La Maison de l'histoire de France : UN PROJET REACTIONNAIRE SUR TOUTE LA LIGNE

CGT ArchivesPompidou a eu son centre, Mitterrand sa pyramide du Louvre, Chirac son musée du quai Branly. Sarkozy, voulant lui aussi marquer son passage d'une empreinte qu'il croit culturelle, a décidé la création d'une Maison de l'histoire de France.

Ce projet est à l'image de son promoteur : réactionnaire et nocif.



D'abord, le lieu d'implantation : Sarkozy a décidé que ce serait sur le site des Archives nationales, à Paris, dans le Marais. Il fait ainsi main basse sur pas moins de 10 000 m2 pour ses bureaux, les salles d'exposition, l'auditorium, les salles de cinéma, les appartements, le parking de cette future " Maison de l'histoire de France ".

Le tout par conséquent au détriment des Archives nationales, institution créée dans le souffle de la Révolution française et dont il remet ainsi en cause l'existence même.

Ensuite, la Maison de l'histoire de France veut absorber 9 musées nationaux (8 musées à caractère juridique Service à Compétence Nationale (SCN) : Saint-Germain, Cluny, Ecouen, Compiègne, Pau, La Malmaison, les Eyzies, les Plans et reliefs et l'établissement public de Fontainebleau. Un Groupement d'Intérêt Public (GIP) gèrera ces 9 SCN.

Ce faisant, la Maison de l'histoire de France remet en cause brutalement le réseau national des musées de France, leur existence à court terme, leur identité propre et l'avenir de ses personnels.

Enfin, à l'heure où Sarkozy et son gouvernement nous exhortent à faire des économies au prétexte de la crise et nous appellent à nous serrer la ceinture, il investit pas moins de 80 millions d'euros dans son projet pharaonique, pompeux et inutile.

Mais après tout, peut-être que ce projet en vaut la peine, sur un plan intellectuel, culturel et de défense du patrimoine de notre pays ?

Malheureusement non, bien au contraire. l'avant-projet " pour la Maison de l'histoire de France " tel que publié après feu vert du ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a de quoi donner la nausée.

Lors d'une entrevue avec l'intersyndicale du ministère de la Culture le mercredi 21 septembre 2011, Frédéric Mitterrand a déclaré, parlant de cet avant-projet : " J'ai oeuvré à recadrer ce projet malgré ses caractères nauséabonds ".

On constatera donc que M. le ministre reconnaît les " caractères nauséabonds " du document qu'il a, dit-il, recadré.

Le problème est que même recadré par lui, l'ensemble du document reste dans son fond et sa forme réactionnaire et pestilentielle. Soit donc il n'a pas tout vu, soit plus simplement : il est d'accord intellectuellement avec ce document. N'a-t-il pas déclaré, lors de cette entrevue : " Ce projet de Maison de l'histoire de France est un projet du Président de la République que je fais mien.

Jugeons donc sur pièces, étant entendu que tout un chacun n'étant pas obligé de nous croire sur parole peut se référer au texte originel (site internet de l'association de préfiguration de la MHF - http://www.maison-histoire.fr/wp-content/uploads/2011/07/Avant-projet2011_maison-histoire-france_FR.pdf).

On trouve, en page 15, dans le chapitre I intitulé : " Une Maison commune ", la toute première référence à un historien français du 19ème siècle :
" En fréquentant la Maison de l'histoire de France, le visiteur apprendra d'abord que les nations ne viennent pas tout armées du fond des âges, qu'elles ne sont pas des réceptacles clos de traditions et d'identités mais des constructions collectives plus récentes qu'on ne croit, faites d'antagonismes et de pluralités, de brassages et d'assimilations, d'intégrations et de rejets, d'affrontements et d'accommodements constants de l'UN avec l'AUTRE. " Compromis entre des contradictions ", disait Ernest Renan

Ce document commence donc sous l'égide de ce qu'on nous présente comme une autorité intellectuelle : Ernest Renan. Problème dès les premières lignes : Ernest Renan est passé à la postérité comme un historien raciste, colonialiste et précurseur idéologique de Maurras. On se contentera ici de rappeler quelques-unes unes de ses " pensées " :

" La colonisation en grand est une nécessité politique tout à fait de premier ordre. Une nation qui ne colonise pas est irrévocablement vouée au socialisme, à la guerre des riches et des pauvres. La conquête d'un pays de race inférieure par une race supérieure, qui s'y établit pour le gouverner n'a rien de choquant ", ou encore : " La démocratie fait notre faiblesse militaire et politique. Mais aussi : " Un tel morcellement (de la France NDLR) a failli se faire au mois de mars dernier : il se ferait le jour où la France serait mise encore plus bas qu'elle ne l'a été par la guerre de 1870 et par la Commune. Rappelons à ce sujet que cet individu applaudit au massacre des Communards lors de la Semaine sanglante et après, lorsque les Versaillais victorieux crevaient les yeux des insurgés enchaînés avec leurs parapluies. On pourrait continuer ainsi sur des pages et des pages.

Belle référence intellectuelle en vérité et que M. Frédéric Mitterrand s'est bien gardé d'enlever, de " recadrer "...

Galimatias, verbiage, et enfumage



S'ensuivent des considérations incompréhensibles pour le commun des mortels et peut-être aussi pour les rédacteurs eux-mêmes :
" Pourquoi avoir lancé et formuler un tel projet ? Parce qu'une société comme la nôtre connaît un dérangement de la temporalité en ce XXIe siècle de l'espace planétaire rétréci et du temps accéléré, du temps perdu, du manque de temps et du " présentisme " (page 16).

Mais aussi : " Il faut aujourd'hui reprendre et renforcer l'examen des adhérences démultipliées entre le monde de la recherche historique et celui des enseignements " (page 17).

Ou bien alors : " Il s'agit donc de construire celle-ci au croisement du souci social et mémoriel de n'être pas désaccordé et dépossédé du passé, et du libre souci scientifique d'élaborer des savoirs qui aident à lire et à comprendre ce passé " (page 17).

Un dernier pour la route : " Sur le spectre de masse des ses interrogations et de ses propositions, sur les pleins et les déliés qui ont uni et désuni l'histoire, les mémoires, les patrimoines, les cultures, les créations et les groupes sociaux, elle appliquera les outils et le fourniment de l'historien et des spécialistes des autres sciences sociales, aujourd'hui si pleins de promesses " (page 19).

Ce ton prétentieux autant qu'obscur et ridicule dure ainsi sur des pages entières et s'étale en réalité sur la totalité du document.

Espérons pour lui que l'auteur d'un tel remplissage était payé à la ligne, auquel cas on comprend mieux...

On en vient aux axes majeurs qui prétendent articuler la Maison de l'histoire de France.


Une prétendue dimension ethnologique



Loin de nous de mésestimer la dimension ethnologique dans le domaine de l'histoire, bien au contraire. Mais dans le cas concerné, on touche à la trahison de l'ethnologie au nom de l'ethnologie. Ainsi, on trouve, page 22 :
" La Maison de l'histoire de France traitera à la fois de l'histoire de la France et de l'histoire des Français ou de ceux, quel que soit leur nom, qui ont occupé cet espace géopolitique [...] Montrer l'Homme pensant, croyant, travaillant, dans des comportements que s'inscrivent dans une longue durée tout en s'exprimant dans a diversité des régions, des terroirs, des " racines ", des langues, des cultures locales : telle peut être la contribution de l'ethnologie à la Maison. Non seulement le paysan, la paysanne, mais aussi l'artisan, l'ouvrier, l'ouvrière, le soldat, le bourgeois et sa bourgeoise, les professions disparues, menacées ou prospères, y auront leur place : l'ethnologie sera, avec l'archéologie, une partenaire naturelle de la Maison.

La lutte de classes sous le regard ethnologique, au même titre que l'homme préhistorique. Et que dire du " le bourgeois et sa bourgeoise " ! On croit rêver. 80 millions d'euros dépensés, les Archives nationales dépecées, tout ça pour ça ?


Un clin d'oeil racoleur à l'écologie



On trouve, page 23, les passages suivants :
" l'évocation des catastrophes naturelles, de l'événement calamiteux, soit brusque soit régulier (les crues centennales, les éruptions volcaniques, les inondations, les séismes), serait ensuite à privilégier pour montrer la dimension écologique de l'histoire. Car si la catastrophe naturelle ponctue l'histoire, l'écosystème réfère toujours à un système social. l'histoire de cette interaction est très récente, mais elle permet de mieux comprendre comment et pourquoi le fonctionnement d'une société passe par une confrontation permanente avec la nature. "

Diantre, quelle radicalité. La Maison de l'histoire de France va-t-elle faire des expositions sur l'actuel pillage des ressources naturelles, leur épuisement, les dangers immédiats et quotidien du nucléaire, la mise à mal de la planète par le mode de production actuel ? Que non. Il est question de nous parler du Moyen-âge :
" Devant la nature, dont il est très proche car il vit principalement dans les campagnes, l'homme médiéval est certes un homme fragile. " (page 24).

Cette période historique à l'avantage d'évacuer les sujets qui fâchent. Tous ceux qui comme nous, sont attachés à l'écologie, la vraie, apprécieront cette montagne d'hypocrisie.

Le bon temps des colonies



Au prétexte de nous parler de la place des religions dans l'histoire, on trouve des affirmations que l'on croyait révolues. Ainsi en est-il de la question des colonies et en particulier de l'Algérie :
" Une des conséquences, très apparente aujourd'hui, de ce face à face exclusif et jaloux entre des confessions, des Eglises et un Etat est la difficulté constante en France à envisager le pluralisme des croyances et des incroyances. On rappellera pourtant qu'au temps des colonies, la France gouvernait des mondes religieusement pluriels et que trois départements, en Algérie, étaient musulmans en majorité. l'étude des monuments et des oeuvres, textes ou oeuvres d'art, sera évidemment l'entrée pédagogiquement la plus féconde de ces questions " (page 25.

l'Algérie française, un temps idyllique où les musulmans pouvaient exercer leur religion majoritaire... Cette évocation nostalgique se garde bien de rappeler que cette belle " tolérance " religieuse s'accompagnait pour les Algériens du " statut d'indigénat " qui faisait des musulmans des sous-hommes et des sous-femmes qui n'ont jamais eu droit, faut-il le rappeler, entre autre à la nationalité française dans ces " trois départements français. " Oubli bien dommageable.

La thèse des bienfaits de la colonisation transpire dans ce document. Ne trouve-t-on pas d'ailleurs, un peu plus loin, page 27, l'appréciation suivante :
" Car l'histoire de la " France coloniale " fut, sous couvert du jeu de l'universel et du particulier, autant celle de l'exploitation de l'homme par l'homme que celle de son émancipation.

Le côté " émancipation " par les massacres de Sétif et Guelma en 1945, la torture en Algérie ou en Cochinchine, la mitraille contre le peuple malgache, l'esclavage, ce côté émancipateur de la colonisation nous a échappé. Qu'on veuille nous en excuser. Nous avons mal lu Ernest Renan.

La symbolique nationale



La Maison de l'histoire de France s'attachera aussi à renforcer la " symbolique nationale " : drapeau, Marseillaise, commémorations diverses, dont le 14 juillet.

" La Maison de l'histoire de France pourrait être par excellence le lieu d'une récapitulation pédagogique et d'une analyse critique de ces instruments de cohésion nationale, mais aussi celui d'une réflexion sur les voies et les moyens d'un ré-enracinement de certains d'entre eux " (page 25.

Et tout ça, ça fait d'excellents français, comme dit la chanson. La Maison de l'histoire de France sera ainsi au diapason de la récente proposition de l'UMP visant à contraindre les candidats à la naturalisation à prêter serment de prendre les armes en cas de conflit avec nos voisins.

La Maison de l'histoire de France, pourvoyeuse de sujets pour le BAC

Ce pré-rapport pour la Maison de l'histoire de France aborde aussi le thèmes de " l'homme et la violence guerrière. On y lit :
" (...) Comment raconter la guerre sans se limiter au simple récit ou le transformer en épopée ? Y-a-t-il des guerres justes ? "

Quelle profondeur ! Digne d'un sujet pour le baccalauréat cru 2012. A ce train là, on peut suggérer, dans la lignée : l'argent fait-il le bonheur ? Vaut-il mieux une tête bien faite qu'une tête bien pleine ? Faut-il se méfier de l'eau qui dort ?

Maison de l'histoire de France : du personnel statutaire, ou sous contrat,ou volontaire...



Dans le chapitre " des conditions de l'accueil ", il est abordé la question du personnel d'accueil à la Maison de l'histoire de France. Il y est écrit, entre autre :
" Plus encore que dans un musée de beaux-arts, où la qualité esthétique de l'objet peut dans une certaine mesure suppléer à la mise en contexte, les aides à l'interprétation sont indispensables dans une maison d'histoire. Celles-ci devront faire l'objet d'études approfondies et d'un recrutement de personnels statutaires, sous contrat ou volontaires bien armés à la fois en histoire et patrimoine et en médiation culturelle. C'est ainsi, par exemple, qu'à côté des guides conférenciers de la Réunion des Musées nationaux, la présence d'étudiants en histoire et sciences sociales, en histoire de l'art ou en patrimoine, celles de représentants d'associations pourraient illustrer une forme convaincante de transmissions des savoirs par médiation conversationnelle " (page 33).

On touche là le fond de l'infamie. Jusqu'ici, il y avait matière à moquerie, cet avant-projet étant, sur le plan idéologique, comme on vient de le voir d'une indigence rare. Mais, là, on touche à l'os du problème. La Maison de l'histoire de France, rappelons-le, a la prétention de s'accaparer 10 000 m2 des Archives nationales, au minimum et de mettre la main, par le biais d'un GIP sur les 9 musées nationaux, leur identité et leurs personnels.

On nous parle des conditions de l'accueil. On pouvait donc s'attendre à un chiffrage de personnel à recruter pour faire marcher cette " maison. Combien d'agents techniques d'accueil de surveillance et de magasinage, combien de conservateurs, de personnels techniques et de documentation ? Rien, pas un chiffre rien. En revanche on trouve la proposition de " recrutement de personnels statutaires " (Quel type de statut ? De la Fonction publique de l'Etat, de droit privé ?), de personnel " sous contrat " (Quel type de contrat ? Silence.

Et puis on trouve cette curieuse proposition de recrutement de " volontaires " en particulier parmi les étudiants. Rappelons qu'il existe actuellement des guides conférenciers de la Réunion des musées nationaux. Il est clair que sans l'avouer ce projet entend bien remplacer ces guides conférenciers mais aussi les ATSM par des " volontaires " !

Ca coûte moins cher, assurément.

De même rappelons que la filière ASM du ministère de la Culture est parfaitement habilitée de par son statut à accueillir le public y compris à faire les visites guidées (cf le Musée national du Château de Pau où, sur la base du volontariat, les agents ASM font des visites guidées.

En réalité il apparaît clairement que les promoteurs de la Maison de l'histoire de France n'ont pas l'intention d'ouvrir grandes les portes de concours statutaires d'ASM, de conservateurs, de documentation...

Ils vont, suivant en cela l'air du temps, recruter du personnel précaire (" sous contrat ", CDD, contractuels...) et des " volontaires " (Payés ? Si tel est le cas à quel taux horaire ? Défrayés, non payés ?).

La Maison de l'histoire de France a pour objectif à peine voilé de satisfaire l'égo d'un seul homme, non de donner du travail statutaire aux chômeurs, aux jeunes diplômés.

Cela aussi fait partie des aspects nauséabonds que Frédéric Mitterrand n'a pas " recadrés.
A juste titre Laurent Gervereau, président du réseau des Musées d'Europe, a mis le doigt sur le problème : " Henri Guaino - conseiller de Nicolas Sarkozy - veut un musée pour faire cocorico. "

Pour toutes ces raisons les citoyens de ce pays doivent affirmer avec nous : abandon du projet de Maison de l'histoire de France !


Messieurs Sarkozy et Guaino ne touchez pas aux Archives nationales !


Paris, le 26 septembre 2011
Modifié le mardi 18 octobre 2011
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