Lutte contre le chômage ? Non, lutte contre les chômeurs, c’est plus facile !

Donner à ceux qui ont tout et prendre à ceux qui n’ont rien, tel semble être le fin mot de la politique du gouvernement. Mais, rassurons-nous, quoi qu’en dise sa compagne éconduite, Hollande est rempli de sollicitude pour les pauvres. « Les pauvres sont des citoyens non pas comme les autres mais à l’égal des autres […] La solidarité n’est pas un supplément d’âme » mais « un principe républicain ». La pauvreté est à ses yeux une « humiliation pour la République ». Il faut donc bien croire que la République est particulièrement humiliée, à en juger par l’accroissement de la pauvreté dans ce pays ! C’est plutôt le bal des hypocrites, oui.

Lutte contre le chômage ? Non, lutte contre les chômeurs, c’est plus facile !

Ainsi, des trémolos dans la voix, le chef de l’Etat fait le plein de sa compassion pour tous les sacrifiés de sa politique. Le plein, mais pas le trop plein. Son « réalisme » l’invite aussitôt à affirmer que l’on ne peut « éradiquer la pauvreté ». Sans doute, le phénomène de l’accroissement de la richesse à un pôle de la société et de la misère à l’autre pôle est-il un fléau naturel, une fatalité inhérente à la vie sociale. Ou plutôt, on l’aura compris, à l’oligarchie, dont le sieur Hollande est l’un des membres éminents.

Pendant qu’il tire sa larme sur les pauvres, ses seconds couteaux s’écrient : « l’assistanat, voilà l’ennemi ». Haro, donc, sur les « assistés ». Feu sur les chômeurs qui ne cherchent pas de travail. Et, pour cause, puisqu’il n’y en pas ! Ou alors, des sous-emplois, des « petits boulots », des contrats jetables, des « missions » qualifiantes ou sous-payées. Les mêmes qui prescrivent la chasse aux « assistés » s’appliquent, au quotidien à « substituer à la certitude du Droit, l’arbitraire de l’aumône » selon la formule de Jaurès. Le système dit de « traitement social de la crise » est, à ce point pervers qu’un « bénéficiaire » du RSA aura un pouvoir d’achat amoindri s’il trouve un emploi au SMIC.

25 ans de RMI-RSA

Pour mémoire, rappelons que le système du RSA a maintenant vingt-cinq ans d’âge. Mis au point au cours des « années Mitterrand » (chères à Mélenchon, soit-dit en passant) sous l’appellation RMI, il agissait selon le double principe de trappe à chômeurs et de gestion-pérennisation et « partage » de la misère. Cette allocation versée par l’Etat (puis généreusement ou plutôt vicieusement « transférée » aux départements) a permis, dès 1991, de réduire la durée d’indemnisation des chômeurs par les ASSEDIC, de rendre les allocations des ASSEDIC dégressives. Le chômeur est transformé en « assisté » de l’Etat à son insu, il est détaché de cette armée industrielle de réserve que sont les salariés privés d’emploi. Sous ses dehors « généreux » ( avec parcimonie, faut-il préciser ») le RMI-RSA est une machine de guerre contre l’Assurance-Chômage laquelle échappe à la mainmise de l’Etat puisqu’ elle est assise sur les cotisations versées par les salariés pour se prémunir du « risque-chômage ».

Mais, vingt-cinq ans plus tard, ce système de charité publique qui ne dit pas son nom cohabite encore avec le principe de solidarité entre ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas sur lequel repose l’Assurance Chômage.

Diviser pour régner

Dans le collimateur de Macron, représentant direct des banques et de l’oligarchie financière au sein de l’Exécutif, l’Assurance Chômage est un obstacle à la poursuite des réformes fondées sur le principe de la dégradation permanente des droits, des conditions de travail et de vie de la population. A coups de sondages bien sentis, le gouvernement tente de monter les couches dites « moyennes » contre la « vile multitude » des « sans dents ». Bien en vain. Les professions libérales sont elles-mêmes durement frappées et réagissent par la grève : notaires, huissiers, pharmaciens. Les cadres, les salariés hautement qualifiés subissent également de plein fouet les conséquences destructrices de la politique du gouvernement.

Au vrai, l’attaque contre les plus pauvres tire toute la population vers le bas. La politique du gouvernement, affidé du Medef et de « Bruxelles » est vomie dans toutes les strates de la société. Face à cette politique, les politiciens matois à la sauce Sarkozy ne font que piaffer d’impatience… Le rejet des partis institutionnels s’exprime tous les jours, dans la rue, au café, à l’atelier et au bureau. Il indique la volonté sous-jacente d’en finir avec ce régime, au bord de la chute, de mettre à bas les réformes contre-révolutionnaires des gouvernements successifs et de l’Union Européenne. Face à la vague qui se forme, en dépit et à cause de ses attaques antisociales, le régime est acculé, sans appuis, la gueule ouverte, agitant l’épouvantail utile du « FN » pour se sauver lui-même. Les partis institutionnels se fracturent. Les «affaires » explosent. Les déclarations de guerre à ce qu’il reste de la réglementation du temps de travail, de la Sécurité sociale, de l’hôpital public sont sans cesses tempérées puis reprises, dans une valse-hésitation qui est la marque de l’affolement.

Sur ce, tombe la note du budget 2015 : 10 milliards de moins pour les hôpitaux par le truchement de la « chirurgie ambulatoire », 8 milliards de moins pour la Fonction publique, approfondissement d’une ampleur sans précédent du désengagement financier de l’Etat vis-à-vis des communes et départements, attaques frontales contre les fonctionnaires er leur statut.

Au programme également :

- Baisse de la prime de naissance pour le second enfant

- Amputation du congé parental

- Baisse des aides pour la garde des enfants

Ce ne sont là que les toutes premières mesures visant à torpiller les allocations familiales et leur caractère universel.

La défense des intérêts de l’oligarchie financière, le versement des intérêts de la dette aux banques d’affaire (en dizaines de milliards d’euros) exigent la poursuite et l’aggravation de ce cycle de « réformes » mortifères, en France comme en Europe. Dès lors, pour tenter de brouiller pistes et enjeux, les « questions sociétales » sont mises en avant : PMA, GPA et autres « sigles » qui donnent du ressort aux « manifs pour tous ». Les medias s’en délectent … Et, il y aura toujours des « radicaux » de carnaval type NPA pour s’emparer de ces « questions » qui servent de paravent aux véritables offensives contre les salariés et leurs familles. D’autant que ces « anticapitalistes », loin de se préparer à l’explosion sociale qui vient, se persuadent, chaque matin que « le rapport de forces est défavorable » et que du côté des plus larges masses, fatalisme et résignation dominent voire même une complaisance à l’égard de l’extrême droite… qu’ils contribuent eux-mêmes à placer au centre de la scène politique virtuelle et complètement faussée par les médias.

Un air de déjà vu...

Soyons plus nets encore : la grève des cheminots et des pilotes de ligne d’Air France ont la même signification que les grèves des arsenaux de Toulon et Brest en 1935, la même signification que les grèves de la Rhodiaceta à Lyon-Besançon et de la Saviem à Caen en 1967. Ces grèves préfiguraient la grève générale. 1936. 1968. Elles n’étaient pourtant pas « victorieuses » et, en partie pour cette raison, elles appelaient la grève générale. Une perspective contre laquelle les bureaucraties syndicales s’arc-boutaient.

Corporatisme ???

Si nous essayons de regarder de plus près la grève des pilotes d’Air France, décriée par les chefs des confédérations, comme « corporatiste », nous constatons

1. Que les pilotes d’Air France se sont battus au compte de tous les salariés d’Air France et non pour un motif « catégoriel »

2. Cette lame de fond n’a pas été dirigée par les chefs des confédérations CGT ou FO, mais par des syndicats dont la vocation est strictement corporative et professionnelle mais qui, de ce simple fait, échappent à la tutelle des « Le Paon- Mailly » et autres caciques imposés à la tête des Confédérations ouvrières, par un appareil vertébré nolens volens par le Front de gauche.

Nous avons là quelque chose d’inédit. Et, une leçon simple en elle-même : la grève n’a pu aller au bout de ses objectifs parce qu’il n’y a pas eu le déclenchement de l’action au « sol » d’Air France, bien que ce mouvement présentait toutes les caractéristiques d’une grève de masse au compte de tous. Et, ce ne sont certainement pas les aiguilleurs du ciel, les assistants avions et autres catégories du personnel d’Air France qui ont provoqué le relatif isolement des pilotes en grève. Non, ce sont exclusivement les appareils syndicaux CGT-FO-CFDT, la CFDT jouant directement le rôle de syndicat antigrève, jaune, comme à la SNCF en juin, dans le cadre d’un partage des tâches entre sommets syndicaux, au compte du gouvernement.

Ce ne sont donc pas nos désirs, nos pronostics et nos desseins militants qui tracent la perspective des événements à venir, mais ce sont les grèves, celles dont on parle et celles dont ne parle pas. Comme, par exemple, le mouvement des greffiers qui s’est exprimé dans tous les tribunaux, comme celui, déterminé, de Bayonne, contre une réforme de leur Statut avalisée par toutes leurs directions syndicales (excepté Sud, fort marginal).

Nouvelles menaces contre les chômeurs

Ce ne sont d’ailleurs pas seulement les grèves, ce sont tout autant les manifestations quotidiennes de la crise du régime, et les menaces du gouvernement sur la durée d’indemnisation des chômeurs et sur le montant de leur allocation, entre autres menaces plus ou moins explicites.

Aussi bien, la préparation de la grève générale et la lutte spécifique pour un parti des travailleurs au service des travailleurs et de tous les opprimés, de toute la population pauvre des villes et des campagnes, ne font qu’un. A condition cependant de dire la vérité aux travailleurs, qui consiste, non à les culpabiliser mais à désigner les obstacles, ceux des appareils syndicaux et politiques qui ont partie liée avec les défenseurs de ce régime et de la propriété privée.

Toute notre attention et nos efforts militants sont tendus dans cette direction-là.

Daniel Petri, Jeudi 16 octobre 2014

Modifié le lundi 20 octobre 2014
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