La chimère réactionnaire de l’ « esprit du 11 janvier »

L’Union nationale s’est brisée sur le roc de la lutte des classes. En quelques jours, l’esprit du 11 janvier s’est dissous dans la crise politique institutionnelle. L’hystérie collective des medias ne se calme pas pour autant. Elle oscille entre l’agitation sur le thème de la « république face à l’islam » et le leitmotiv sur « la montée de l’antisémitisme en France ». Au même moment, pour faire passer en force la loi Macron, Valls sort son revolver, c’est-à-dire, le « 49-3 ». Les élections partielles, elles, indiquent où se situe la vraie « montée »…Dans l’abstention en masse et en bloc de la classe ouvrière.

Comme le fait remarquer le journal patronal « Les Echos » du 22 février, « L’effet Charlie » n’aura pas duré longtemps. François Hollande et Manuel Valls perdent respectivement 5 et 7 points de popularité en février, marquant un recul de leur bond de popularité observé en janvier après les attentats survenus en France, selon un sondage IFOP pour le Journal du Dimanche et Hémisphère Public. Le Président de la République est crédité de 24% de satisfaits (en baisse de 5 points par rapport à janvier) et le Premier ministre de 46% (-7 points) » Tout ça pour ça, doit se dire ce pitoyable duo !

La loi Macron au forceps du 49-3

Dans ce cadre, la loi Macron est donc passée. Au forceps. Au prix de ce qu’il restait de cohésion au sein de la majorité parlementaire, de plus en plus étroite. Le tout, sur fond de « la drôle de guerre » des directions syndicales qui protestent en se gardant bien de prendre la moindre initiative dans la voie de la mobilisation unie contre cette loi de destruction sociale. Mélenchon n’a pas appelé à manifester cette fois. L’attitude de ces appareils se révèle de façon particulièrement crue à la SNCF. Non seulement, les dirigeants CGT- cheminots et SUD-Rail n’exigent pas l’abrogation de la réforme ferroviaire mais bien plus, jouent le jeu de la négociation de la Convention  collective, en mendiant « une autre mise en œuvre de la réforme », en pleurnichant qu’elle n’est « pas financée ». Ils jouent le Statut des cheminots à une sorte de roulette russe où il y a 6 chances sur 6 de se faire « mettre ». Le gel des salaires à la SNCF, conséquence immédiate de cette réforme mortifère, ne donne lieu à aucun ordre de grève, fût-ce une grève d’avertissement. Le gouvernement et le MEDEF leur demandent davantage encore, une adhésion complète, un alignement total sur le faux syndicalisme des dirigeants de la CFDT.

Le silence complice des directions syndicales

Nous sommes donc aux prises avec un dispositif apparemment « bien rodé » qui permet au gouvernement de faire passer ses plans réactionnaires grâce aux directions syndicales qui bloquent toute initiative nationale sérieuse de défense ouvrière. Or, ce dispositif est en train de montrer sa fragilité.

Outre la grève des routiers salariés, la grève surprise et totale des conducteurs de la ligne A du RER, le 29 janvier est un signe des temps qui s’annoncent. L’agression d’un conducteur a mis le feu aux poudres, sur une ligne où l’UNSA est majoritaire. D’emblée, le droit de retrait s’est transformé en grève spontanée, de fait, contre la dégradation dangereuse des conditions de travail et le harcèlement hiérarchique pour intensifier la cadence au mépris des usagers.

Valls invente « l’islamo-fascisme »

Face à la menace de plus en plus proche de l’explosion sociale, le gouvernement, l’UMP et les medias poursuivent leur croisade contre les musulmans, sur tous les tons. Ne se sentant plus, Valls, qu’aucun amalgame ne rebute, invente « l’islamo-fascisme ». Même Obama s’est senti obligé de dire : « c’est une connerie ». De même, Les Echos, quotidien officieux du Medef, finit par considérer que le « Je suis Charlie » de Hollande est une « erreur stratégique » puisque l’on a identifié la liberté d’expression à un journal devenu au fil des ans un brûlot islamophobe et ce journal à « La France » sur l’arène internationale.

Souvenons-nous, Hollande dans  son show « moi, président » face à Sarkozy, entre deux tours, proclamait la main sur le cœur qu’il n’opposerait pas les français entre eux. Diviser pour régner est, chez lui, comme chez Sarkozy    , une seconde nature. A croire que c’est la « fonction » qui veut ça, lorsqu’elle s’abîme dans l’atmosphère âcre de la chute de la V ème République. Alors, tout y passe. Vas-y que je te désigne les musulmans à la vindicte populaire et aux contrôles au faciès (comme si 6 millions d’habitants étaient en garde à vue constante à ciel ouvert),  et  vas-y que j’oppose les français de « souche » ( ça veut dire quoi d’ailleurs ?), aux « naturalisés » et à ceux qui ne sont pas de sang « gaulois » ou européen ; vas-y que j’oppose les « naturalisés » et « générations suivantes » qui « s’intègrent » aux « autres » et vas-y que je crie sur tous les toits que la majorité de la population est antisémite. Sans hésiter à traîner un gosse de 8 ans au commissariat pour des propos dont il ne connaît pas le sens.

La police des consciences en action

Et, nous voici confrontés à un gouvernement et des ministres qui appellent à la délation, à surveiller « ceux qui ne sont pas Charlie ». Même Rolland Dumas, vieillard de 93 ans, se voit subitement et violemment attaqué par les hommes politiques de tous bords, dénoncé comme … antisémite. Nous n’avons pas de tendresse particulière pour l’ancien président du Conseil Constitutionnel et compagnon de Mitterrand. Mais lorsqu’il a dit face à Gourdin, pardon Bourdin- journaliste donneur d’ordre, « Valls est sous l’influence de sa femme », ce vil mercenaire des medias a aussitôt rebondi «  vous voulez dire qu’il est sous influence juive ? » aux seules fins de le piéger. Procédé de basse police de la pensée, s’il en est. En France, pays de la liberté d’expression individuelle et collective (qui s’arrête où commence celle du pouvoir), on peut dire sans craindre d’offusquer quiconque que Bernadette Chirac ou Christine Boutin sont sous influence chrétienne ou que mon voisin de palier est sous influence musulmane depuis qu’il fréquente une musulmane. Mais, sous influence juive ? Vous n’y pensez pas !
Cette forme de censure morale poussée à son comble aboutit d’ailleurs à nier la culture et la tradition séculaire profondément démocratique du peuple juif, qu’on ne saurait amalgamer à l’idéologie réactionnaire sioniste.
Mélenchon lui-même (et nos lecteurs savent que nous n’avons aucune tendresse à son humble égard) a fait les frais de cette censure morale de Tartuffe quand il avait dit que Moscovici n’avait pas d’autre patrie que la finance internationale. Le malheureux a battu en retraite en déclarant qu’il ne savait pas que Moscovici était juif. Conclusion : ne dites surtout pas que Rothschild et sa banque ont pour patrie la finance internationale. Vous passeriez pour un antisémite ! Entre nous et Rothschild ou Moscovici, il y a, c’est clair, une différence de patrie très nette: leur patrie, c’est la finance internationale, la nôtre, c’est le prolétariat mondial et les peuples opprimés ! Ajoutons que « la France » comme « nation » est partie prenante du Capital financier mondial…

Cambadélis, mercenaire, homme de main et videur…    

S’agissant des propos de Rolland Dumas, c’est sans doute le sieur Cambadélis qui a été le plus loin dans l’ignominie en osant déclarer «  son langage rappelle celui des années 30 […] Je me félicite que tous les partis politiques aient fait bloc et pris position contre ce type de propos qui sont ceux de Dieudonné normalement ». Cet aventurier qui n’a connu d’autres guérillas que celles des tripatouillages des élections à la MNEF, ce repris de justice condamné pour s’être dégotté un emploi fictif de derrière les fagots auprès d’un ancien dirigeant du FN, aurait pu éviter de s’en prendre à un homme qui, dans sa jeunesse, a combattu le nazisme les armes à la main.    
Au fait, Cambadélis s’est-il offusqué un jour que Mitterrand a fleuri la tombe de Pétain ou qu’il continue à déjeuner avec Bousquet, l’organisateur de la rafle du Vel d’hiv en 1942 ? Loin d’aider au combat contre l’antisémitisme, ces tartufferies ne peuvent que l’alimenter. Tout en sachant que la population laborieuse a de toute autres préoccupations et n’est pas disposée à se laisser entraîner dans les malsaines diversions gouvernementales et médiatiques. Elle rejette cette hypocrisie extrême, ces mensonges d’Etat. Elle ne supporte pas d’entendre Valls déclarer avec suffisance qu’il rend du pouvoir d’achat aux français sous forme de baisses d’impôts inexistantes tout en baissant le coût du travail (discours devant les députés lors de la motion de censure faisant suite à l’application de l’article 49-3, le 19 février dernier)

Ces gesticulations hystériques ne freinent en rien la chute du régime, désormais inévitable. L’Union nationale de quelques jours débouche, en réalité, sur de nouvelles fractures au sein des parlementaires PS et au sein de l’UMP (où Sarkozy – qui l’eût cru – a été mis en minorité sur la consigne de vote à donner au second tour des élections désastreuses de la 4 ème circonscription du Doubs). Cette crise, à n’en pas douter, va connaître une nouvelle accélération lors des prochaines élections départementales. L’Union nationale du 11 juin n’aura servi qu’à accentuer la fracture électorale, comme l’a montré cette élection partielle de la 4 ème circonscription du Doubs.

Contre l’islamophobie d’Etat et sous toutes ses formes, pour le libre développement de la lutte des classes, pour en finir avec ce gouvernement et avec ce régime gangrené, pour rompre avec l’Union Européenne, ses institutions, traités et directives, nous sommes résolument du côté des salariés, des jeunes, des chômeurs, des petites gens des villes et des campagnes et des retraités qui s’apprêtent à faire la grève du vote, les 22 et 29 mars prochain. Ils ont raison puisque plus personne ne les représente. Nous sommes avec eux.


Daniel Petri, le 21 février 2015

Modifié le vendredi 27 février 2015
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