Mélenchon, le miroir aux alouettes

le miroir aux alouettes | Elections présidentielles : Jean-Luc MélenchonEst-il besoin de parler du programme de Sarkozy ? Nous en subissons tous les jours les dramatiques conséquences. La notion
même de progrès social est étrangère à ce programme qui tente de rivaliser chaque jour un peu plus avec celui du FN. Sarkozy
ne promet rien d'autre que la continuité dans le pire. La seule réponse qu'appelle ce programme a été apportée par les habitants
de Bayonne : " dégage ! ". Qu'en est-il de ses rivaux Hollande et Mélenchon ?
Commençons par celui qui, en
toute modestie, se présente
comme l'enfant des Lumières :
Jean-Luc Mélenchon, candidat du Front
de Gauche qui est une coalition largement
vertébrée par le PCF. Candidat
aujourd'hui soutenu par " la gauche
anticapitaliste du NPA ", laquelle considère
que la candidature de ce transfuge
de l'OCI, puis du PS, ancien ministre de
Jospin, est une candidature de " rassemblement
anticapitaliste ". Certes,
les actes ne suivent pas les hommes et
la campagne de Mélenchon a le goût
d'une campagne anticapitaliste, tout
comme le Canada-dry a le goût de l'alcool,
sans en être. Dans la Bible, Saül,
transfiguré, est devenu Paul. Dans la
vie, Mélenchon reste un opportuniste.
Nous ne jugeons pas sur des impressions,
sur des postures, des discours
lyriques mais sur le programme de ce
candidat et ses actes.


Un homme d'Etat




Jean-Luc Mélenchon fut
donc ministre délégué à l'enseignement
professionnel.
On lui doit la création des
Lycées des métiers qui lui
valurent les félicitations de la
PEEP, association de
parents d'élèves classée à
droite. Ce " Lycée des
Métiers " aujourd'hui tant
décrié par les enseignants
avait pour but de fusionner
les Lycées professionnels
publics et les CFA patronaux
et de généraliser l'alternance
école-entreprise, pour mieux répondre
aux besoins du patronat. Mélenchon le
tribun ne s'en vante pas dans ses meetings...

Le calcul est simple : un BEP en deux
ans en alternance équivaut à une année
de cours théoriques et pratiques en
moins. Les BEP n'y ont pas résisté.
Quelques années plus tard, la droite les
a purement et simplement supprimés.
Jusqu'à plus ample informés, Mélenchon
n'a jamais regretté cette mesure par la
suite. Confère le peu de place que son
programme accorde à l'enseignement
technique : " l'investissement de l'État
dans l'enseignement professionnel sera
augmenté de 50 % pour que les
enseignements techniques, professionnels
et généraux soient d'égale
qualité. " Sous-entendu : pas question
de revenir sur l'alternance, sur la
suppression des CAP et des BEP ; Ce
qui est fait n'est plus à défaire, en
somme.


l'Union Européenne




Jean Luc Mélenchon fut un véhément
défenseur du traité de Maastricht en
1992, devant les Sénateurs. Il qualifia
alors ce traité scélérat de " compromis
de gauche ", dans un vibrant éloge à
" la nation européenne " (le 9 juin
1992). Mais, en 2005, il devint l'une des
figures emblématiques du Non au Traité
constitutionnel européen. Un pas en
avant, donc. Puis, aussitôt après la victoire
du Non, il fit... Deux pas en arrière.
En novembre de cette année-là, il
vota la motion de synthèse du congrès
du PS, basée sur le texte de Hollande.
Il s'en expliquait alors dans son blog :
"La synthèse désigne la mise au point
d'un texte d'orientation qui devient commun
à ceux qui l'amendent. On part de
la motion qui a recueilli le plus de voix,
et on discute pour voir si ce qui paraît
essentiel à chacun peut se retrouver
dans un même texte. C'est ce qui a été
fait. Il fallait ensuite savoir si j'approuvais
ce compromis. C'est ce que j'ai fait
avec la quasi-totalité des congressistes.
Je l'ai fait parce que sur un point décisif
à mes yeux j'obtenais gain de cause. Je
parle, bien sûr, du refus de signer la
Constitution européenne au lendemain
de la prochaine élection présidentielle
."
Le refus de signer la constitution européenne
en 2007 ne mangeait plus de
pain, à ce moment-là puisque que ce
projet était mort, massivement rejeté
dans plusieurs pays. Le PS demeurait
un ardent défenseur de l'intégration
européenne. A l'évidence, la rupture de
Mélenchon avec le PS eût été crédible
si elle s'était produite à ce moment-là.
Les raisons qui ont motivé le départ précipité
de Mélenchon du PS, quelques
années plus tard, demeurent absconses.

Ne pas soutenir Mélenchon serait,
paraît-il, faire oeuvre de sectarisme ?
Certes, un pas en avant vaut mieux
qu'une douzaine de programmes. Mais,
quel pas en avant le Front de Gauche at-
il fait ailleurs que dans les mots ?
Lorsque l'on lit le programme du FG à
propos de l'Europe, nous réalisons bien
vite qu'il n'est pas question d'abroger le
traité de Maastricht, de rompre avec
l'Union Européenne et ses institutions,
telles la BCE. Les belles phrases sur
" une autre Europe " y perdent leur
sens. Mélenchon a changé... Et il n'a
pas changé.


Droit au logement




Le logement ? Le Front de gauche se
prononce pour l'interdiction des expulsions
locatives. Simple promesse électorale
ou engagement à mener le combat
jusqu'au bout sur cette question ?
Nous avons malheureusement
quelques raisons d'en douter :

le 19 mars 2006, au sortir d'une manifestation
contre le CPE, Jean-Luc
Mélenchon est sollicité pour signer une
pétition en défense des familles mallogées
d'Alfortville, portée notamment
par Monseigneur Jacques Gaillot ;
France Libertés - Fondation Danielle
Mitterrand ; Lucie Aubrac, professeur
agrégé, ancienne résistante, grand
Officier de la Légion d'Honneur ;
Raymond Aubrac, ingénieur, ancien
résistant, grand Officier de la légion
d'honneur ; Albert
Jacquard, généticien
; Christian
Mahieux, secrétaire
national de
SUD-rail. La réponse
de Mélenchon
sera surprenante :
" les mal-logés, je
ne peux pas les
blairer ". Si c'est
de l'humour au
" second degré ",
cela ne risquait pas
de faire rire les
familles sans logis
ou parquées dans
un hôtels-taudis
que défendait cette
pétition. Monsieur
Mélenchon, lui, est bien logé et bien
nourri. Il n'a donc pas signé cette pétition.


Expulsions




Les arrêtés anti expulsions des municipalités
PCF : régulièrement des municipalités
PCF adoptent des arrêtés anti expulsions.
Tout aussi régulièrement,
les Préfectures saisissent les tribunaux
administratifs pour " retoquer " ces
arrêtés. Ainsi, en 2004, le maire de
Bobigny (93), Birsinger (décédé depuis)
a pris un tel arrêté et dans le même
temps l'Office HLM de cette ville, présidé
par un de ses adjoints, prenait la
responsabilité d'expulser 79 familles.
Jamais, ces maires n'ont saisi la cour
administrative d'appel, interdit les expulsions
dans leurs offices HLM. Et, donc,
jamais le Conseil d'Etat n'a pu être saisi
sur cette question. Jamais non plus
Mélenchon, sénateur n'a demandé l'arrêt
des expulsions et exigé que les arrêtés
anti-expulsions ne soient plus déclarés
illégaux par les pouvoirs publics. Ca
non plus, l'orateur n'en dit mot...


Ou sont passées les 37,5 ?




Les retraites ? Le programme du FG se
prononce pour la retraite à 60 ans à
taux plein, 75% du salaire et pas une
retraite en dessous du SMIC. Qui dit
mieux ? En fait, il y a maldonne puisque
la durée de cotisation n'est pas chiffrée,
ce qui permet de ne pas revendiquer le
retour aux 37,5 annuités public-privé.
La formule " droit à la retraite à taux
plein à 60 ans pour tous " en devient
plus qu'ambiguë. Cela signifie-t-il qu'un
salarié n'ayant pas les 41 années de
cotisations requises depuis Balladur-
Fillon ne pourra pas partir à 60 ans ? On
cherche en vain dans ce beau document
l'exigence de l'abrogation des lois
Fillon-Balladur-Woerth


Voilà qui ressemble fort à la proposition
de Hollande de permettre la retraite à 60
ans pour les carrières longues, à condition
d'avoir travaillé 41 annuités. Quelle
audace en vérité. Silence là aussi de
Mélenchon dans ses discours...


Islamophobie




Mélenchon se réclame de la laïcité. Fort
bien. Mais, au nom d'une laïcité mal
digérée, il fait feu de tout bois contre les
jeunes filles voilées. Souvenons-nous :
lorsque le NPA avait présenté Ilham
Moussaïd aux élections municipales
dans le Vaucluse, il avait participé
activement au concert des bienpensants
en déclarant : " cette
candidature n'est franchement pas une
bonne idée et franchement, tout ça est
régressif " Cela lui avait valu une
réponse d'un camarade, réponse que
nous partageons : " Nous avons toi et
moi longtemps appartenu au Parti
socialiste, où il est de bon ton de
stigmatiser les " voilées ". C'est dans
ce parti que j'ai pu observer les
manifestations les plus machistes et
misogynes, sans que cela ne suscite
aucun tollé chez les éléments
masculins : blagues sexistes,
intimidations physiques et, last but not
least, infractions délibérées à la loi sur la parité. C'est drôle, dans ces cas-là,
personne ne s'élève contre la
" domination patriarcale ".
Tu affirmes enfin qu'Ilham Moussaïd
" divise " et qu'il lui faut " tirer les leçons
de l'Histoire de France (...) parce que
nous avons connu trois siècles de
guerre de religion ". Si ce n'est pas un
dérapage de ta part, cela y ressemble
de près.
En quoi le foulard d'Ilham serait-il
comparable à nos guerre de religions, à
la déportation des juifs par la police
française ou encore à la " mission
émancipatrice " laïco-chrétienne en
Algérie ? Il faut garder le sens de la
mesure, Jean-Luc !

La laïcité qui décide comment il faut
s'habiller sur la voie publique, qui prétend
interpréter le sens que l'on donne
à son apparence physique et qui exclut
les têtes (et les voiles !) qui dépassent,
ce n'est pas la laïcité : c'est l'intolérance
et le refus de la différence. Jean-Luc,
laisse cela aux Besson, Hortefeux,
Gérin et Raoult
" On n'a pas entendu
ces dernières semaines, le " troisième
" homme s'en vanter devant les
salariés venus l'écouter.


Le Tibet




Enfin, parce qu'il faut terminer
(provisoirement), soulignons le caractère
très spécial de l'internationalisme de
Mélenchon. N'a-t-il pas repris à son
compte l'historiographie officielle de la
bureaucratie chinoise en déclarant à
propos du Tibet au moment des
massacres : " Parler d'invasion en 1959
pour qualifier un événement à l'intérieur
de la révolution chinoise est aberrant. "
Façon même pas déguisée de ne pas
condamner la répression sanglante au
Tibet. l'a-t-il rappelé dans ses discours
de Paris et de Toulouse où pourtant
certains dirigeants de la Gauche
anticapitaliste du NPA ont participé à la
tribune ? Bien sûr que non.


En guise de conclusion




Mélenchon, ex-trotskyste, ex-gauche du
PS, ex-PS, nouveau chien savant du
stalinisme français nous rappelle
furieusement cette chanson de Jacques
Dutronc : " je ne sais faire qu'un seul
geste, je retourne ma veste "
Derrière le clinquant des mots, des
formules-choc et du lyrisme
grandiloquent se dessine le vrai visage
de Mélenchon qui ne manque pas, à
l'occasion, de rassurer les
" investisseurs " en leur jurant qu'ils
n'ont rien à craindre de lui. Nous le
confirmons. Mélenchon, le rabatteur de
voix pour Hollande, aura bien récité sa
leçon.


Daniel Petri et Pedro Carrasquedo
Modifié le jeudi 19 avril 2012
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