Décentralisation

Aménagement ou déménagement du territoire ? | Projet de loi de transfert des compétences de l'Etat vers les régions et départementsDécentralisation, acte II : Le conseil des ministres du mercredi ber octobre dernier a examiné le projet de loi " Responsabilités locales ". Ce texte prévoit de nouveaux transferts de compétence de l'Etat vers les régions, départements et communes au 1er janvier 2005 (sauf pour le RMI qui sera confié aux collectivités territoriales dès le 1er janvier 2004 ).Premier tour d'horizon sur les conséquences pour le pays et ses habitants.Rappelons que ce nouveau projet de loi qui accélère la décentralisation est une conséquence directe de la révision de la Constitution opérée le 28 mars dernier et selon laquelle la France est désormais une République décentralisée.
Par rapport au projet initial, le texte ne prévoit plus, comme Raffarin avait dû s'y engager face au mouvement de mai - juin dernier, le transfert des conseillers d'orientation psychologues, médecins et infirmières scolaires, soit 5000 personnes. En revanche, les 91 000 techniciens et personnels de service (T.O.S )de l'Education nationale seront bien placés sous l'autorité des collectivités locales au 1er janvier 2005, avec les conséquences néfastes sur leur actuel statut, celui de la Fonction publique territoriale étant plus fragile que leur actuel statut de fonctionnaires d'Etat.

Les routes nationales aux régions

Les autres grands transferts concernent les aides économiques et la formation professionnelle qui seront gérées directement par les régions. Les 20 000 kilomètres de routes nationales iront aux départements qui gèrent déjà 360 000 kilomètres de routes. Les transports parisiens seront eux aussi "régionalisés".
Le classement des hôtels et restaurants est confié au départements, tandis que le logement social et les aides à la pierre seront délégués par les préfets aux groupements de communes ou aux départements.

Et le patrimoine à qui le veut...

l'exemple du patrimoine culturel est significatif et flagrant. Les services de l'Inventaire seraient donnés intégralement, avec les personnels qui les composent, aux régions. l'Inventaire, c'est le service créé par Malraux au lendemain de la seconde guerre mondiale pour inventorier, comme son nom l'indique, tout le patrimoine culturel français, "de la petite cuillère jusqu'aux cathédrales", selon la formule de Malraux. C'est dire l'importance de ce service au sein du Ministère de la Culture. l'Etat, dans ses services centraux et régionaux compte 331 agents qui y travaillent. Si rien n'est fait, fini l'Inventaire national. De même pour les monuments historiques, qui iront aux collectivités locales qui les réclament.
Ainsi, l'article 65 du projet de loi de transfert de compétences porte sur le transfert de propriété des deux tiers des monuments gérés actuellement par le Centre des Monuments nationaux et l'article 66 sur le transfert de gestion des crédits et des travaux sur monuments historiques. l'Etat abandonne ainsi littéralement toute politique du patrimoine cohérente sur l'ensemble du territoire, "gage de l'égalité de traitement de tous les citoyens et de la continuité du service public" pour reprendre la juste formule du bulletin CGT du personnel des DRAC (direction régionale de l'activité culturelle ), qui titre : "Il faut arrêter le bras des casseurs".

Un exemple : Midi - Pyrénées

C'est ainsi qu'une vingtaine de sites du Grand Sud, gérés jusqu'à présent par le Centre des Monuments nationaux (CMN), dépendant du ministère de la Culture et ouverts à la visite pourraient faire partie de ce patrimoine dont l'Etat ne veut plus. On recense ainsi en Midi - Pyrénées, les châteaux d'Assier, de Castelnau - Bretenoux, de Gramont et de Montal ainsi que l'abbaye de Beaulieu - en - Rouergue, la chapelle des Carmélites à Toulouse, les sites archéologiques de Montmaurin et de la Graufesenque ; en Languedoc - Roussillon l'hôtel de Lunas , la chartreuse de Villeneuve - lès - Avignon, le fort St - André et l'oppidum d'Enserune ; enfin en Aquitaine, le château de Cadillac, l'abbaye de la Sauve - Majeure, la grotte de Pair - Non - Pair et le site archéologique de Montcaret. Les mesures suivantes seraient appliquées : la propriété et la gestion de certains monuments seraient transférées aux collectivités locales qui le demanderaient ; la programmation et la gestion des crédits de restauration des monuments n'appartenant pas à l'Etat pourraient être confiés aux régions ; enfin, la maîtrise d'ouvrage des travaux serait désormais assurée par les propriétaires, qu'ils soient publics ou privés.
Les élus locaux ne sont plus très chauds
Depuis les premières lois de décentralisation, de 1982-1983 (lois Defferre), les élus, de gauche comme de droite étaient de fervents partisans de la décentralisation. Seulement, depuis cette année l'ambiance change : à gauche comme à droite on voit ces transferts d'un oeil différent, sinon d'un mauvais oeil. Pourquoi ? Parce que la crise économique, l'austérité, la récession annoncée font apparaître la décentralisation pour ce qu'elle est : le désengagement de l'Etat, l'abandon par celui - ci de ses missions de service public qu'il considère comme trop coûteuses. Du coup, les élus comprennent que ces transferts vont accroître les charges financières et les obliger à ajouter encore des taxes locales, donc les impôts locaux. Et que ces décisions sont, pour le moins, impopulaires.

Eglise du XIIè contre Mac Do

Ainsi, toujours dans notre exemple de Midi - Pyrénées, le président du Conseil régional, Martin Malvy, (PS), partisan depuis toujours de la décentralisation, déclare : "Les collectivités pourraient être intéressées à assurer la réhabilitation ou la gestion d'un certain nombre de monuments mais il faut que l'Etat affiche clairement les moyens qu'il veut nous donner. En Midi - Pyrénées, le budget de la culture représente environ 33 millions d'euros, dont 12 millions pour le patrimoine. Les bâtiments sont très consommateurs de crédits. Le patrimoine, même local, doit rester national. Il ne doit pas à la merci d'une décision locale. Imaginez qu'une commune rase une église du XIIe siècle pour faciliter l'accès à un Mac Do. Il faut aussi des structures de contrôle" (Midi Libre du 19.09.03) Surtout, ce dirigeant du PS voit ses ardeurs décentralisatrices refroidies par des conséquences en matière de fiscalité qui peuvent lui coûter son poste...D'autant qu'il n'y a pas que les murs qui s'apprêtent à être cédés par Chirac - Raffarin : les salariés et leurs divers statuts (pour la plupart de la Fonction publique d'Etat ) devraient aussi changer d'employeurs, au détriment de leurs acquis. Comme le souligne le Midi Libre du 19 septembre : "Le projet ministériel ne soulève pas non plus l'enthousiasme des services locaux des affaires culturelles pour lesquels, faute de moyens, on serait de brader les joyaux de la couronne". On ne peut pas mieux dire.

La vicomtesse défend ses murs

Les particuliers non plus ne veulent pas de ces mesures d'abandon culturel.Toujours dans le Midi Libre du 19 septembre, on trouve cet exemple flagrant : " Depuis son château de Caumont, un bâtiment de la Renaissance situé à Cazaux - Savès (Gers), la Vicomtesse de Castelbajac est en train de livrer un combat épique afin que les nécessaires travaux de restauration de son monument classé ne soient pas, dans l'avenir, " livrés au lobby des politiques ", en l'occurrence les collectivités locales (...). " Jusqu'à présent, explique la vicomtesse, l'Etat nous aidait en subventionnant certaines opérations de travaux, jusqu'à 50% pour les bâtiments classés, qu'ils soient ouverts au public ou non. Demain, on va nous dire : la DRAC ( Direction régionale des affaires culturelles ) n'a plus d'argent, adressez - vous au Conseil général ou au Conseil régional .Le drame, c'est qu'ils ont d'autres priorités : les routes, le social...(...) Demain comment fera - t on nos travaux si les collectivités locales ont d'autres chats à fouetter ? ". Il est facile de deviner ce qu'il adviendra de ces bâtiments et monuments classés : on les laissera s'effondrer.

Pétrole contre RMI

En transférant la plupart de ses compétences aux régions et département, l'Etat sait parfaitement ce qu'il fait : il se désengage de la plupart des services publics, oblige les collectivités territoriales à gérer la pénurie et à accroître la fiscalité locale. Pour que les choses soient claires, rappelons que le coût de ces nouvelles responsabilités que le gouvernement confier aux départements (notamment dès janvier 2004 la gestion complète du RMI ) se chiffre à 15 milliards d'euros " mais les départements ne se verront transférer que 9 milliards de recette par l'Etat pour les financer. Difficile d'imaginer trouver les ressources complémentaires en augmentant les impôts locaux, puisque ceux - ci ont déjà progressé de 4,7% en moyenne cette année " fait remarquer le mensuel Alternatives Economiques (no 218, oct . 2003. ).
Lequel poursuit : " Autre écueil, le financement du RMI sera assis sur une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP ) , comme cela est déjà inscrit dans le projet de loi de finances pour 2004. Or, cette taxe a évolué beaucoup moins vite que le budget des allocations versées aux Rmistes, du fait de l'augmentation du nombre d'allocataires. De quoi encourager les Conseils généraux à limiter drastiquement l'attribution du RMI ".
Abandon des services publics, Patrimoine à vau - l'eau, plus de pauvreté moins de RMI : des lois Defferre de 1982 - 1983 à celles de 2003. - 2004, une continuité néfaste pour les salariés et la population. C'est sans doute ce que nos gouvernants appellent la " démocratie de proximité ".
Modifié le lundi 17 octobre 2005
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