Quel « appareil politique de la lutte »* ?

Quelques remarques à la lecture d’Informations Ouvrières

Notre point de vue sur la « tactique » des journées dites de mobilisation est connu. De même, notre point de vue quant au rôle de Mailly-Martinez qui, par leur politique, ont permis le coup de force imposant la loi El Khomri. De même, notre point de vue sur « l’issue politique » par la grève générale. De même, notre point de vue sur la nécessité d’un plan d’urgence de défense ouvrière et pour un parti des travailleurs Lutte de classes. Simple question de transparence. On ne peut, hélas, en dire autant du point de vue du POI. Premier décryptage.

Quel « appareil politique de la lutte »* ?

Note préliminaire

Depuis un an, le POI est divisé en deux organisations : POI et POID.

Dans notre dernière Lettre, nous avons abordé et critiqué le point de vue de Daniel Gluckstein, leader du POID.

Loin de nous l’idée de mettre sur le même plan le POI et le POID.

En outre, nous ne mettons pas ces deux formations dans « le même sac » que NPA, LO et débris du front de gauche. Au moment de la scission du POI, nous écrivions : « Le POI (ex Parti des travailleurs, vertébré par le CCI - ex PCI-OCI) n’est certes pas un parti institutionnel, ce n’est pas non plus une des composantes de l’extrême-gauche domestiquée (NPA, LO), mais son appareil est inextricablement lié et imbriqué à l’appareil de FO et à son sort , lequel appareil « se couche » devant le gouvernement et ne donne plus l’illusion d’incarner « le syndicalisme orthodoxe ayant « la force de l’indépendance » face aux « réformes » . ».

Depuis, l’eau a vite coulé sous les ponts. La lutte de classes a donné un coup d’accélérateur. Un tournant majeur s’est opéré dans la situation. Chacune des deux formations issues du POI « des origines » cherche ses marques propres. Mais, à la base, les militants et sympathisants de ces deux organisations, cherchent, comme nous, les voies et les moyens, du regroupement politique sur une ligne de lutte de classe et de rupture . Et cela passe, bien entendu, par la restauration de la discussion libre, sans concession, ni anathèmes, sans hégémonisme ni opacité.

Entre La Commune qui existe depuis bientôt un quart de siècle et les dirigeants du POID et du POI, il existe un lourd contentieux. Des blessures qui ne se sont pas cicatrisées. Le contentieux dépasse notre seule organisation :

Honneur à Balasz Nagy dit Varga, Stéphane Just, Pierre Broué, Pedro Carrasquedo et à tous les militants et cadres exclus de l’OCI-PCI et calomniés !

Cela étant, comme l’écrivait Léon Trotsky : « la haine personnelle est un sentiment odieux en politique » [Lettres de L. Trotsky. Défense du marxisme. EDI. Page 294.] Ce qui nous guide, ce sont les nécessités de la lutte de classes. Au compte desquelles : la libre discussion, la libre critique entre militants et organisations se réclamant d’une politique ouvrière indépendante. Pour agir !

C’est avec cette détermination que nous nous prononçons pour organiser la force la plus large qui, sur le terrain de la lutte des classes, aidera les masses à surmonter les obstacles qui se dressent sur la voie de son action unie pour vaincre et vivre.

Les « ébauches de programme », elles existent !

Pour sa part, le 4 juin, le POI a organisé une conférence au cours de laquelle a proposé « d’élaborer l’ébauche d’un programme susceptible de s’appuyer sur la mobilisation des masses, appuyées sur leurs syndicats de classe, pour ouvrir une issue politique conforme à leurs intérêts ». Il y a loin de la coupe aux lèvres, semble-t-il et, à tout le moins, un luxe de précaution, comme lorsque l’on manipule un explosif.

Cette ébauche existe : une politique ouvrière qui commence par la satisfaction des revendications vitales, par l’arrêt et l’interdiction des licenciements, par l’abrogation de toutes les contre-réformes anti-retraites, anti-sécurité sociale et anti-code du travail. Une politique qui commence par la triple rupture, avec le gouvernement, avec la Ve république, avec l’Union Européenne. En particulier : de tous les dirigeants syndicaux qui parlent au nom des travailleurs et de leurs intérêts, nous exigeons qu’ils rompent les liens avec le gouvernement, avec l’UE.

Au reste, au moment de sa fondation, le POI en affichait une ébauche dont les axes n’ont pas été dévalués depuis lors, nous semble-t-il

Mais avant d’élaborer ce programme, la question urgente est : où sont les obstacles ? Qui ? Quand ? Où ? Comment ? Si on laisse de côté cette question, tout « programme » (au sens immédiat) sera un programme …d’inaction

Ne jouons pas à cache-cache : les dirigeants du POI savent fort bien où sont les obstacles. Ils savent, tout comme nous, à quoi riment les journées de mobilisation étalées dans le temps, dans les interstices desquelles viennent se greffer des grèves reconductibles dispersées, c’est-à-dire : des grèves tournantes.

Nous n’avons rien à apprendre aux rédacteurs d’IO à ce sujet. Mais, ils font silence là-dessus car, nous le devinons, l’essentiel est de préserver, quel qu’en soit le prix « l’axe de résistance CGT FO … » et ne rien dire qui, de près ou de loin, puisse lui porter ombrage. Le tout étant de savoir de QUEL axe CGT FO nous parlons.

L’axe de résistance CGT FO à la lumière des bilans

Essayant de tirer les premières leçons de ce que nous avons appelé « la première séquence », nous avons considéré que l’adoption de la loi El Khomri, dans les conditions que l’on sait, n’est en rien une « victoire » du gouvernement.

En effet, contrairement à ce qui s’était produit pour les retraites et pour la loi transposant l’ANI dans la loi, les centrales syndicales historiques FO et CGT n’ont pas été prises dans les filets du « dialogue social » qui, moyennant une protestation sous forme de manifestations réduites, les impliquaient dans la mise à jour de ces « réformes »

Éléments pour un bilan

Ainsi, face à la réforme des retraites de 2013, CGT et FO s’étaient bien gardé d’en exiger le retrait. Il faut dire aussi que le POI s’était bien garder d’intervenir pour que FO et CGT n’aillent pas à la conférence sociale de juin 2013. Ce que le NPA, en revanche, avait fait (avant de se fondre, il est vrai, dans les collectifs Attac-Copernic) au service des appareils de la CGT, de FO et du front de gauche.

Face à l’ANI, il y eut un subterfuge : « députés, ne votez pas sa transposition dans la loi ». Au lieu d’exiger l’annulation pure et simple de l’ANI. Le POI épouse alors cet angle d’attaque

Face à la loi El Khomri, CGT et FO commencent par monter une intersyndicale avec la CFDT ; La CGT signe le communiqué intersyndical. FO ne le signe pas. Au même moment, la pétition Loi El Khomri prend son envol et un vent de fronde souffle sur la CGT. Les militants et dirigeants de nombreuses structures syndicales récusent l’unité avec la CFDT. Le congrès qui suit montre qu’un coup a été porté au syndicalisme rassemblé. La manifestation du 9 mars, imposée aux directions confédérales contraint Mailly-Martinez à se prononcer pour le retrait de la loi El Khomri. Lors de la manifestation du 9 mars, le principal mot d’ordre est « ni amendable, ni négociable, retrait » qui vertèbre les cortèges CGT.

Sous ce rapport, il est correct de considérer qu’il existe un axe de résistance CGT FO et de souligner qu’il est un point d’appui potentiel. En précisant nécessairement : cet « axe » a été imposé, de force, à Mailly-Martinez. Lesquels se sont ingénié à le tordre, à le recuire pour le détremper.

Course avec la montre

Souvenons-nous que la mobilisation a été initiée par une pétition et que la première manifestation le 9 mars n’a pas été initiée par les confédérations. Elle a été imposée par cette base active. Aux 500 000 manifestants, Mailly-Martinez ont dit « attendons le 31 mars » et le 31 mars, ils ont dit aux 1 million « attendant le 26 avril ». Pendant ce temps-là , la procédure d’adoption de la loi était lancée. L’Intersyndicale a fait la course contre la montre…A l’ envers. Et il a fallu attendre le 14 juin pour un appel interprofessionnel à la grève et à une montée nationale. Que de temps perdu !

Abandon de l’exigence du Retrait de la loi

Au lendemain des manifestations monstres du 14 juin autour du mot d’ordre « ni amendable, ni négociable, retrait », Mailly-Martinez s’affranchissent de l’exigence du Retrait, supplient pour « discuter », « aménager », « proposer ». A Cette occasion, Mailly se mélanchonise en exigeant un « référendum ». Et du 14 juin au 12 juillet, ils garderont ce cap. Jeté par la fenêtre, le « syndicalisme rassemblé » revient par la porte de service : à la SNCF, ce qui prime, c’est l’unité CGT-CFDT ! La CFDT signera l’accord d’entreprise de type El Khomri et les chefs de la fédé CGT le valideront, contre les militants, contre les grévistes.

Comment peut-on aborder la « journée de mobilisation du 15 septembre » en faisant fi de ces faits saillants ?

« Il y aura le 15 septembre »

La loi El Khomri est une bombe à retardement. La chaudière est installée mais, encore faut-il la mettre en eau et faire les mises au point sans laquelle elle sera tout le temps en défaut. Et, en l’état, elle risque d’exploser.

Hôpitaux au bord de l’explosion

Dans le même temps, la situation dans les hôpitaux est particulièrement explosive. Et face à cette situation terrible dans les hôpitaux, on fait bien sûr grand cas des Groupements Hospitaliers du Territoire et on a bien raison. Mais, en même temps, nous sommes face à une urgence absolue, pour les personnels, pour les médecins comme pour les soignants : porter un coup d’arrêt d’urgence aux suppressions de poste et de lits. Seulement voilà : aucun appel au tous ensemble – au même moment, bien que de nombreuses grèves aient éclaté localement, bien que les personnels sont à bout et nombre de patients envoyés vers les services de soin de suite, à des tarifs qui sont une injure au droit à la santé, avec une couverture dérisoire. Qui prendra l’initiative de dire haut et clair, au grand jour : cette situation nécessite une manifestation nationale des travailleurs hospitaliers, à l’appel de leurs fédérations sur une exigence simple et sans appel : pas une seule suppression de postes – pas une seule suppression de lits ?

Au lieu de quoi, chaque semaine, IO fait la promo du 15 septembre 2016. Prochaine « journée de mobilisation ».

Une journée de mobilisation pour l’abrogation de la loi El Khomri, qui pourrait-être contre ? Dans l’absolu, en faisant abstraction d’à peu près tout ce qui s’est passé, nous pourrions nous en faire les relais, comme le NPA, LO, le POID* et …le POI. Comme s’il ne s’était rien passé !

Etre, à notre tour, comptables de cette journée et … suivistes. Passer sous silence les raisons qui expliquent le paradoxe : un gouvernement isolé, rejeté de tous, privé de majorité parlementaire, en proie à toutes les dissensions internes est parvenu à faire passer une loi haïe, vomie par toutes les classes laborieuses de ce pays ! En ce cas, à quoi cela sert-il d’être doté d’un organe théorique qui s’appelle « la vérité » (organe du CCI qui vertèbre le POI) si c’est pour ne pas la dire ? La rédaction d’informations ouvrières sait fort bien que la répétition de journées « multiformes » sans lendemain immédiat a des effets secondaires épuisants pour les salariés ; elles participent d’un dispositif pare-feu pour « prévenir » l’explosion sociale. Nous n’avons donc rien de plus à dire que : « il y aura le 15 septembre »…

Plus que jamais : Code du Travail, pas touche !

L’intersyndicale a pris position pour l’abrogation de la loi El Khomri ? Très bien ! Cette prise de position est incontestablement un point d’appui. Mais, nous voulons nous assurer que cette prise de position n’est pas de l’esbroufe, que son contenu est bel et bien : NE TOUCHEZ PAS AU CODE DU TRAVAIL ! Et, non, la redite de ces histoires de Code du travail du XXI ème siècle, de « statut du salarié » qui sont, au bas mot, équivoque. A un moment où la plus grande clarté s’impose. Le communiqué intersyndical s’achève ainsi

« Les organisations (CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, UNL, FIDL) donnent rendez-vous à l’ensemble des salarié-es, privé-es d’emploi, étudiant-es, lycéen-es, retraité-es pour une journée d’actions et d’initiatives le 15 septembre pour obtenir l’abrogation de la loi Travail et conquérir de nouvelles garanties et protections collectives. Elles se retrouveront pour faire le point le 31 août. »

Le compte personnel d’activité contre les qualifications

L’exigence : « Code du travail, pas touche » est absente et les « nouvelles garanties et protections « ne disent pas leur nom. Mais, là encore, chacun sait ce que Martinez met derrière : la sécurité sociale professionnelle, le statut du salarié individualisé et autres accessoires du « syndicalisme de proposition ». Sans oublier sa complaisance pour le « compte personnel d’activité » au service de la « formation professionnelle tout au long de la vie », au détriment de la formation initiale dans le cadre de l’éducation nationale et au profit de la liquidation des diplômes nationaux reconnus dans les conventions collectives. Et tout autant à l’encontre de la formation professionnelle pour adultes AFPA. Il s’agit donc d’un dispositif contre les qualifications déterminées par les diplômes nationaux et l’expérience acquise par l’ancienneté.

Faut-il que cela soit dit ?**

Pour reprendre une bonne vieille formule lambertiste : Faut-il que cela soit dit ?

Oui, il le faut.

Sans ratiociner, sans tourner autour du pot. En appelant un chat, un chat.

Il faut, comme le disait Trotsky, « armer les ouvriers avec des faits » et tracer la perspective de la lutte prochaine : la grève générale – laquelle n’est pas enfermée dans des cahiers d’Histoire d’Informations Ouvrières (forts intéressants par ailleurs, pour éclairer le présent).

Ce qui signifie : la préparer, s’y préparer et effectivement, jeter les bases de « l’appareil politique de la lutte »* en aidant à la cristallisation d’un pôle Lutte de classes en France militant pour que l’axe de résistance CGT-FO soit un axe de rupture avec le gouvernement et sa politique, avec l’UE et sa CES. Par l’intervention dans la lutte quotidienne, en prenant appui sur l’initiative des masses et, non, le calendrier des appareils.

Aux militants du POI, du POID et à tous les militants Lutte de Classes, sans partis, libertaires, syndicalistes, nous disons : Place à un véritable pôle lutte de classes et de rupture dans ce pays, dans la perspective de la grève générale et d’un parti ouvrier digne de ce nom !

29-08-2016

* l’appareil de la lutte, selon Trotsky

https://www.marxists.org/francais/trotsky/livres/ouvalafrance/ovlf4.htm

** en 1988, la formule « faut-il que cela soit dit ? » ( à propos du bilan du premier septennat DE Mitterrand) figurait parmi les slogans des affiches du Mouvement pour un parti des travailleurs (Mppt) dont Pierre Boussel dit Lambert était le candidat aux présidentielles de cette année-là

Modifié le lundi 29 août 2016
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