Premier tour des Primaires à droite : Sarkozy K.O. – Chaos politique total

En ce lendemain de premier tour, les médias, dont le pifomètre est pourtant bien encrassé, donnent déjà gagnant Fillon au second tour. Nous verrons bien. Tout le beau monde salue « l’exercice démocratique » qu’aurait été cette Primaire. La grande lessive de « la droite et du centre » a fait l’objet d’une promotion publicitaire de tous les instants. Tous écarquillent de grands yeux : quatre millions de votants ! Une vague bleue ! Un raz-de-marée Pour Fillon !… Revenons sur terre.

Premier tour des Primaires à droite : Sarkozy K.O. – Chaos politique total

4 millions de votants, cela représente moins de 10% des 46 millions d’électeurs inscrits sur le territoire national. Il conviendrait ensuite regarder de quels milieux sociaux proviennent ces votants-là. Si cette analyse sociologique devait être faite, elle montrerait que ces 4 millions font partie de ce qu’on appelle « les classes moyennes supérieures ». Y compris les 500 000 qui sont des « électeurs de gauche ». Ces 4 millions ne sont pas ce que les statisticiens appellent « un échantillon représentatif de la population ».

90% des électeurs inscrits n’y étaient pas

Une fois que nous avons ramené ce vote à ses plus justes proportions, nous pouvons le prendre au sérieux. 4 millions, ce n’est effectivement pas rien, c’est une forme de mobilisation anti-ouvrière et anti-immigrée, d’aspiration à une politique versaillaise de choc contre les masses, à commencer par les chômeurs et les fonctionnaires ; une politique dont Hollande et Valls ont creusé le sillon.

À cet étape, si événement il y a, il réside dans l’exécution en règle de Sarkozy, littéralement pris en tenaille par ses concurrents et qui rend les armes en direct.

L’exécution de Sarkozy

Si l’on prête attention aux derniers sondages de cette Primaire, nous constatons qu’ils ne se sont pas trompés sur le score de Juppé. Les sondages n’ont pas vu venir, à cette vitesse, la chute de Sarkozy. Ils n’ont pas vu venir non plus la réduction, en une bouillie infime, de Copé. Après avoir divisé par dix le prix du pain au chocolat, Copé a divisé par dix son « score » : 0,3% pour celui qui, en novembre 2012, était devenu (non sans déchirements et fraudes), le président de l’UMP. Autre victime, Le Maire qui a labouré le pays, pendant deux ans. Selon le bon vieux principe des vases communicants, un pan entier des électeurs potentiels de Sarkozy a migré vers Fillon. Sarkozy aura peut-être droit à une double ration de frites… en prison, qui sait.

La chute de Sarkozy a été très rapide, sous les coups des dernières révélations sur ses affaires, portées… au bon moment, une dizaine de jours avant la Primaire. Et puisque nous en parlions, ses coups de mentons sur la « double ration de frite » n’a pas été du goût de nombres de supporters de la droite. Il n’avait pas craint d’affronter le ridicule en parlant de nos ancêtres les gaulois, ou de son électorat de « ploucs ». La vulgarité ne sied guère à « la fonction suprême » aux yeux des familles aisées.

Etrillé de toutes parts, Sarkozy s’achève lui-même en s’humiliant. Après avoir déclaré un jour « Fillon, je le veux à terre et sans oxygène » 1, Sarkozy appelle ses « fans » à voter pour celui-là au second tour.

Primaires : la double hérésie institutionnelle

Cet épisode n’est anodin qu’en apparence : Sarkozy aura été le dernier fédérateur de son « mouvement », le dernier caudillo-meneur de ce qui fut autrefois le parti gaulliste. Sa déroute représente un nouveau palier vers la dislocation des chairs de l’ex-UMP, ex-RPR, ex-UDR, parti organique et godillot de la Ve République.

LR et le PS ne peuvent désormais se passer de « l’arbitrage » de Primaires pour désigner leur chef, leur postulant à la fonction de chef de l’État.

Du point de vue des règles de vie d’un parti politique, c’est une hérésie puisque le choix du candidat et donc « patron », est fait à l’extérieur du parti. C’est désormais à l’extérieur du parti que le porte-drapeau puise sa « légitimité ». Les Primaires ont donc un effet dissolvant sur les partis qui ne sont plus maîtres d’eux-mêmes.

Du point de vue du régime de la Ve République, c’est également une hérésie : le principe de base de l’élection présidentielle était celui de la « rencontre d’un homme et d’un peuple » ( selon de Gaulle), s’élevant au-dessus des partis ou cartels à l’occasion d’une élection à deux tours, moyennant des parrainages d’élus locaux ( 100 puis 500).

Le fait accompli des Primaires est, en soi, l’aveu de la crise des partis institutionnels et de la crise des institutions de la Ve République, au premier rang desquelles l’institution suprême du Président de la République.

D’une part, les Primaires traduisent l’incapacité des partis à générer des leaders- tribuns- fédérateurs et, d’autre part, les Primaires reflètent l’incapacité des institutions à donner corps à un chef d’Etat « au-dessus de la mêlée » dans l’intérêt général de la classe dominante (identifié à « l’intérêt de la Nation »).

Du point de vue du régime et des partis institutionnels, ce type de consultation « primaire » est donc mortifère, à plus d’un titre.

Rappelons qu’aux USA, les Primaires existent dans le cadre d’une élection à un seul tour. Le modèle « américain » n’est donc pas transposable en France.

En se prononçant contre les Primaires, Mélenchon est un bon élève du Général de Gaulle. Il est aussi un bon émule du « général » dans sa conception du rassemblement autour d’un homme, c’est à dire : lui-même.

Cela étant, ces Primaires à droite ne sont pas sans enjeu et ne peuvent être réduites à des rivalités et ambitions personnelles.

Pour ou contre l’union nationale

Juppé incarne l’orientation portée par Raffarin. Celle que Raffarin lui-même avait affirmée au moment des désastreuses élections régionales de décembre 2015.

« La tâche est immense. Dans ce scrutin, il y a une chose claire: il y a eu un sursaut républicain pour empêcher le Front national de conquérir une région. Ça c'est une très bonne nouvelle, le sursaut républicain a été très important. Et ça, pour l'image de la France, pour le combat de la République, je pense que c'est un point très important […] La gauche a fait un coup de maître. Ce que demandent les électeurs à la politique, c'est d'être désintéressée. Et les socialistes ont dit « nous sacrifions nos candidats pour empêcher le FN » […] Pour moi le « ni-ni » est une mauvaise stratégie. On ne peut pas même sur le même plan tout le monde au Parti socialiste et le FN » Et, de conclure : « Je pense que nous devons travailler avec le gouvernement car le Front national est un adversaire commun et que nous l'avons battu ensemble dans les élections. Il faut le battre ensemble par l'action et donc il y a des actions communes que nous devons engager ». 2

Aussitôt, Valls avait saisi l’offre en clamant :« Un pacte républicain pour l’emploi. Tous rassemblés pour en finir avec le chômage ! O.K. avec Jean-Pierre Raffarin » 3

Dès cet instant, germe l’idée d’une grande coalition de la droite dite modérée ou centriste avec le PS. Contre cette perspective d’union nationale, se dressent alors Sarkozy et Fillon, chacun dans leur registre distinct.

En effet, ces deux-là voient se dessiner la possibilité d’écraser une bonne fois pour toute le PS, lequel PS est entré dans la voie de l’autodestruction. Sarkozy, très pragmatique, n’écarte alors pas la possibilité d’accords avec le FN.

Les divergences programmatiques entre Fillon et Juppé sont ici tout à fait secondaires. Quel que soit l’élu, il devra poursuivre, accélérer le processus des « réformes » antiouvrières et antidémocratiques. Mais certains observateurs, lors de la soirée du premier tour des Primaires sur France 2, ont considéré que le traitement de choc promis par Juppé et Fillon rend nécessaire une « réforme du syndicalisme ».

Le syndicalisme en ligne de mire

Bien qu’elle ne gagne pas forcément à être connue, Agnès Verdier-Molinié mérite ici d’être citée. Ce personnage est une figure de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques), une fondation de choc et, de contre-choc. Elle a pu donner un aperçu de sa « recherche » lors de la soirée électorale de France 2, en réponse aux questions du présentateur Delahousse.

« Dans le pari fait par François Fillon, le choc est entrepreneurial, il est pro-entreprise, il est pro-création d’emploi marchand, pro-PIB marchand. » nous assure Agnès Verdier-Molinié en préambule, et commente : « Et c’est pas grave si on doit réduire plus le nombre d’agents publics, si on doit augmenter le temps de travail… ».

« [Delahousse dit :] le gouvernement gouvernera par ordonnance, peut-être très rapidement avec un calendrier très très serré ».

« Et puis la question syndicale va se poser » , poursuit l’experte. « Là, il y a une incertitude. Comment on va faire sur le financement du syndicalisme, le paritarisme ? » Faut-il créer des Guantánamo à la française pour les syndicalistes radicalisés ? « Tout ça devra être dévoilé dans un second temps. » Pas la peine d’effrayer les gens pour l’instant.

« Maintenant qu’il va y avoir des réformes ambitieuses, comment on fait pour que les syndicats ne soient pas là pour empêcher la réforme ? » Je ne sais pas. On supprime le droit de grève ? Ça pourrait faire partie de « cette réforme du syndicalisme à la française » qu’Agnès Verdier-Molinié appelle de ses vœux. « Ça va être un défi du prochain quinquennat parce que cette question est centrale. » 4

Au cœur du chaos politique : la lutte des classes

Télérama, qui a longuement cité cette économiste « de combat », en conclut : « Le syndicalisme, dernier obstacle au « choc entrepreneurial » de François Fillon ».

Évidemment, entre les prétentions affichées sous le feu des ambitions et ce qui va arriver effectivement, il y a loin de la coupe aux lèvres. En particulier, dans le chaos politique où gît le vieux régime de la Ve République. Tout devient de plus en plus aléatoire…

À tout le moins, ces commentaires montrent que la lutte de classes est au cœur des turpitudes et déchirements de la droite. Elles trahissent la peur. La peur rétrospective des événements du printemps dernier. Cette peur qui nourrit l’arrogance, les bouffées de haine de classe, les menaces.

L’intégration toujours plus poussée des syndicats à L’État est inscrite dans le patrimoine génétique de la Ve République.

Au cœur du chaos politique, se dessine très nettement la lutte de classes et tout ce qu’elle porte en elle de révolte, de colère, de refus et de détermination.

L’air « Primaire » est irrespirable. Les funestes déclarations d’intention des « pré-candidats » aux abois n’appellent qu’une seule réponse : renouer avec le syndicalisme de lutte de classe, en rupture avec le régime, ses gouvernements successifs et ses réformes ; en rupture avec l’Union Européenne.

22-11-2016

1 http://www.lejdd.fr/Politique/Nicolas-Sarkozy-Francois-Fillon-je-le-veux-a-terre-et-sans-oxygene-726990

2 http://www.bfmtv.com/politique/regionales-la-reaction-de-raffarin-sur-bfmtv-rmc-936787.html

3 http://www.lemonde.fr/politique/article/2015/12/17/la-strategie-transpartisane-de-manuel-valls-et-francois-hollande_4833497_823448.html#HqB5Ot9Ipyoiqljz.99

4 http://television.telerama.fr/television/le-syndicalisme-dernier-obstacle-au-choc-entrepreneurial-de-francois-fillon,150361.php

Modifié le mardi 22 novembre 2016
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