Le roitelet est nu

Chronique d'une fin de RégimeLa crise économique fait rage. En haut lieu, l'on feint de s'en étonner. Sarkozy n'avait-il pas promis " la croissance " ? Un an après, de cette " France d'après ", il ne reste rien. A part, bien sûr, un gouvernement avide de " réformes " et un régime qui, pour se survivre, durcit ses traits bonapartistes. A l'heure de la flambée des prix de l'essence et des denrées alimentaires, le seuil de pauvreté s'établit officiellement à 800 euros par mois. Des vétérans de la droite s'exclament alors : " ça va mal finir ! ". Un an après sa victoire de mai 2007, Sarkozy doit se dire qu'il a mangé son pain blanc. Le pire est à venir, en effet ...Après Sarkozy qui se présentait comme un directeur des ressources humaines, Fillon se pose maintenant en chef de chantier. La France serait-elle en train de devenir une PME ? Certes, Fillon n'a pas de pétrole mais il a des idées : sur France info, à la fraîche, le 6 mai, il dévoile son plan pour parer à la hausse du prix de l'essence : les automobilistes doivent rouler moins. Diantre ! Proposera-t-il demain aux Français de se priver de viande ou de pain dans le cadre de la lutte contre la hausse des prix de la nourriture ? C'est à craindre !

" Capitalisme d'apocalypse "

Plus sérieusement, cette crise qui est devenue visible à l'oeil nu et qui frappe de plein fouet les couches les plus larges de la population n'a rien d'une surprise. Parier sur la reprise comme l'a fait Sarkozy l'an dernier, était plus qu'une gageure. Tous les économistes savaient à quoi s'en tenir sur les " perspectives réelles " de l'économie mondiale. Parmi eux, Pierre Leconte, qui n'a rien d'un contestataire, tout au contraire. Fon­dateur d'une société financière en Suisse, il a bourlingué dans les bourses du marché à court terme et même dans une banque centrale d'Améri­que latine. Selon lui, la crise monétaire a commencé en 2003 lorsque " la Federal Reserve, présidée par Alan Greenspan, a décidé de fixer à 1 %, son plus bas niveau atteint, le taux d'intérêt à court terme sur le dollar. Niveau au surplus négatif, parce qu'alors inférieur au taux d'inflation américain [...]. Cette décision, équivalente à une distribution gratuite d'argent, est le point de départ de la grande crise monétaire du XXIe siècle ". Cette mesure a donc été prise par une institution financière américaine dotée de pouvoirs relevant normalement de l'état et qui est pourtant composée de 12 banques de réserves " régionales " privées.

Crise des subprimes, toujours ...

Par cette mesure prise pour défendre les intérêts des actionnaires des grandes banques privées, la Federal Reserve américaine voulait enrayer la chute du marché d'actions aux états-Unis. (Notons au passage que ce genre de mesures aventureuses a été rendu possible par la non-convertibilité du dollar en or, décidée unilatéralement par le Président des états-Unis, Richard Nixon en août 1971. Pierre Leconte souligne que : " Au rythme actuel de la création monétaire publique et privée, la masse de monnaie publique et privée double tous les cinq ans. Depuis 2000 seulement, les états-Unis ont créé plus de dollars que depuis la fondation de leur nation en 1776 ! ". Création de monnaie artificielle, donc. Plus sont créés ces dollars de papiers, plus leur valeur baisse sur les marchés des changes en vertu du principe : " la mauvaise monnaie chasse la bonne ".
De fait, même si l'on se situe du point de vue des économistes bourgeois patentés comme Pierre Leconte, la crise du crédit privé ouverte en août dernier, à la suite des " Subprime mortgages " (emprunts consentis à des accédants à la propriété dont les revenus sont maigres et donc à risque) n'a rien d'un coup de tonnerre sous un ciel serein. Elle a surgi dans cette atmo­sphère saturée d'inflation monétaire.

l'optimisme économique de Sarkozy et ses affidés était celui de bateleurs de foire. Même les partisans les plus zélés de l'ordre établi, comme Alain Minc, prédisent maintenant un " capitalisme d'apocalypse " (après avoir raillé des années durant le " catastrophisme " des marxistes qui soutiennent à partir des faits que ce mode de production est en pleine putréfaction).

PS : une déclaration contre les principes

Ainsi, l'augmentation du pouvoir d'achat par la " libération " des heures supplémentaires s'est avérée un leurre. l'augmentation de 28 % du nombre d'heures supplémentaires effectuées dans l'année, selon les estimations de Fillon, n'aura pas permis d'enrayer la baisse du pouvoir d'achat des salariés. De même, les promesses de baisses d'impôts en faveur des couches dites " moyennes " n'ont pas été tenues. Fillon peut donc se targuer d'avoir amené tout le monde " sur le terrain idéologique de la droite ", si cela lui chante. Il dispose en réalité d'une gauche institutionnelle bienveillante avec l'idéologie de droite que Sarkozy distille. Confère le projet de nouvelle déclaration de principe du PS qui se réclame sans ambages de l'économie de marché, pourvu qu'elle soit " sociale et écologique " et se place ainsi de plain-pied sur le terrain idéologique de la droite. Et cela, Fillon n'y est pour rien. Ce projet de déclaration a été vidé, expurgé de toute notion même lointaine de lutte de classe et même de lutte pour la transformation sociale. Le tout pour donner des gages supplémentaires de respectabilité et de confiance aux capitalistes et banquiers. Cette nouvelle déclaration de principes du PS s'élabore au moment où l'appareil de ce parti négocie avec l'UMP la dite " réforme " des institutions. En effet, la participation de la gauche à cette opération de replâtrage de l'édifice vermoulu de la Ve Républi­que est indispensable pour que cette révision de la Constitution soit adoptée par le Sénat et l'Assemblée nationale à la majorité des deux tiers. Sans l'apport des voix des parlementaires du PS, cette révision ne passera pas.

Opération replâtrage

Cette révision constitutionnelle est indispensable, suite à la mise en place du quinquennat en 2000. l'élection du Président de la République tous les 5 ans a remplacé le septennat (élection du Président tous les sept ans) pour qu'il n'y ait plus de cohabitation gauche-droite à la tête de l'état. Ces cohabitations qui, de fait, amoindrissaient les pouvoirs concentrés du chef de l'état, contraint de composer avec le Premier ministre. Réglant ce problème-là, le quinquennat en a créé d'autres. De Gaulle avait prévenu : il ne faut pas que le Président soit élu simultanément avec les députés, ce qui mêlerait sa désignation à la lutte directe des partis, altèrerait le caractère et abrègerait la durée de sa fonction de chef de l'état (conférence de presse du 31 janvier 1964). Plus concrètement, dans les conditions du quinquennat, on ne sait plus qui du Président ou du Premier ministre est le véritable chef. En effet dans sa version actuelle, la Constitution précise que " Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la nation. Il dispose de l'administration et de la force armée. Il est responsable devant le Parlement [...] ". La commission Balladur (chargée de mettre à jour la Constitution, en compagnie de Jack Lang) tranche de la façon suivante :

" Les propositions de clarification qui pourraient s'en déduire sont simples. Elles viseraient à prendre acte de la prééminence que son élection au suffrage universel direct confère au chef de l'état, qui serait chargé de " déterminer la politique de la nation ". Par souci de conformité avec la pratique existante, l'article 8 de la Constitution serait modifié pour que le Président de la République puisse de lui-même mettre fin aux fonctions du Premier ministre sans attendre qu'il remette la démission du Gouvernement. Le Premier ministre aurait enfin le soin de " mettre en oeuvre " la politique de la nation, sous le contrôle du Parlement devant lequel il demeurerait responsable. " (Rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République).

Dans ce paragraphe, tout est dit : le Premier ministre n'est plus qu'un chef de cabinet du Président " prééminent ". Ainsi le quinquennat est-il réconcilié avec la conception gaullienne du chef de l'état. Le Premier ministre exécute les directives du chef de l'état sous le contrôle du Parlement. Cette notion de contrôle parlementaire, développée en France par le gaulliste Alain Peyrefitte (dans son livre Le mal français) avilit l'Assemblée nationale au rang d'une agence de contrôle, purement consultative. Du coup, on peut même se passer du fameux article 49.3, particulièrement antidémocratique, en ce qu'il permet à un gouvernement de faire passer une loi sans vote, en mettant simplement les opposants à ce texte au défi de voter une motion de censure destituant le gouvernement et donnant au chef de l'état matière à dissoudre l'Assemblée nationale. En effet, si un Premier minis­tre, appuyé par les parlementaires, déroge aux injonctions du Président, ce dernier pourra désormais chasser directement le Premier ministre, sans autre forme de procès.

29 révisions en 50 ans

Gageons que cet énième replâtrage pour maintenir, vaille que vaille, le régime moribond de la Ve République (29 révisions constitutionnelles en 50 ans, un record !) va créer plus de problèmes qu'il n'en résou­dra. Désormais, " le roi est nu ", le satrape présidentiel n'a plus de fusible en la personne du Premier ministre. Il lie son sort au gouvernement de l'instant. Si le gouvernement saute, il risque fort d'être balayé avec, aussi sec.
Cela pourrait arriver bien plus vite qu'on ne croit, tant les poches de mi­sère dans ce pays se creusent, tant la haine à l'égard de Sarkozy se cristallise, tant l'exaspération est grande. à propos du replâtrage des institutions, les auteurs de cette mise à jour parlent de " modernisation et rééquilibrage ". Modernisation et rééquilibrage ? Non pas. Déséquilibre et putréfaction, bien plutôt.
Modifié le mardi 13 mai 2008
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