La pétaudière

Chronique d'une fin de RégimePétaudière : lieu de confusion (Le Robert de poche). Quand la hausse foudroyante des prix du carburant jette implacablement paysans, pêcheurs, chauffeurs routiers sur le carreau de la pauvreté, Monsieur Nadal, Directeur " fret " de la SNCF, se frotte les mains et en baverait presque. Ecoutez-le : " La hausse des prix du pétrole, la prise de conscience des questions d'environnement sont de formidables opportunités pour redresser et développer notre activité (...) N'est-il pas temps de montrer nos muscles ? ". Pour un peu, ce serait " la divine surprise ".Il faut dire aussi que ce monsieur Nadal a son idée derrière la tête, il rêve tout haut d'une " grande entreprise de fret ferroviaire qui fasse référence en Europe ". C'est-à-dire une entreprise de transport de marchandises par trains séparée de la SNCF. Comme le SERNAM l'a été, lorsque M.Gayssot était le ministre " communiste " des transports. Ainsi se dessine le spectre de la privatisation des chemins de fer, sur fond de tentatives de remodelage de toute la société française.
Cette " révision générale " de tout le modèle social issu de la vague révolutionnaire de 1944-45 en France et en Europe se heurte pourtant à une résistance incompressible.-

Les sondages de la colère

Les observateurs et autres sages médiatiques qui se penchent au chevet de la France ont fini par noter que l'image du chef de l'Etat se dégradait de plus en vite dans les sondages. Mais, le dernier sondage TNS-SOFRES indique que Sarkozy aurait gagné 5% ce mois-ci. " Le Figaro " respire : l'éclaircie s'amorce ! 5 points, c'est un véritable bond en avant. Tiens bon, Sarkozy ! Voilà la teneur de la manipulation statistique d'un journaliste de la droite ordinaire. Cas typique d'auto-intoxication en vérité. La lecture plus attentive du baromètre TNS SOFRES est autrement plus édifiante.

A la question : quelles sont les priorités des français ? l'enquête répond : à 46% la lutte contre la hausse des prix ; à 22%, le maintien du pouvoir d'achat. S'agissant de la lutte contre la hausse des prix, 88% des personnes interrogées jugent que l'action du gouvernement n'est pas efficace. (92% des ouvriers, 94% des employés). Et la lutte contre le chômage ? A l'heure où les chiffres officiels annoncent une baisse du nombre de chômeurs, 65% des sondés considèrent que l'action du gouvernement n'est " pas efficace " (70% des ouvriers, 73% des employés). Ensuite, TNS SOFRES trouvent 79% des français qui considèrent que les choses ont " tendance à aller plus mal " (86% des ouvriers, 84% des employés). Dans la foulée, 77% pensent qu'il va y avoir beaucoup de conflits sociaux dans les deux ou trois mois à venir. (84% des ouvriers, 86% des employés). 57% pensent que les principaux problèmes ne pourront pas être résolus par " la négociation et le compromis " mais qu'ils risquent " d'entraîner le recours aux affrontements et à la violence ". (74% des ouvriers, 57% des employés). Dans le même ordre d'idée, 60% pensent que " le rôle de la France dans le monde s'affaiblit ". Et, donc, pour couronner le tout, le baromètre TNS Sofres indique que 60% des français n'ont " pas confiance " en Sarkozy (72% des ouvriers, 65% des employés, 64% des cadres et professions intellectuels). Voilà à quoi tiennent les 5% d'honneur retrouvé de Sarkozy.

Quant à l'image des partis politiques, elle est sérieusement écornée :
82% ont une mauvaise opinion du FN, 58% sont mécontents du PCF, 54% de l'UMP et 47% le sont du PS (contre 42% de " satisfaits " de ce parti).

Reste que sondages et statistiques doivent être pris pour ce qu'ils sont : un cliché déformé des changements d'humeur au sein des différentes classes et couches sociales. La défiance à l'égard du gouvernement atteint toutes les couches dites moyennes voire supérieures, sans même épargner les chefs d'entreprise. Ces sondages qui sont devenus une sorte d'industrie révèlent de façon superficielle la crise profonde de la société toute entière. Crise sociale aigüe d'une part, crise chronique du régime d'autre part.

" On va tous vous trancher la gorge " (Karoutchi)

La désintégration des institutions de la Vè République vient de trouver une nouvelle illustration dans la tragicomédie du débat et des votes sur les OGM. Il ne s'est pas trouvé assez de députés UMP pour voter le texte en question. Comment un gouvernement ultra-majoritaire au parlement a-t-il pu être mis en minorité dans l'hémicycle de l'assemblée nationale ? La suite n'est pas moins épique. Comment le chef de l'Etat a-t-il pu s'en prendre publiquement à son président de groupe parlementaire UMP ?

Ce mardi 13 mai au soir après ce " gros cafouillage ", les couteaux sont tirés. D'après un article du Parisien " salle des pas perdus, après le rejet du texte, Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, proche de Sarkozy, lance à un collaborateur de Copé : " On va tous vous trancher la gorge ! " " (Le parisien 15 05 08)
Alors commence la fronde du groupe parlementaire UMP contre l'Elysée. Du jamais vu en 50 ans de déboires de la Vè République. Les députés font bloc derrière leur chef de camp, Jean-François Copé dont chacun sait qu'un de ses deux yeux lorgne vers les présidentielles 2012 où il se voit déjà en haut de l'affiche. La révolte gronde : " Claude Goasguen (Paris) est vivement applaudi lorsqu'il dénonce " quelques connards qui parlent trop de l'autre côté de la Seine ", faisant allusion aux flèches anti-Copé des conseillers de Sarkozy. Dans les couloirs, on n'en finit pas de refaire le match. Pour Bernard Debré, l'incident de la veille est " révélateur des difficultés que nous avons avec le gouvernement : quand on écrit une lettre à un ministre, on ne nous répond pas, on ne nous reçoit jamais, et quand on signale un problème, on nous répond d'aller nous faire voir. On est traités comme des moins que rien ! " (Le parisien 15 05 08)

l'UMP en vrille

La défection du groupe parlementaire lors du vote du texte sur les OGM n'a pas d'autre explication que la tension entre ce bloc parlementaire et les hommes du Président. Cette ambiance délétère " entre amis " est provoquée par les réformes " à haute tension " annoncées pour cette session parlementaire de printemps (hôpital, armée, grandes surfaces, RSA...), sources intarissables de tiraillements, de heurts et de frictions au sein de la bourgeoisie et entre ses représentants politiques les plus directs. Rappelons qu'en temps normal, un exécutif fort, façon de Gaulle, parvient durant tout un temps, en se plaçant " au dessus de la mêlée ", à faire primer l'intérêt général de la classe dirigeante sur les intérêts particuliers ou au plus court terme de ses différentes composantes et à discipliner ses cadres politiques autour de " l'intérêt général bien compris de la France "

La réforme des institutions ne fait pas non plus l'unanimité dans les rangs de l'UMP. Ainsi, le 14 mai en commission des Affaires étrangères, le projet de loi de réforme des institutions est rejeté par quatre voix (dont trois UMP !) contre trois. Deux semaines plus tard, Jean-Louis Debré, Président du Conseil constitutionnel sort de sa réserve et déclare, dans les colonnes du Nouvel Observateur : " je ne voudrais pas qu'au nom d'une modernisation peut-être nécessaire on aboutisse à un retour aux errements que nous avons connus autrefois, et qu'au prétexte d'aller vers une VIe République on en revienne aux pratiques de la IIIe ou de la IVe." Le 4 juin, l'UMP se fend alors d'un communiqué sans appel : " l'UMP s'étonne et regrette que le Président du Conseil Constitutionnel sorte de sa réserve et prenne parti publiquement contre un texte actuellement en cours d'examen au Parlement (...). Il ne faudrait pas que ce type d'intervention porte atteinte à l'impartialité et à l'autorité d'une institution qui est un rouage indispensable de notre équilibre démocratique. "

La rançon de l'accord sur la représentativité syndicale

Dans cette véritable pétaudière qu'est devenue ce qu'il est convenu d'appeler la " majorité ", Sarkozy bouge encore. Thibault et Chéreque ont signé l'accord de " représentativité syndicale " sur lequel nous reviendrons ultérieurement, tant il est significatif du degré de compromission entre les directions syndicales et le Medef et Sarkozy. Dans le cadre de cette " position commune ", les directions CGT et CFDT avaient accepté que des accords d'entreprise puissent déroger au cadre actuel de la durée du travail (35 heures par semaines annualisées). D'autant plus facilement d'ailleurs que la loi Aubry sur les 35 heures permettait déjà les accords d'entreprise dérogatoires au Code du travail, aspect que d'aucuns ont tendance à masquer. Quoiqu'il en soit, ces directions syndicales avaient accepté de précéder la déréglementation toujours plus poussée de la durée hebdomadaire de travail. Sur ce, Sarkozy pousse l'avantage : les directions CGT et CFDT avaient accepté ces dérogations à la législation du travail sous réserve qu'elles soient avalisées par des syndicats représentant au moins 50% des salariés. Dans le projet de loi sur la représentativité des syndicats, cela devient : dérogations à la législation du travail acceptées par des syndicats représentants 30% des salariés. Tournées en ridicule par cette manoeuvre de Sarkozy (visiblement destinée à satisfaire ceux qui, dans l'UMP, veulent aller plus loin, plus vite contre les derniers garde-fous qui brident encore la flexibilité du temps de travail ) , les directions CGT et CFDT paient la rançon de leur trahison des principes élémentaires du syndicalisme et agitent la menace de la " journée d'action " le 17 juin, pour ne pas être décriées davantage par les salariés, indignés devant l'enchaînement des capitulations et trahisons des directions syndicales confédérales, à commencer par la direction de la CGT. Sans ces compromissions de plus en plus consternantes, Sarkozy serait probablement balayé, ou en passe de l'être. Et à grande vitesse, qui plus est...
Modifié le mardi 10 juin 2008
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