Faux débat et grande arnaque

Education nationaleFerry a appelé les enseignants à un "grand débat national sur l'école", pipé d'avance puisque les conclusions étaient déjà connues : décentralisation accélérée, non-remplacement des départs à la retraite, précarité accrue. Les directions syndicales enseignantes, en particulier la FSU, auraient dû prendre la responsabilité d'appeler au refus de participer à cette mascarade. Elles ne l'ont pas fait, laissant les enseignants, établissement par établissement, seuls face à cette offensive planifiée.En novembre, tous les établissements scolaires ont reçu en nombre important un petit dossier de huit pages intitulé " Ouvrir le débat national sur l'avenir de l'école - l'école, 60 millions d'avis à partager " ; des milliers de réunions publiques programmées d'ici février 2004, un site internet ouvert jusqu'en septembre 2004 et 22 sujets proposés avec des fiches de présentation détaillée. De ces réunions sortiront des synthèses, puis une synthèse générale établie par la Commission du débat national sur l'avenir de l'école qui devra déboucher sur une nouvelle loi d'orientation succédant à celle de 1989. Et mi-novembre, Chirac déclarait en personne que le chantier de l'école sera le plus important des réformes de l'Etat !

Un débat très orienté

En mai-juin, le gouvernement a fait la sourde oreille aux revendications des personnels de l'Education nationale et là, soudainement, il veut apparaître très ouvert à la discussion en consultant l'ensemble de la population ! Monstrueuse farce où l'on sait que tout (ou presque tout) est joué d'avance. Le projet de loi est quasiment ficelé, et en novembre, alors que le Sénat débattait sur le transfert des 90 000 personnels TOS (entretien, cuisine, accueil) aux collectivités territoriales, cinq groupes de travail (avec les organisations syndicales) organisés par le ministère se penchaient sur la réécriture des statuts nationaux.
S'agissant des questions posées et de leurs fiches de présentation, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles sont très orientées et un certain nombre de réponses sont ouvertement suggérées. Prenons quelques exemples. Question 2 : Quelles doivent être les missions de l'école à l'heure de l'Europe et pour les décennies à venir ? Quand on sait que la Constitution européenne programme la disparition des services publics et que de plus elle n'est absolument pas fondée sur le principe de laïcité, il y a de quoi s'inquiéter... Question 7 : Comment améliorer la reconnaissance et l'organisation de la voie professionnelle ? Il est clairement sous-entendu que la collaboration doit être encore plus étroite entre le monde de l'entreprise et l'école, avec des orientations en fonction des besoins locaux du marché économique. Question 8 : Comment motiver et faire travailler efficacement les élèves ? On se croirait dans une entreprise avant tout demandeuse de résultats, donc de rentabilité ! Question 18 : Comment, en matière d'éducation, définir et répartir les rôles et les responsabilités respectifs de l'Etat et des collectivités territoriales ? C'est clair ! La décentralisation, déjà en marche, est l'objectif majeur du gouvernement, donc la disparition progressive d'une véritable Education nationale. Question 19 : Faut-il donner davantage d'autonomie aux établissements et accompagner celle-ci d'une évaluation ? Une telle autonomie participe bien sûr à la destruction de l'Education nationale, ouvrant la porte à la privatisation avec sa logique de rentabilité. Question 22 : Comment former, recruter, évaluer les enseignants et mieux organiser leur carrière ? Il est déjà question au ministère de salaire " au mérite ", de bivalence, et le budget 2004 supprime de nombreux postes aux concours nationaux de recrutement alors même que les départs en retraite vont s'accélérer, sans parler de la précarité, en forte hausse ces toutes dernières années (contractuels et vacataires).

La fin programmée de l'Education nationale

Sur la stratégie de réforme du ministère, Luc Ferry et Xavier Darcos ont fait des déclarations début novembre devant la Commission des Finances de l'Assemblée nationale dont voici des extraits : " La perspective principale qui motive ce ministère est de poursuivre la décentralisation et la déconcentration. Concernant les établissements secondaires et universitaires, l'objectif reste un développement de leur autonomie. Ainsi, le recrutement des assistants d'éducation est-il prévu au niveau local. D'autres champs d'économie sont possibles dans l'éducation. Certains passent par la redéfinition des services par développement de la bivalence, l'annualisation des services (...) " (Luc Ferry). " Parvenir à une autonomie des établissements scolaires est effectivement la principale clé de la réforme, confier le recrutement des assistants d'éducation aux chefs d'établissement à constitué un réel progrès, la globalisation des crédits accroîtra leur marge de manoeuvre et rapprochera le mode de décision dans les établissements publics de celui qui est mis en oeuvre dans les établissements privés " (Xavier Darcos). Dans le rapport " Eléments pour un diagnostic sur l'école ", il est ouvertement question de l'" entreprise Ecole ". Donc, derrière l'apparente " transparence " des débats et le souci hypocrite de consulter " la base ", il s'agit bien de détruire l'Education nationale et les statuts des personnels. Une démagogie bien à la hauteur des ambitions de ce gouvernement Il est également question de " diagnostic partagé ", étape obligatoire permettant au gouvernement d'impliquer les syndicats dans la mise en oeuvre de sa réforme. Car le gouvernement a encore besoin de l'appui des syndicats pour faire passer ses réformes comme on a pu une nouvelle fois le constater concernant celle des retraites !

Le débat est "bidon", mais allons-y pour nous faire entendre

Au lycée Maurice-Genevoix à Montrouge (Hauts-de-Seine), la majorité des personnels ex-grévistes a manifesté sa volonté de participer à ce " débat " organisé sur deux demi-journées (9 et 13 décembre), non obligatoire pour les enseignants mais entraînant la suspension des cours pour les élèves ! Il y a eu unanimité pour penser que ce pseudo-débat était très orienté, qu'un ministre n'ayant pas répondu aux revendications de mai-juin ne pouvait pas brusquement prendre en compte les réels problèmes de l'école. En même temps, les collègues ne voulaient pas faire la politique de la chaise vide, mais au contraire se saisir de ces demi-journées comme tribune pour mettre en avant leurs vraies préoccupations et revendications. C'est un inspecteur d'anglais qui a été chargé par le proviseur d'animer le débat, où ont été invités, outre les personnels du lycée, les élèves, leurs parents, des représentants municipaux, associatifs... Quatre questions (sur les 22 proposées !) préalablement choisies par le Conseil d'administration ont été mises à l'ordre du jour, d'où devront ressortir trois propositions (ridicule !). l'inspec­teur a ouvert le débat en citant un certain nombre de chiffres et de statistiques, utilisé des termes donnant l'impression que l'école serait une énorme machine de production pas toujours adaptée aux besoins de l'économie actuelle...! Les réactions n'ont pas manqué pour dénoncer une telle vision des choses. Par ailleurs, ce débat n'a pas attiré les foules. Très peu de parents en particulier se sont déplacés.
Il est évident que face aux attaques sans précédent qui se préparent contre l'école, les personnels de l'Education nationale, avec le soutien des parents et des élèves, ont de beaux jours de lutte devant eux. Ils doivent plus que jamais, avec leurs organisations syndicales, clamer haut et fort leur attachement à une véritable Education nationale porteuse de valeurs telles que l'égalité face au savoir, la laïcité, la charge de transmettre aux enfants des connaissances, de les faire réfléchir de manière critique... Le but premier de l'école n'est sûrement pas de former des salariés dociles, prêts à l'emploi dans un monde du travail dominé par la logique infernale du profit et de la concurrence !
Modifié le lundi 20 juin 2005
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