Unité contre toute réforme des retraites

Ni celle-ci | Dossier : loi sur les retraites

Le rapport Moreau sur les retraites a donc été rendu public. Il augure, sans surprise, d'une réforme des retraites pire encore que celle de 2010. Ce rapport a été sur la table de la " Conférence sociale " des 21 et 22 juin. Dans son dernier communiqué à la veille de cette Conférence, la direction centrale de la CGT a considéré " qu'il faut engager la discussion sur d'autres bases " (que celles du rapport Moreau NDLR) Dès lors, pourquoi les représentants de la CGT ont-ils néanmoins accepté de participer à cette  fausse négociation ?

Les dirigeants de la CGT entendaient, avaient-ils dit, porter à cette conférence " des propositions alternatives ". Et, comme en 2010, ils montent au créneau pour " une autre réforme " du système des retraites par répartition, par " l'élargissement de l'assiette des revenus " et par " la mise à contribution des revenus financiers ". Ainsi le 10 juin, sur RTL, Eric Aubin, le dirigeant CGT " chargé des retraites ", remet le couvert (comme en 2010) : " il faut une vraie réforme du financement des retraites " Fausse piste !

Tout d'abord, il est incompréhensible que les directions confédérales CGT et FO s'humilient en acceptant de passer sous les fourches caudines d'une conférence sociale qui est une fausse négociation sur la base de " rapports " tournés contre l'ensemble des salariés. Est-ce pour ne pas laisser la direction CFDT, acquise d'avance à la remise en cause du système par répartition, seule avec l'Etat et le Medef ? Mais, que se serait-il donc passé en 1995, si FO et CGT n'avaient pas laissé la direction CFDT sur le trottoir lorsque la grève a été menée pour le RETRAIT du Plan Juppé ? La CFDT soutenait Juppé et son plan destiné, entre autres, à liquider les régimes spéciaux, dont le maintien par la grève a servi -au moins jusqu'en 2003- de bouclier social au régime général et au régime des fonctionnaires.
A l'inverse, quand en 2003, la direction CGT a rejeté le mot d'ordre de retrait du projet Fillon alignant la durée de cotisation des fonctionnaires sur le privé et qu'elle a tenté en permanence un " syndicalisme rassemblé " avec les dirigeants CFDT, le combat a été perdu. Idem en 2007, pour les régimes spéciaux. Idem en 2010, pour la réforme Fillon du régime général. Il ne doit pas en être de même en 2013 !

" l'autre réforme " une " bonne réforme " ? Non : une vulgaire manoeuvre de division-diversion !

Il n'y a donc pas photo : rejeter le mot d'ordre de " retrait " pour lui substituer celui d'une " autre réforme ", d'une  " bonne réforme " n'est pas un jeu d'écriture ou un changement de slogan publicitaire d'une marque de lessive. Cela n'a rien d'anodin. C'est la manière, déjà employée à plusieurs reprises à l'occasion de chaque attaque contre les retraites menée par les gouvernements qui se sont succédé, de gauche comme de droite, pour diviser les salariés et ne pas mettre au centre le seul mot d'ordre unitaire et efficace de " retrait " C'est, si on accepte de suivre un instant le raisonnement de nos dirigeants confédéraux de la CGT (mais aussi de la FSU, mais aussi de FO) mettre la charrue avant les boeufs : comment pourrait-il y avoir " une autre réforme " si celle-là n'est pas combattue, et les précédentes abolies ? En second lieu, c'est absurde : si nous pensons que le système des retraites par répartition solidaire est une conquête des salariés, une position acquise par les travailleurs dans cette société, pourquoi devrions-nous proposer qu'il soit " réformé " ? C'est, en creux, reconnaître qu'il y aurait un déficit alors que nous savons tous, dirigeants syndicaux en tête, qu'il est artificiellement entretenu (exonérations, blocage des salaires, chômage etc.)
En troisième lieu, vient la question de fond : en quoi consiste cette " autre réforme " ? C'est bien là que le bât blesse.

" Il y a besoin d'une réforme des retraites parce que nous ne nions pas qu'il y a 21 milliards de déficit qui se profilent à l'horizon 2017/2020 et donc la réforme qu'il nous faut mettre en oeuvre nous semble-t-il, est une réforme du financement " assène Eric Aubin. A son tour donc, comme s'il devait y avoir un consensus rampant sur ce " diagnostic ", ce dirigeant de la CGT agite le spectre du déficit.

Un faux déficit

Attardons-nous quelque peu sur ce point. Selon la Fédération FILPAC - CGT ( Fédération CGT des travailleurs des industries du livre, du papier et de la communication)

" Le patronat cotise à son corps défendant au système de Sécurité sociale, concourant malgré lui à verser un salaire social à tous les affiliés à la Sécu. Mais : Dès 1979, le patronat bénéficie du gel des cotisations " vieillesse " ; En 1984, c'est la cotisation patronale santé qui est bloquée ; En 1993, au tour de la cotisation patronale chômage ; Au milieu des années 1990, c'est la cotisation pour les salaires qui se fige ; En 2001, la cotisation patronale pour les retraites Agirc et Arrco est à son tour gelée. " " Le patronat a réussi à obtenir des exonérations de cotisations sociales, passant d'un montant de 1,9 milliard en 1992 à 30,7 milliards en 2008 (PLFSS 2013, annexe 5). Et cela sans compter les exonérations non avouées, qui ne figurent même pas au Projet de loi, car elles sont réputées intouchables. C'est l'impôt, donc le contribuable, qui paie en lieu et place du patronat. La dégradation des prestations entraîne de fait une baisse du salaire dudit contribuable. Ce transfert sans précédent des cotisations patronales vers les salariés a fait basculer, depuis 1982, 1100 milliards d'euros de salaire brut et 400 milliards de cotisations patronales des salaires vers les profits. Ces 1500 milliards n'ont pas été investis, ils ont nourri les dividendes actionnaires, l'épargne et les spéculations financières des employeurs. "http://www.filpac-cgt.fr//files/documents/7_Jours_14.pdf

Avant toute chose, il est essentiel de rappeler que la cotisation patronale est une partie du salaire nominatif de chaque salarié. Les " charges " patronales, en dehors des taxes et impôts prélevés sur l'excédent brut d'exploitation (c'est-à-dire : les profits) n'existent pas. Les " charges " sur les salaires sont une fiction. Autre fiction : le déficit.
Un déficit de 21 milliards en 2017-2020 alors que le montant des exonérations de cotisations patronales excède les 30 milliards ?
Ces 30 milliards d'exonérations (pour la seule année 2010) frappent l'ensemble des branches de la sécurité sociale. Mais, rien que pour la branche " retraites ", ces exonérations représentent un manque à gagner de 10 milliards, selon les estimations de la CGT (voir plus loin).
S'y ajoute un manque à gagner de 6 milliards imputable au travail non déclaré, un manque à gagner de 4 milliards induit par l'inégalité des salaires entre les femmes (sous-payées, à qualification égale) et les hommes.
Ce qui constitue un manque à gagner de 20 milliards au total, par rapport à un prétendu " déficit " estimé à 21 milliards ... Dans quatre ans.

Par de simples mesures d'ordre immédiates (égalité des salaires hommes-femmes, lutte contre le travail non déclaré, arrêt des exonérations de cotisations sociales = 20 milliards), l'hypothétique déficit de " 21 milliards à l'horizon 2017-2020 " serait ramené à 1 milliard. Or, toujours selon la CGT, une augmentation de 1% des salaires (ce qui est loin du compte, donc) apporterait précisément 1 milliard à la Branche Retraite. Voilà comment il est possible de faire litière immédiatement d'un " déficit annoncé "

" Le bon système, c'est la répartition "

D'ailleurs, pour tout dire, dans le système des retraites par répartition, il ne peut y avoir véritablement de déficit car les caisses sont alimentées en permanence. Mais comme le souligne le rapport Moreau :

" En 2011, la France a consacré 483 milliards d'euros aux prestations de sécurité sociale, soit près d'un quart de la richesse nationale (PIB). Les pensions de retraite constituent la première de ces dépenses. Versées à 16,4 millions de retraités, les pensions de retraite se sont élevées, en 2011, à 271 milliards d'euros (13,6 % du PIB), dont les trois quarts versés par les régimes de base et le quart restant par les régimes complémentaires ".
Ces centaines de milliards d'euros sont une composante de la masse salariale nationale. Ces centaines de milliards d'euros échappent aux circuits financiers, ils échappent tout autant à " l'excédent brut d'exploitation " des entreprises, c'est-à-dire ... aux profits capitalistes.
Et, comme le soulignent les responsables de la CGT dans un article intitulé " le bon système, c'est la répartition " :

" [Le système de retraite par répartition] financé par des cotisations sur salaires, il repose sur la masse salariale nationale, soit 60 % du produit intérieur brut, c'est-à-dire 60 % de la richesse créée par le travail. Pour qu'un système de retraite par répartition fasse faillite, il faudrait donc qu'il n'y ait plus de salaire versé, c'est-à-dire plus aucune production de travail et donc de richesse... Le cas ne s'est jamais vu. A contrario, nombreux sont les fonds de pension qui ont fait faillite ! " http://www.cgt.fr/spip.php?page=article_dossier2&id_article=40206

Voilà pourquoi, nous tenons à ce système comme la prunelle de nos yeux, lequel système ne saurait être gangrené par l'injection en son sein " d'autres modes de financement " qui agiraient sur lui comme un dangereux virus portant en lui la fiscalisation des retraites (voir plus loin)

C'est ce système que nous voulons défendre et restaurer pleinement. Les dirigeants de la CGT n'affirment-ils pas eux même que " le bon système, c'est la répartition ". Alors, si c'est le " bon système ", pourquoi devrait-on en réclamer " la réforme " ?

Nous ne voulons pas d'un système hybride qui ne serait pas assis exclusivement sur les cotisations sociales, c'est-à-dire sur notre salaire différé. (On dit aussi " socialisé ")

l'exigence, vitale, du " retrait "

Evoquer ces problèmes qui, demain, sillonneront les assemblées générales, les grèves et les manifestations, ne relève pas de la " dénonciation incantatoire des directions syndicales " pas plus que cette discussion ne procède de " suppliques " à leur endroit. Exiger que ces directions confédérales prennent fait et cause pour le " retrait " et rompent avec les fausses négociations, c'est se situer de plain-pied sur le terrain de la lutte des classes, du " rapport de force " et de la grève générale pour faire céder le gouvernement et le MEDEF sur cette réforme. Ne pas le faire au nom d'une " unité " qui serait une " unité " factice d'appareils formant un noeud coulant entravant la mobilisation unie des travailleurs et des organisations, placerait les anticapitalistes à la remorque des appareils et les isolerait de la masse des salariés. Ne pas le faire au nom d'une " convergence des luttes " par le bas n'aboutirait pas à un meilleur résultat. Cette " convergence des luttes " se heurte déjà à la politique actuelle des directions syndicales. Elle ne bute pas sur un problème " technique " ou de " synchronisation ", elle bute sur le problème politique, au sens large du terme, que pose " l'autre réforme " suggérée par Lepaon, dans le sillage de son prédécesseur, Thibault.

Ainsi, lorsque nous exigeons des directions syndicales qu'elles rompent avec les fausses négociations, parties prenante de la réforme des retraites et que nous exigeons d'elles qu'elles prennent fait et cause pour le retrait de la réforme en cours, nous nous tournons vers l'ensemble des salariés pour leur apporter notre première réponse à leur préoccupation immédiate qui est :  comment faire pour empêcher cette réforme et sauvegarder la retraite par répartition ? Pendant que d'autres, très " gauches " sans doute , les enjoindront à " lutter " sans aucune visibilité, en faisant fi des enseignements contradictoires des grèves de 1995, 2003, et 2010.

Comme toujours, pour nous, l'agitation ne consiste pas en un  monologue criard mais en un dialogue avec les masses (" l'agitation - écrivait Léon Trotsky en 1935 à propos de la France - n'est pas seulement le moyen de communiquer à la masse tels ou tels mots d'ordre, d'appeler les masses à l'action, etc. l'agitation est aussi pour le parti un moyen de prêter l'oreille à la masse, de sonder son état d'esprit et ses pensées et, selon les résultats, de prendre telle ou telle décision pratique. C'est seulement les staliniens qui ont transformé l'agitation en un monologue criard : pour les marxistes, pour les léninistes, l'agitation est toujours un dialogue avec la masse. Mais pour que ce dialogue donne les résultats nécessaires, le parti doit apprécier correctement la situation générale dans le pays et tracer la voie générale de la lutte prochaine. A l'aide de l'agitation et du sondage de la masse, le parti doit apporter dans sa conception les corrections et les précisions nécessaires, en particulier dans tout ce qui concerne le rythme du mouvement et les dates des grandes actions. " http://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf33.htm

La taxation des revenus financiers, pour quoi faire, au juste ?

Mais poursuivons et insistons. Ainsi, le 6 juin, nous pouvions lire sur le site de la CGT, les propositions de financement des retraites suivant :

" Toutes les propositions de la CGT ont pour effet de générer des emplois et donc des cotisations. 

  • Suppression des exonérations et instauration de la double modulation des cotisations dites "patronales" (≃10 Mds).
  • Élargissement de l'assiette de cotisations à l'épargne salariale (intéressement, participation...) et aux primes pour les fonctionnaires (≃10 Mds).
  • Mise à contribution des revenus financiers des entreprises (≃20 Mds).
  • Augmentation en tant que de besoin des cotisations (en priorité les cotisations dites "patronales" http://www.cgt.fr/Un-rapport-ouvert-aux-idees-du.html


Publié le jeudi 6 juin 2013 RÉFORME DES RETRAITES Un rapport ouvert aux idées du Medef
La taxation des revenus financiers pour " contribuer au financement des retraites ", exigence commune de la direction CGT et du Front de gauche, est un serpent de mer qui rampe depuis plusieurs décennies. Cette proposition peut paraître séduisante à première vue, puisqu'elle contient l'idée de " taxer les spéculateurs ". On en aurait certes bien besoin pour contribuer, dans l'urgence , au financement de la construction de logements sociaux, d'équipements collectifs, comme première mesure en vue d'en finir avec la spéculation financière. Mais, si on table là-dessus pour un financement sur des décennies du système de retraite, cela signifie que l'on s'accommode des milliards d'euros issus de spéculation financière (inhérente, il est vrai, à la survie du capitalisme), de " l'argent qui fait de l'argent " sans passer par la sphère de la production de marchandises. Là n'est pourtant pas encore le fond de l'affaire, si nous avons en vue les retraites et la sécurité sociale dans son ensemble.

Le FN aussi...

Si, pour l'instant, le gouvernement et le MEDEF font la sourde oreille à cette proposition de " mise à contribution des revenus financiers ", d'autres rapaces y prêtent une oreille complaisante à commencer par le FN dont voici la position :

Garantir le financement des retraites sans en faire peser la charge sur les seuls salariés
Les déséquilibres actuels des régimes de retraite doivent être combattus autrement qu'en demandant plus d'efforts aux salariés. Il faut en premier lieu élargir l'assiette du financement des retraites. l'assiette actuelle (les revenus du travail) est trop étroite et pèse sur notre compétitivité. Il convient donc d'élargir cette assiette aux revenus du capital pour financer notamment l'ensemble des prestations qui relèvent du principe de solidarité nationale et non du principe d'assurance : minimum vieillesse, bonifications pour enfants, cotisations du salaire parental, etc. Le déséquilibre du système de retraites est en outre lié à un déséquilibre démographique provisoire. Dans cette situation exceptionnelle, l'affectation à la branche vieillesse d'une fraction du produit des droits de douane sociaux et environnementaux qui seraient mis en place, permettrait de retrouver l'équilibre. Dans l'immédiat, on équilibrera ainsi les comptes de la branche vieillesse du régime général par les recettes des droits de douane. Par ailleurs, les étrangers installés en France ne doivent plus bénéficier indûment de notre solidarité : il faut donc supprimer le droit au minimum vieillesse pour les étrangers n'ayant pas travaillé et cotisé en France pendant au moins dix ans et pour ceux résidant à l'étranger. 
"
http://www.frontnational.com/le-projet-de-marine-le-pen/redressement-economique-et-social/retraites-et-dependance/
Ces gens-là ont bien compris que la mise à contribution des revenus financiers serait propice à la baisse de la part " patronale " des cotisations. " l'assiette actuelle ...pèse sur notre compétitivité " écrivent des " sages " du FN qui, comme toujours, en profitent pour s'en prendre aux étrangers. Quels sont les intérêts que défend ainsi le FN sinon ceux, exclusivement, du Capital ? En outre, les dirigeants tant de la CGT que du FdG n'ont de cesse de proposer la " double modulation des cotisations patronales ", une sorte de " bonus-malus " allégeant les cotisations pour les entreprises qui créent des emplois, les " créations d'emplois " ayant toujours servi d'alibi aux exonérations de " charges " pour les entreprises.

Une perspective pour le moins paradoxale "


En clair, il apparaît que les chefs de la CGT (et du FdG) sont d'accord avec le gouvernement, le patronat et les dirigeants CFDT sur un point : " trouver d'autres sources de financement ". C'était déjà le cas en 2010 au moment des grèves contre la réforme Fillon. A ce moment-là, notre mensuel Tout est à nous (octobre 2010) avait rendu justice de ce vrai-faux débat. Nous en livrons cet extrait :

" Le débat avec les défenseurs de la " taxation des profits " ne porte pas sur la nécessité ou non de " prendre sur les profits " mais sur comment le faire. Pour nous, Ia meilleure manière de prendre sur les profits, c'est de modifier à Ia source la répartition de la richesse entre salaires et cotisations sociales d'une part, profits de l'autre.
S'orienter vers une [taxation des profits] c'est prendre son parti de la répartition actuelle entre salaire (direct et socialisé) et profit, pour ensuite tenter de la compenser par d'autres moyens. 0r la taxation des profits présente par rapport à la cotisation sociale un gros inconvénient.
Elle fait dépendre la bonne santé financière de la protection sociale... de la bonne santé des profits. Dans cette logique, pour assurer l'avenir des retraites, la part des profits devrait être la plus élevée possible. Une perspective pour le moins paradoxale ! "
Article extrait de " Tout est à nous " mensuel ", octobre 2010, n° 14- reproduit dans " La Commune " n°84. Nov-Dec 2010
/spip.php?article705

Et, d'ailleurs, encore une fois, pourquoi, diable, faudrait-il " trouver d'autres sources de financement " ? Les dirigeants de la CGT proposent " Augmentation en tant que de besoin des cotisations (en priorité les cotisations dites " patronales ")". La formule " en tant que de besoin " n'est pas une clause de style. En cas de besoin, nous dit-on, il faudrait augmenter la part patronale, puis, si cela ne suffit pas la part salariale. Augmenter la part salariale ? Cela ne signifie pas autre chose qu'une baisse du salaire net des travailleurs, laquelle est une proposition contre-nature de la part de syndicalistes ! Mais, à les en croire, cette seule proposition ne suffira pas et il faut donc mettre à contribution les revenus financiers pour financer les retraites.

Un million d'emplois en plus = 5 milliards de plus dans les caisses des retraites...


Or, un simple examen des argumentaires de la CGT démontre que le financement des retraites assis sur les salaires garantit très largement leur sauvegarde : " Le financement des retraites, et de la protection sociale en général, est très dépendant du niveau de l'emploi. Un million d'emplois en plus c'est cinq milliards d'euros de rentrées de cotisations supplémentaires pour les retraites ". http://www.cgt.fr/spip.php?page=article_dossier2&id_article=39996

Mais, Eric Aubin, continue à affirmer dans la revue " regards " : " Nous pensons que continuer à asseoir le financement des retraites sur la seule masse salariale est contre-productif. " http://www.regards.fr/web/Eric-Aubin-CGT-La-retraite-pose-la,6658 Dans le même temps, Thierry Lepaon réaffirme :
" 1% d'augmentation des salaires = + 2,5 milliards d'euros
Égalité salariale femmes/hommes = + 4 milliards d'euros
10  000 emplois crées = + 1,3 milliards d'euros
Lutte contre le travail illégal = +6 milliards d'euros " http://www.cgt.fr/Face-aux-urgences-socialesRompre.html

41 milliards d'euros d'exonérations patronales non compensés par l'Etat !



Ajoutons-y la masse colossale des exonérations des cotisations sociales dont les patrons ont bénéficié et l'on voit que les prétendus 20 milliards de trou des retraites à l'horizon de 2020 sont une invention pour démanteler la sécu et sa branche vieillesse. Extraits d'un tract CGT du centre hospitalier spécialisé Le Vinatier, à Bron, près de Lyon (voir l'intégralité en annexe)
Depuis 1992 les patrons ont bénéficié de plus de 316 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales (30 milliards en 2010). Sur ce montant d'exonérations les gouvernements ont pris en charge, à la place des patrons, 275 milliards. C'est qui les assistés ?
C'est une somme énorme que l'état doit emprunter sur les marchés financiers et qui, au fil des années s'est gonflée d'intérêts. (En gros on emprunte aux banques l'argent pour payer les exonérations dont bénéficient les ces mêmes groupes internationaux, car ce sont les mêmes qui profitent des exonérations et qui bénéficient en plus des intérêts des emprunts faits par l'état).
Elle est pas belle la vie ?
Et on veut faire croire que c'est nous les profiteurs ? Les étrangers, les sans-papiers, les malades ? De qui se moque-t-on ?
Dans ce graphique nous voyons aussi que 41 milliards d'exonérations n'ont pas du tout été compensés, c'est une perte sèche pour la Sécu. Il est où le déficit de la Sécu ? Dans les poches des banquiers et de leurs copains, de tous les coquins du gouvernement.
Oui la dette c'est celle des patrons. En France, comme partout, les capitalistes en font leurs choux gras et se gavent. Ils se gavent sur le dos des populations.
C'est aux patrons de payer, de rembourser. Ce n'est pas aux salariés, à leurs familles de payer les conséquences de la dette.

C'est sur cette base que nous devons combattre avec acharnement. La lutte de classe et de masse c'est ni plus ni moins que cela. " 

Ils ont raison, mille fois raison !

Salaire différé ou fiscalisation, il faut choisir !


Voilà pourquoi, conséquent avec cette démonstration, le NPA se prononce pour le financement des retraites à 100% par les cotisations sociales, c'est-à-dire sur le salaire différé de l'ensemble des travailleurs. Outre tous les éléments d'appréciation que nous avons déclinés plus haut, il faut savoir que l'introduction de " taxes " dans l'abondement des caisses de retraite serait propice à la fiscalisation des retraites et de la sécurité sociale prise dans son ensemble, puisque l'Etat deviendrait ainsi directement, par le truchement de cette taxation prélevée par le fisc, l'un des " financeurs ". Ce faisant, la gestion des caisses, de paritaire, deviendrait tripartite (l'Etat y siégerait ou " arbitrerait "). Dans cette configuration, le MEDEF revendiquerait " légitimement " de l'Etat qu'il bloque ou réduise la part patronale, à proportion de sa contribution, prélevée sur les " revenus des entreprises ", au nom de la compétitivité. l'Etat, sans en passer par de nouvelles réformes " explosives ", pourrait imposer à ces caisses, en cheville avec le MEDEF, qu'elles réduisent le montant des pensions ou le rendement des cotisations " en tant que de besoin ", sous peine de se " désengager ".
Il en va de même pour d'autres " fausses bonnes idées " visant à supprimer le quotient familial pour subventionner (toujours via l'Etat) la Sécu.

Dans un article cité plus haut, la FILPAC-CGT nous livre un extrait édifiant du journal patronal Les Echos : " En France, la part prise sur les charges patronales pour financer la protection sociale est élevée, alors que le consommateur est relativement peu taxé. Un transfert massif des cotisations patronales vers une autre assiette fiscale permettrait à la France de converger avec l'Allemagne et de sortir de cette situation sans issue en initiant le choc de compétitivité attendu. " (Le Cercle de l'Industrie in Les Echos du 19 juin 2012)
Dans ce même article, la FILPAC note : " Parisot La Grande Sarkozette exige du gouvernement qu'il baisse les charges patronales, Montebourg s'engage à favoriser la baisse des charges patronales, Chérèque consent à " abaisser le coût du travail en transférant une partie des charges sur la CSG... " (Les Echos 3 septembre) " Le transfert du financement de la protection sociale à l'Etat, sa fiscalisation-budgétisation, figure parmi les objectifs de tous les " réformateurs " successifs. Le " cercle de l'Industrie " les y encourage.
Il va sans dire que la taxation des revenus financiers apporte de l'eau à ce moulin dans la voie d'un système où l'Etat délivrera selon un budget préétabli des prestations a-minima qui devra nécessairement être complété en contractant des assurances privées. La boucle, alors, sera bouclée

Aux origines de la sécu : une victoire ouvrière



A l'inverse, le financement des caisses de retraite et de la sécu dans son ensemble par le salaire différé (part " patronale " et part salariale confondues) atteste que ces caisses sont la propriété des salariés depuis 1945 et légitime d'exigence de leur gestion par les seules organisations syndicales comme c'était le cas, rappelons-le, à l'origine. Il porte en lui-même la solution : augmentation générale des salaires et des effectifs (au détriment des profits, donc), arrêt des exonérations en faveur des " entreprises " puisqu'elles consistent en un détournement d'une fraction du salaire de chaque travailleur. Ne pas comprendre que la sécu est une conquête arrachée par les travailleurs comme sous-produit de la vague révolutionnaire de l'après-guerre en France et qu'il faut la défendre bec et ongles pour qu'elle reste sur ses bases de fondation serait faire preuve pour des révolutionnaires d'ignorance coupable. Tel n'est bien entendu pas le cas du NPA !

En guise de conclusion (provisoire), il est nécessaire de réaffirmer que le financement des retraites par les cotisations sociales est le coeur de l'acquis à défendre : la retraite par répartition et pas autre chose. C'est la condition sine qua none de l'unité des travailleurs et des organisations pour vaincre. En exigeant haut et clair : le retrait de la réforme en cours, et, puisqu'il est à nouveau question de " rapprochement public-privé ", l'abrogation des réformes Balladur-Fillon, les 37,5 annuités pour tous avec 75% du salaire " actif ", et 60 ans comme âge de départ. Et : ne touchez pas au Code des pensions civiles et militaires et donc à l'actuel mode de calcul des pensions (75% du salaire sur les 6 derniers mois) dans la Fonction publique.

La relative " paix sociale " qui semblait encore de mise ces toutes dernières semaines et qui ressemblait de plus en plus au " calme avant la tempête " (Olivier Besancenot) est en train de connaître un premier démenti avec la grève des contrôleurs du ciel et la journée d'action à la SNCF. Bien que leur motif immédiat ne porte pas sur les retraites, chacun comprend que le " profilage " de la prochaine réforme s'inscrit de plain-pied dans la trame de fond de ces deux journées nationales de mobilisation. Comme toujours avant l'orage, les nuages s'amoncellent. Les salariés sentent que tout est en train de se détraquer et, à cette étape, ils attendent des directions syndicales qu'elles les aident à se rassembler au grand jour.
Comment ?
En parlant un langage clair, sans équivoque, contre cette réforme qui, comme le dit J-C Mailly, nous ramènerait à " la retraite des morts " (ou des moribonds).
Comment ?
En rompant toute " discussion " sur la base du rapport Moreau. Comment ? En boycottant ces prétendues Conférences " sociales ".
Comment ?

En appelant à la grève générale interprofessionnelle pour le retrait du projet de loi contre les retraites



Jean-Paul Cros, (commission de médiation, 34, Y), Pedro Carrasquedo (CPN, 64, Y), Daniel Petri (75, Y), Wladimir Susanj (CPN, membre du secrétariat parisien, Y)

Mercredi 26 juin 2013



Annexe



Modifié le jeudi 27 juin 2013
Voir aussi dans la catégorie Dossiers
Dossier La Commune de Paris 150e anniversaireDossier La Commune de Paris 150e anniversaire

Notre journal La Commune propose à ses lecteurs deux dossiers consacrés au 150e anniversaire de la Commune de Paris : le premier, dans le numéro 127, retrace, à la lecture de La Guerre civile en...

Dossier santéDossier santé

30 004 morts : le bilan du COVID-19 en Franceest le résultat de 40 ans d'attaques de l'hôpital public !TOUS COUPABLES ET RESPONSABLES ! En France, la population paye un très lourd tribut humain,...

Le projet Macron de réforme des retraites en 10 questions-réponsesLe projet Macron de réforme des retraites en 10 questions-réponses

L'histoire de notre système de retraites par répartition, celle de sa casse, des « réformes » successives et des discours qui les accompagnent, est essentielle pour comprendre le projet Macron,...

Qu’est-ce que l’Union européenne ?Qu’est-ce que l’Union européenne ?

Première partie Nous sommes partisans de la rupture avec l’Union européenne et ses institutions. Nous militons pour l’abrogation des traités dit « européens » et inconditionnement pour «...

Comment naît le besoin d’un parti des travailleursComment naît le besoin d’un parti des travailleurs

« Personne ne nous représente ». Cet ouvrier de Roubaix sollicité par le Point 1 à propos des élections exprime la sensation de millions de salariés. Beaucoup de gens ne supportent plus ces...

Pourquoi militer avec La Commune ?Pourquoi militer avec La Commune ?

Notre journal La Commune paraît depuis bientôt vingt-cinq ans. Notre site web met à la disposition de tous quinze années d’archives (articles – documentation - lettres d’information -...



HAUT