Comment naît le besoin d’un parti des travailleurs

« Personne ne nous représente ». Cet ouvrier de Roubaix sollicité par le Point 1 à propos des élections exprime la sensation de millions de salariés. Beaucoup de gens ne supportent plus ces partis et mouvements qui se proclament de leur côté pour mieux les tromper, ils ne supportent plus la démagogie et l’intox électorales sur fond de « lutte des places ». Des syndicalistes pensent que la « contestation sociale » va « glisser » vers «  des objectifs de représentation politique qui lui soient propres » 2 . En filigrane, le besoin d’un nouveau parti ouvrier se fait sentir.

Comment naît le besoin d’un parti des travailleurs

Bien évidemment, les médias subventionnés et contrôlés par de grands groupes financiers nous parleront de tout autre chose. Dans l’immédiat, ces médias prétendent sélectionner par avance le prochain chef de L’État (Macron) mais aussi « celui qui représente le mieux la gauche » (Mélenchon). À cet égard, on ne peut pas dire que les sondages soient truqués. Les sondages se contentent juste d’occulter le plus possible les intentions de ne pas voter et le rejet de plus en plus massif de ces élections d’un roi sans couronne sur fond d’affaires de détournement de fond, d’emplois fictifs, de conflits d’intérêt, de favoritisme qui suscitent un profond dégoût dans toute la société civile.

La magie du verbe et la vraie vie

Contraints d’évoquer les grèves les plus frappantes, les médias passent sous silence le fait qu’en deux mois, plus d’un million de journées de grève ont été recensées, ce qui est rarissime en période électorale « pestilentielle ». Ils ne font aucun cas des 21 000 morts de la grippe cet hiver. Et, ainsi de suite. À la longue, ceux qui prétendent nous informer tombent victimes de leur propre intoxication et de leur propre aveuglement volontaire.

À force d’avoir les yeux rivés sur la prétendue montée du FN ou de se ravir des saillies de Mélenchon, déclaré champion du débat du club des cinq « favoris », les grands médias ne voient rien venir. Ces médias sont les enfants de ce grand éditorialiste qui, le 15 mars 1968 proclamait « La France s’ennuie » et fut surpris de l’irruption de la grève générale six semaines plus tard. Ne voulant rien voir venir, ils découvrent subitement la grève générale en Guyane. De fait, contrairement à ce que n’ont cessé de répéter les dirigeants syndicaux nationaux, la grève générale peut se décréter !

Dans ces conditions, les beaux slogans des candidats sont une manière d’escamoter ou de reléguer à l’arrière-plan les besoins fondamentaux et les revendications vitales de la population travailleuse et pauvre : « insurrection dans les urnes », « nos vies valent plus que leurs profits » ou « futur désirable », voilà qui ne mange pas de pain. Pure magie du verbe ! L’exigence de l’abrogation de la loi El Khomri est, elle-même, vidée de son contenu car les candidats qui la récupèrent veulent tous réformer le Code du travail. Il ne se trouvera pas un candidat, grand ou petit, pour dire haut et clair : abolition du travail précaire – toutes les embauches en CDI – le CDI pour tous . Pourtant, dans la vraie vie, nous nous colletons avec l’explosion des CDD, des contrats d’insertion (ou « d’avenir »), du travail intérimaire permanent, de la destruction des emplois dans la fonction publique au profit de « missions » et de postes polyvalents.

Comptons d’abord sur nos propres forces

Le besoin d’un parti des travailleurs part d’un constat simple : salariés, chômeurs, jeunes n’ont d’autre choix que de compter d’abord sur leurs propres forces pour « garder ce qu’ils ont » et avoir les moyens de vivre. Or, toutes les « réformes » visent à leur faire perdre ce qu’ils ont, ce qui a été acquis. La notion même d’acquis social suscite la hargne des possédants, de leurs idéologues et de leurs politiciens.

Les syndicats, bien sûr, sont nécessaires et même indispensables mais leur indépendance est sans cesse remise en question par leurs directions centrales qui acceptent en fronçant les sourcils de négocier les reculs sociaux (sous couvert de « limiter la casse » ou de les troquer contre de pseudo « nouveaux droits »), à l’heure où les porte-paroles politiques du grand capital ne cessent d’en appeler à « la réforme des syndicats », c’est-à-dire à leur transformation en une police du travail s’engageant à étouffer le libre développement de la lutte de classes pour les revendications urgentes.

Les principes politiques d’un parti des travailleurs

Oui, il manque un parti qui se place au service de la population travailleuse et pauvre et de ses besoins, un parti qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.

Un parti de classe et de masse, c’est à un dire un parti de lutte de classes dont la ligne politique devrait être : la satisfaction des revendications vitales, la défense des droits démocratiques, de l’égalité des droits et des services publics au service du public .

Un parti résolument anti-bureaucratique, plaçant ses responsables nationaux sous le contrôle de toutes ses sections d’entreprise, de quartier : un parti où la base contrôle la direction et non l’inverse, hors de tout caporalisme, un parti où les responsabilités prises par chacun ne sont ni des grades, ni des galons, ni des décorations, un parti qui bannit tout déroulement de carrière politique et tout enrichissement personnel du fait d’éventuels mandats de députés, que cet enrichissement soit légal ou non.

Un parti de femmes et d’hommes libres qui s’inscrit dans la continuité du combat séculaire pour libérer l’humanité des chaînes de l’exploitation et du joug de l’oppression.

Un parti, enfin, qui aide les salariés à centraliser leur combat au niveau national face à l’État et ses institutions réactionnaires, face à l’Union « européenne » des capitalistes et des banquiers et ses traités, directives, institutions.

Le point de rupture

Un tel parti est d’autant plus nécessaire que nous arrivons à un point de rupture. Le vieux régime de la Ve République s’effondre en direct, sous nos yeux, en exhalant toute sa pourriture interne tandis que la crise sociale fait rage, tandis que l’économie réelle est étranglée, des régions entières dévastées et des pans entiers de la production industrielle anéantis. Dans ces conditions, la France devient de plus en plus ingouvernable.

En ce qui nous concerne, nous ne tenons pas un agenda et un échéancier des événements à venir. Nous ne sommes pas détenteurs d’une procédure indiquant la marche à suivre vers une issue favorable aux travailleurs et la population.

Nous savons que nous devons nous préparer à une explosion sociale générale, sur laquelle anticipent déjà les événements de Guyane, sur le terrain préparé par la première séquence du printemps 2016 contre la loi El Khomri.

Les termes de la lutte pour le pouvoir

Se posera alors le problème d’un gouvernement à nous, d’un gouvernement des travailleurs, un gouvernement qui rompe avec les capitalistes et les banquiers, le MEDEF et l’UE, et applique un plan d’urgence en défense des salariés, des chômeurs, des jeunes et de leurs famille , c’est-à-dire : une politique ouvrière qui commence par la satisfaction des revendications vitales et qui aligne l’économie et la production sur la satisfaction des besoins immédiats et fondamentaux de la population .

Un tel bouleversement n’obéit à aucune feuille de route tramée à l’avance, à aucune « procédure » toute prête. Seuls les « voyants » ont idée de la forme que prendra la lutte pour le pouvoir. Nous ne mettons pas, quant à nous, la charrue avant les bœufs : Pour l’heure, il s’agit d’aller vers un parti qui aide les travailleurs, les jeunes et les pauvres à s’unir autour des revendications vitales, au premier rang desquels un vrai travail, un vrai salaire, un vrai toit pour tous, un CDI pour tous, sans discrimination aucune . C’est une exigence politique, au sens noble du mot, indispensable à « la vie de la cité » (origine du mot : politique).

« Compréhension de la situation et de ses causes essentielles » (Malcolm X)

Nous, La Commune, nous avons comme programme, le programme marxiste, internationaliste de la quatrième internationale. Nous avons notre propre journal. Dans le même temps, nous sommes inconditionnellement pour un Parti des travailleurs, un parti pour l’action. Comme l’exposait Malcolm X : « On ne peut donner un programme aux gens tant qu’ils ne se rendent pas compte qu’il leur en faut un et tant qu’ils n’ont pas compris que tous les programmes qui existent actuellement ne sont pas de nature à donner des résultats tangibles... je suis d’avis que si l’on donne aux gens une compréhension parfaite de leur situation et de ses causes essentielles, ils créeront eux même leur programme ; quand les gens créent un programme, il y a de l’action. Quand ces « dirigeants » créent un programme, il n’y a pas d’action . » (Extrait d’un discours prononcé le 20 décembre 1964).

De la même manière, il n’est pas question pour nous de nous définir ou nous présenter comme « l’aiguillon » du Parti des travailleurs. Nous militons pour ce parti. Des groupements syndicalistes, des militants communistes, libertaires, anarchistes, des travailleurs sans parti, des militants associatifs aspirent à un tel parti. Nous nous appliquerons à en débattre librement et fraternellement avec eux, dans l’action et pour l’action, par-delà les divergences de vues qui nous séparent. Nous avancerons… en marchant ! De même, nous appuierons toute initiative indépendante de nous allant sincèrement dans ce sens-là.

Lorsque nous proposons à celles et ceux qui nous lisent et nous côtoient de militer avec nous, ce n’est pas une clause de style. Militons ensemble, à égalité, pour une politique ouvrière indépendante, pour la grève générale, pour un Parti des travailleurs, pour en finir avec l’exploitation, les guerres et l’oppression , pour en finir avec la faim, la misère, les catastrophes naturelles et l’impérialisme destructeur de notre planète.

Jamais comme aujourd’hui, ces mots de Marx n’ont été aussi actuels :

« Toute lutte de classes est une lutte politique » .

Aujourd’hui comme hier, la fière devise de la première association internationale des travailleurs, fondée en 1864, est un principe-clé : « l’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » .




Comité de rédaction de la Commune,
13 avril 2017




1. http://www.lepoint.fr/societe/dans-le-nord-de-la-france-lassitude-colere-et-risque-d-abstention-14-03-2017-2111724_23.php

2. https://www.facebook.com/luttesinvisibles/

Modifié le vendredi 14 avril 2017
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