opprimés. A condition que nous allions à la bataille, drapeau anticapitaliste et plan d'urgence déployés, sans tergiverser, sans nous laisser mystifier et sans plus attendre.



Pedro (64), Daniel (94), Jean-Paul (34), Wladimir (75).
Modifié le lundi 07 mai 2012
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