« Constituante souveraine » : Mot d’ordre ou obstacle ?

Quelques remarques à propos d’un éditorial de Daniel Gluckstein

Il est désormais clair que la Ve République est « en fin de course », comme le canard sans tête. L’idée d’une assemblée constituante fait donc son chemin. Pas question ici de revenir sur la Constituante de Mélenchon qui, comme tous ses produits, est une contrefaçon. Revenons plutôt sur la Constituante que prône Daniel Gluckstein. Nous ne sommes pas d’accord. En voici les raisons.

« Constituante souveraine » : Mot d’ordre ou obstacle ?

Dans l’éditorial de la Tribune des travailleurs du 17-08-2017 qu’a écrit Daniel Gluckstein, nous lisons :

« 2000 militants de toutes tendances du mouvement ouvrier ouvrent une autre perspective : la constitution d’une force politique agissant ouvertement pour la rupture avec l’union européenne et la Ve république, pour la souveraineté du peuple et l’élection d’une assemblée constituante souveraine ».

A sa façon, Gluckstein répond au besoin d’un pôle lutte de classes et de rupture que quatre mois de mobilisation pour le retrait de la loi El Khomri a mis en relief. Mais, quel rapport avec la Constituante ?

« Toute lutte de classes est une lutte politique »

Bien entendu, les mots d’ordres démocratiques ont toute leur place dans la lutte de classe : « toute lutte de classe est une lutte politique » (Marx, le manifeste). Pourvu que ces mots d’ordres démocratiques soient des mots d’ordre de mobilisation. Comme le notait Trotsky, ce sont des mots d’ordres épisodiques.

C’est ainsi que les trotskystes optèrent en 1934 pour le mot d’ordre d’Assemblée unique, après les émeutes fascisantes du 6 février 1934 et la constitution d’un gouvernement « fort » imposant des décrets lois.

https://www.marxists.org/francais/4int/prewar/1934/prog34.htm#N10B8A

En 1975, au Portugal, les trotskystes ont battu le fer pour la souveraineté de l’Assemblée constituante. (Le PS et le PCP y détenaient la majorité absolue, un an après la chute de la dictature salazariste).

A contrario : En 1918-1919 en Allemagne, le mot d’ordre d’élection d’une constituante souveraine fut le mot d’ordre de la social-démocratie pour briser les conseils ouvriers qui avaient surgi dans toute l’Allemagne lors de la crise révolutionnaire de novembre. Ces conseils ouvriers tendaient à être des organes de Pouvoir des masses, selon les principes de la Commune de Paris : délégués élus, révocables. Sous le drapeau de la Constituante, la social-démocratie lança les corps francs (vivier du futur parti nazi) contre les révolutionnaires. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg furent assassiné

Reconquérir quelle « démocratie politique » ?

Cela veut dire que ce type de mot d’ordre doit être utilisé avec prudence. Et, comme on dit : « avant l’heure, c’est pas l’heure ; après l’heure, c’est plus l’heure »

Le lancer avant l’heure, cela revient à faire passer au second plan la question immédiate de la rupture avec le gouvernement Hollande Valls. Question qui est d’ailleurs gommée dans l’Appel des 1000 auquel fait référence Gluckstein dans son édito.

Gluckstein parle de « reconquérir la démocratie politique ». Au mieux, cette formule est une abstraction creuse. Sinon, c’est une formule équivoque. Que veut-on reconquérir ? La démocratie parlementaire de la IIIe et IVe république ? Celle de la Convention de 1792 ? Ou : la démocratie de la Commune de Paris et des conseils ouvriers de Russie, d’Allemagne ?

A l’heure où d’aucuns ( hors POI et POI-D), se croyant « à gauche de la gauche radicale » se bombardent « républicanistes », il faut rappeler que la Convention (nom donnée à l’Assemblée constituante pour la première république) concentra pendant un temps tous les pouvoirs et que la Constitution de l’an I ( juin 1793) fut autrement plus démocratique que le projet de « république sociale, laïque et démocratique » que portent ces grands clercs.

http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/la-constitution/les-constitutions-de-la-france/constitution-du-24-juin-1793.5084.html

La voie du débouché

Dans les faits, mettre en préalable « la Constituante » à la formation d’une force politique lutte de classes, c’est y dresser un obstacle : En effet, pour l’heure, la question qui est posée n’est pas « ce qu’on doit mettre à la place de… »… La question est : combattre ce qui est en place, combattre pour que le mouvement ouvrier rompe avec ce qui est en place. Dans un telle force politique, il devrait y en effet y avoir place pour des points vue différents sur « l’issue politique » : pour les uns, « constituante souveraine », pour d’autres « république sociale » ou « organisation fédérative libertaire de la société » ou encore, pour nous, « gouvernement ouvrier, Etat-Commune et République socialiste des Conseils ouvriers ». Autant le dire : il n’y pas d’issue politique, hors la lutte de classes. La grève générale est la clé des événements à venir, la voie du débouché.

Un préalable inopportun

De ce point de vue, la « Constituante » agit comme un préalable inopportun. Aussi, avant de préjuger de la forme que prendra le dénouement de la chute de ce régime, la lutte politique et le regroupement d’une large avant-garde ouvrière et démocratique consiste à combattre pour en finir avec ce gouvernement et ce régime, en vue de la satisfaction des revendications vitales et de la sauvegarde et reconquête des acquis sociaux décisifs, pour la triple rupture : rupture avec le gouvernement, rupture avec la Ve république, rupture avec l’UE, ses traités, ses institutions, ses directives.

Tout autre « construction » serait, à notre sens, une combine sans avenir, un « bon coup ». Les mauvaises langues disent que cet échafaudage a pour but de resserrer les liens entre le POID et tout ou partie du PG. Nous verrons bien.

Aux militants du POID et du POI, nous disons : Place à un véritable pôle lutte de classes et de rupture dans ce pays, dans la perspective de la grève générale et d’un parti ouvrier digne de ce nom !

21-08-2016

Modifié le lundi 22 août 2016
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